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La facture économique du «Benali réfléchi» !

par Kamel Daoud

Derrière les fenêtres, les printemps algériens: un ciel lumineux et une terre verte. Comme si tout est politique en Algérie, sauf le «printemps». Contrairement aux autres. «Mais qu'est-ce qu'ils veulent faire à la fin ?», lance un homme d'affaires dans son bureau. Eux, ce sont les «politiques», vieille race fermée qui persiste dans la même mentalité depuis le Congrès de la Soummam et le MALG. La question se justifie parce qu'en Algérie l'opacité est totale sur ce que le régime veut faire ces derniers temps, mais l'intention est claire: gagner encore du temps, comme la Hollande gagne de la terre sur la montée des eaux, peu à peu, lentement, par villages et sacs de sable. C'est l'unique stratégie décryptable depuis quelques mois en Algérie. Pour le reste, c'est du flou et du lassant: deux mandats ? Trois ? Un 3e mandat prolongé à sept ans ? On ne sait pas. Révision par référendum ou par chambres ou par décret ? L'essentiel est que c'est opaque, peu intéressant, fourbe et impossible à comprendre et n'a aucun lien avec la volonté de réformer ou de transmettre ou de passer le flambeau ou d'assurer une transition.

C'est du bidon, mais cela n'est pas gratuit. Cela a une facture: l'économie du pays est réduite à un attentisme dangereux depuis des mois. Ainsi que les intentions d'investissement, les contrats et les perspectives. C'est une sorte de fin de règne qui dure un peu trop longtemps et qui ne permet pas d'entreprendre ou de miser ou de décider. «On attendra une année», nous dira le même homme d'affaires presque en colère. Car c'est différent: si c'est Ouyahia qui revient, il vaut mieux investir au Maroc. S'il s'agit de Belkhadem comme un des deux vice-présidents, vaut mieux se rapprocher d'une zaouïa et investir en cabanons à Port Say, vers Maghnia. Si c'est Bouteflika, vaut mieux faire de l'importation de mayonnaise et de la promotion immobilière en logements sociaux. Et si c'est des réformes vraies, il vaut mieux penser à penser.

C'est que «les politiques», ceux de la servilité, ou ceux de la décision sont presque enfermés dans une sorte de joutes et de jeux de réglage qui se font à huis-clos, en mode autiste pendant que le pays attend et que le temps passe. L'unique activité économique est réduite à des décisions financières palliatives dont le sens est celui de gain de sursis, pas celui d'une vision de relance. On paye une salle d'attente et on se paye un peuple assis sur ses chaussures. «Une année, c'est peu pour faire quoi que ce soit d'autre», dira un ministre au chroniqueur il y a quelques jours, la mine un peu triste mais avec l'antique geste du bras qui tombe. S'il existait une Bourse et des cotations en Algérie, elle aurait eu pour indice la tête de Bouteflika et ses intentions. On ne les connaît pas, on spécule et l'économie hésite.

C'est une sorte de cri mou et flasque et sans force de «Benali dort».

C'est donc le grand fait du jour national: on ne sait pas ce qu'il veut faire, lui et les siens et cela congèle le pays, le plonge dans une étrange hibernation et se facture en économie. Les gens attendent qu'il vote pour quelqu'un ou pour lui-même et, en attendant, ils préfèrent garder leur argent et leurs idées.