Sarkozy
dégagé, est-ce un nouveau départ pour les relations tumultueuses entre
l'Algérie et la France ? Si le nouveau locataire de l'Elysée avait, auparavant,
envoyé des signaux forts d'une refonte des relations bilatérales dépouillées de
toutes passions en direction d'Alger, il est clair que la balle, étant dans le
camp des Algériens ; il fallait ou la renvoyer ou la botter en touche. Et quoi
de plus symbolique qu'une date pour s'inscrire dans l'histoire des hommes.
Répondant à un président qui prône le changement maintenant, Bouteflika, un
président qui avoue que lui et sa génération sont finis, a joué la partition de
l'apaisement et pris le parti de dépassionner les débats algéro-français.
Commémorant le 8 mai, jour de la fin de la deuxième guerre mondiale, mais
surtout celui des massacres coloniaux commis à Setif, Guelma et Kherrata, le
Président a appelé à en finir avec la guerre des mémoires et de tourner la
page, une fois pour toute. Si le mandat de Sarkozy avait été des plus
conflictuels dans ses relations avec Alger, avec plusieurs pics de tension, le
quinquennat de Hollande lui se profile sous de meilleurs auspices. Mais avec la
raison d'Etat, qui gouverne la France, quelle que soit la couleur partisane du
porte-clés de l'Elysée, et le refus de la repentance érigé en article de leur «
doustour », d'autant plus que Hollande avait déjà affirmé qu'il n'était pas
question de « repentir », Bouteflika n'avait pas vraiment d'autres choix que de
mettre en place une nouvelle dynamique pour la relance des relations communes
entre les deux capitales. Que ce soit du côté de la France, du parti socialiste
ou de l'Algérie, il est plus que primordial de ne plus regarder ces relations
sous le prisme de l'histoire et de la mémoire. Car devant l'entêtement français
à ne pas demander pardon à l'Algérie de lui avoir volé 132 ans de son histoire,
d'avoir colonisé son ciel et ses enfants, d'avoir exproprié tout un peuple et
pris ses richesses, d'avoir bombardé ses montagnes au napalm et guillotiné ses
héros, il est difficile de trouver une issue au problème. Bouteflika parle de
transcender les séquelles du passé pour un avenir de confiance et de respect,
histoire de tendre la main à François Hollande, dont le père est un nostalgique
de l'Algérie française. Drôle de paradoxe qui s'invite de lui-même dans une
histoire qui n'en finit plus de remuer le couteau dans les plaies et de
demander que justice soit rendue. Même si elle part de bonnes intentions,
l'offre de Bouteflika ne passera pas sans susciter des réactions hostiles des
gardiens du temple. Attendue et légitime, leur réponse est dictée par une
volonté de lutter contre l'amnésie et de défendre une mémoire spoliée et salie
par la colonisation. Sans pour autant verser dans le jusqu'au boutisme, il
n'est que justice pour un peuple de demander réparation auprès d'un Etat qui a
l'outrecuidance de condamner le génocide d'un autre peuple par un pays tiers,
alors que dans son placard dort le cadavre de 1,5 million d'indigènes.