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Cette quête assidue qui nous veut du bien

par Salim Metref

Le 28 août 1963, à Washington, Martin Luther King déclarait: «We are not satisfied and we will not be satisfied until justice rolls down like waters and righteousness like a mighty stream». Cette quête de justice et de droiture à l'aube de l'avènement des droits civiques aux Etats-Unis a constitué le leitmotiv du combat du célèbre révérend américain.

Mais la résonance de ce légendaire discours reste plus que jamais d'actualité, transcen  de les frontières et nous rappelle que le droit est toujours bafoué là ou les sociétés civiles démissionnent, sont démembrées et ou les consciences sont endormies.

L'actualité internationale nous apporte hélas chaque jour son lot de scandales et d'affaires scabreuses qui éclaboussent les fondements des états ou ils se produisent. Nul continent n'est épargné et chaque pays dispose, ou pas, des ressorts qui amortissent l'onde de choc produite dans l'opinion et articule les outils qui permettent de dire le droit, de juger et de condamner s'il les faits s'avèrent délictueux. D'autres pays, peu respectueux des droits de l'homme et des conventions internationales, ne déploient que la force et l'autoritarisme pour gérer les légitimes mécontentements de leurs populations jusqu'à ce souvent l'imprévu se produise et charrie dans son sillage l'inconnu. En France par exemple, l'épisode de la mise en examen de l'ancien président français a constitué un véritable séisme politique dont les répliques ont secoué jusque la majorité au pouvoir. Et l'ombre de l'ancien ministre français du budget a ainsi plané sur la visite effectuée au Maroc par le Président Hollande, lui en a atténué l'éclat et lui en a même volé la vedette. Le mensonge d'état puis les aveux tardifs de l'ancien ministre en charge notamment de la lutte contre la fraude fiscale, et leurs effets collatéraux sans doute encore à venir, et l'apparition, pour des affaires d'ordre privé, du nom de l'ancien trésorier de la campagne électorale du président français dans la liste des membres de l'Offshore World, liste révélée par l'International consortium of Investigative journalists qui contient des milliers de noms et d'entreprises issus de très nombreux pays y compris ceux développés, ont phagocyté la conférence de presse traditionnelle de clôture au point de conduire le président français lui-même à imposer dés l'entame une répartition équitable des questions posées entre le contenu et les résultats de la visite et l'actualité française.

Ces affaires ont même relégué au second plan les vifs remerciements exprimés par le Président Français à propos du soutien marocain apporté à l'intervention militaire française au Mali et l'éloge de son plan d'autonomie pour le Sahara occidental. Ce dernier point n'est pas en soi, faut-il le rappeler, nouveau puisqu'il constitue, indépendamment de la couleur politique du locataire de l'Elysée, une option lourde de la politique maghrébine de la France. Le temps consacré par le Président français à dissiper l'embarras suscité par un climat politique interne devenu délétère a été conséquent et probablement sans réussir à convaincre une opinion française désabusée qui commence à douter de cette nouvelle mandature que l'on affirmait au-dessus de tout soupçon. Avec un record du pourcentage d'opinions favorables le plus bas jamais atteint après onze mois d'exercice, l'image du président Hollande est quelque peu malmenée par les effets pervers d'une crise économique qui s'installe dans la durée et de l'aggravation du chômage qu'elle induit, la répétition des couacs de son équipe gouvernementale et enfin l'effet dévastateur dans l'opinion française de ces encombrantes révélations de fraudes fiscales, de délits d'initiés, de comptes bancaires secrets et autres paradis fiscaux qui marquent les esprits, font basculer l'opinion et poussent les ténors de l'opposition à profiter de l'aubaine pour monter au filet. Ces derniers n'hésitent plus à demander la démission du gouvernement, la redéfinition des priorités de son agenda et même l'organisation d'élections législatives anticipées. C'est de bonne guerre car il faut toujours, pour reprendre l'expression d'un ancien homme politique français, être le meilleur dans l'opposition et non pas au pouvoir car les promesses malheureusement et très souvent n'engagent que ceux qui y croient. Mais l'opposition française est divisée et retient son souffle car tributaire des elle-aussi des développements futurs des ennuis judicaires de son leader et ancien président français. Décidemment quand la bourrasque du mensonge d'état, des sociétés écrans et des affaires vient à se produire, tout peut être éclaboussé et le doute peut s'installer dans l'opinion.

L'exercice du pouvoir devient extrêmement périlleux dans les pays développés surtout lorsque les écarts de conduite de ceux qui l'exercent sont avérés. Ils se paient souvent cash car la société civile devient de plus en plus exigeante, dispose d'outils d'investigation et de contrôle extrêmement efficaces, se dote de medias sentinelles extrêmement vigilants, alerte des réseaux sociaux très actifs et devenus des relais planétaires, fait appel à des organisations redoutables qui bénéficient de relais et de soutiens dans les plus hautes sphères du pouvoir et impose un nouveau style de gouvernance. Ce dernier affole parfois l'establishment, bouscule le fonctionnement traditionnel des institutions et remet même en cause l'organisation du pouvoir dans sa représentation démocratique actuelle qui semble parfois dépassée. Qui peut comprendre par exemple que des courants politiques extrêmement présents et à l'ancrage populaire certain soient absents ou sous-représentés dans des parlements européens devenus des citadelles imprenables tant les modes de scrutin qui y régissent l'accès sont souvent injustes et inadaptés.

Cette incursion dans les difficultés économiques et les turbulences politiques internes de l'hexagone ne nous fera cependant ni rire, ni sauter de joie et ni oublier que les défis à venir sont plutôt ceux que nous aurons à affronter ici en Algérie. Cette incursion nous sert surtout de prétexte pour redire que les vrais problèmes qui nous concernent sont ceux qui sont à venir et que certains d'entre eux sont déjà là. Et qu'il ne faudra désormais compter que sur les efforts que nous fournirons pour espérer imposer le respect autour de nous. Non pas quémander ou attendre une quelconque onction venue d'ailleurs mais développer notre puissance notamment économique, conforter la cohérence de notre politique internationale et nous approprier une gouvernance saine et au dessus de tout soupçon. Il faudra donner de sérieux gages à un monde qui nous observe et que ne pourrons pas bluffer par des effets d'annonce mais dont nous devons forcer le respect par une véritable volonté politique de changement accompagnée d'actes d'ouverture véritables et vérifiables vers une société juste et libre. De nouveaux comportements devront par ailleurs être adoptés car ils constitueront indéniablement une véritable cure de jouvence pour notre pays qui a besoin de souffler et de retrouver ses forces car depuis longtemps blessé et affaibli par les coups de boutoir des prédateurs et de la corruption. Il serait très sain, par exemple, que des personnalités en situation de responsabilité politique ou autre mais aussi celles du monde du spectacle, du sport, des médias, du monde des affaires et de tous les segments de notre société démissionnent lorsqu'il y a des soupçons sur des comportements présumés incompatibles avec l'éthique et l'exercice de leurs fonctions ou qu'il y a des doutes sur leurs gestions. Il ne s'agit pas d'aller jusqu'au suicide, par ailleurs banni par notre religion, comme l'ont fait sous d'autres cieux certains et de surcroit parfois pour des faits inexacts mais de renoncer à ses fonctions en attendant que la justice conduise les investigations nécessaires, en respectant bien entendu le sacro-saint principe de présomption d'innocence, et retrouver le cas échéant ses fonctions si l'innocence est prouvée. Il nous faudra aussi permettre à certaines fonctions de retrouver la place qui doit être la leur. Ainsi nos meilleurs avocats doivent exister, s'exprimer et se faire connaitre de l'opinion publique car leur présence est souvent assimilée à un signe de bonne gouvernance et de respect des libertés et des lois.

Donner également l'opportunité à nos meilleurs entrepreneurs, notamment ceux qui produisent de la richesse et qui créent des entreprises citoyennes, d'expliquer leurs projets pour endiguer le développement de cette conception sous-développée de l'acte d'entreprendre qui se propage et qui consiste à acquérir sur les marchés extérieurs marchandises et équipements, souvent mal conçus, et à les revendre en Algérie. Notre pays est devenu le réceptacle de toute la camelote fabriquée dans le monde.

 S'il est aussi dans l'air du temps de médiatiser artistes et sportifs, il faut aussi par exemple que nos juges, notamment ceux qui traquent le mal là ou il se trouve, sans peur et sans crainte, soient connus. Quelle noble fonction que celle de la magistrature, de dire la loi, établir la vérité et combattre le mal pour faire triompher le bien. Les magistrats du pôle économique dont on parle actuellement et qui sont en charge de toutes ces prétendus scandales politico-financiers qui défraient la chronique doivent être connus, intervenir dans les medias, en tenant compte bien entendu du secret inhérent à toute affaire en cours d'instruction, et devenir des modèles pour les jeunes générations dont les repères doivent être ceux qui portent le destin des grandes nations. Des pays sont devenus puissants et respectés parce qu'ils ont disposé d'une armée républicaine qui les protège des agressions externes, assure la sécurité de leurs frontières et défend avec force le pouvoir politique civil, émanation de la volonté populaire par l'expression du suffrage universel, se sont dotés d'une diplomatie qui porte haut leurs voix et leur confère respect et considération dans le concert des nations et d'une magistrature au service exclusif de la vérité, garante de l'égalité de tous devant la loi et qui conforte la crédibilité et le respect de toutes leurs institutions. Toutes ces fonctions et leurs corollaires lorsqu'ils s'accomplissent confèrent à ces pays l'estampille de pays de liberté et de justice. Les tensions politiques s'apaisent plus facilement et les convulsions sociales mieux gérées. Et n'oublions surtout pas que plus vite cette quête assidue de justice et de droiture trouvera son prolongement dans toutes nos institutions, mieux la puissance de notre pays se redéployera !