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LES FRERES «DORMANTS» ET LA POUDRIERE

par M. Saadoune

« Ce qui arrive en Egypte m'inquiète énormément, plus que jamais auparavant. Les Frères se sont installés pendant 70 à 80 ans dans la caverne et quand ils ont pris le pouvoir dans un contexte précis, ils n'ont pas compris que la monnaie, les langues et les normes ne sont plus les mêmes et que le monde a changé? Et les gens doutent de leur capacité à diriger». La parabole est du grand journaliste et intellectuel égyptien Mohamed Hassanein Heykal qui continue avec une lucidité remarquable à disséquer les événements et à esquisser des projections sur l'avenir. Avec une liberté d'esprit qui a d'ailleurs conduit la chaîne Al-Jazira à renoncer à l'émission qu'elle lui consacrait.

Trop libre, trop indépendant et peu disposé à humilier son intelligence pour être dans le cadre de «l'émirat». Cette liberté, il l'exerce toujours. Et la parabole coranique choisie pour décrire l'état des lieux de l'Egypte et des graves menaces qui pèsent sur elle peut difficilement ne pas être comprise par les Frères musulmans au pouvoir. Ils auront tendance à n'y voir qu'une critique de plus venant d'un «adversaire» de plus. En réalité et alors qu'ils accumulent les erreurs et les maladresses, ce n'est même pas une critique, c'est une vraie mise en garde, un avertissement. Leur manière de gérer le pays par le passage en force a créé une situation de clivage jamais atteinte auparavant. Même le souci permanent de préserver le tissu social et d'éviter les débordements confessionnels est aujourd'hui affecté.

Les Frères musulmans ont trop fonctionné - et ce n'est pas toujours leur faute, c'est un fait d'histoire très marqué par la répression - en société secrète, voire en secte. Et comme pour tous les groupes fonctionnant sur le confinement et l'idéologie, cela peut donner une vision déformée de la réalité. La parabole des «sept dormants» qui se réveillent d'un long sommeil pour découvrir que le monde n'est plus ce qu'il était est parfaitement à sa place. Les Frères musulmans ont pensé que l'attachement des Egyptiens à la religion suffisait pour qu'ils se permettent d'accaparer le pouvoir sans tenir compte des autres. C'était bien le plus mauvais des choix dans un pays qui veut se libérer de l'autoritarisme tout en couvant une formidable crise sociale. La crise égyptienne a été rendue encore plus complexe par cette vision « datée» des Frères musulmans qui sont contestés même par les salafistes.

LE PRESIDENT MOHAMED MORSI EST PRIS DANS LA SPIRALE D'UN JEU AUTORITAIRE QUI N'ARRIVE PAS A S'IMPOSER. IL PREND DES MESURES QUI SUSCITENT PLUS DE CONTESTATIONS? DES MESURES QU'IL N'ARRIVE PAS A APPLIQUER MAIS AUXQUELLES IL NE PEUT PAS RENONCER. LA SITUATION ECONOMIQUE EST SUR LE POINT DE RUPTURE. LA DETTE AUPRES DES SOCIETES PETROLIERES A ATTEINT LA BARRE DE 5 MILLIARDS DE DOLLARS, LES RESERVES DE CHANGE ONT FONDU? LE PAYS DISCUTE AVEC LE FMI QUI, SANS SURPRISE, A SORTI LES CONDITIONNALITES CLASSIQUES. LES CHOIX A FAIRE DANS LE DOMAINE ECONOMIQUE SONT EXPLOSIFS ET LA SAGESSE AURAIT COMMANDE DE CHERCHER L'APAISEMENT ET LE CONSENSUS POLITIQUE DANS LA GESTION DE LA TRANSITION. «LE PAYS VA VERS L'INCONNU» ET UNE CATASTROPHE RISQUE D'AVOIR LIEU LORSQU'IL N'Y AURA PLUS DE CARBURANTS, A AVERTI LE VIEUX HASSANEIN HEYKAL. IL N'EXCLUT PAS QUE LES FRERES MUSULMANS DECIDENT DANS QUATRE MOIS D'IMPOSER LA LOI MARTIALE. MOHAMED MORSI VA S'APPUYER SUR L'ARMEE ET IL VA METTRE LE «PAYS DANS UNE CRISE QUI N'EST PAS NECESSAIRE».