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Le 09 universel, le 10 national

par Mohammed GUETARNI*

Nombre d'évènements survenus dans notre pays et notre planète ont eu lieu à des dates qui se terminent par le chiffre neuf (09) : 1789, la Révolution française ; 1919, le Traité de Versailles ; 1929, le Krach économique ; 1939, déclenchement de la deuxième Guerre mondiale ; 1949, la victoire du communisme en Chine ; 1979, Chadli Président d'Algérie ; 1989, naissance (au forceps) de la II° République algérienne ; 1999, élection du premier mandat de l'actuel Président Bouteflika ; le 09 avril 2009, sa réélection pour son troisième mandat (espérons le dernier).

En ? novembre 2009, l'équipe algérienne de football s'est qualifiée pour la coupe du monde, pour la première fois après une absence de prés d'un quart de siècle ? (soit une génération après). Les joueurs de l'actuelle équipe n'ont jamais vu l'équipe nationale disputer un match de la coupe du monde. Ils y participent grâce à leur talent et courage (coup de rage) de vaincre. On retrouve le chiffre 9 même dans le Saint Coran au verset 30 de la Sourat 74 : «19 [Anges] sont chargés d'y [Géhenne] veiller.»

Décidemment, ce chiffre paraît cacher un mystère que même le plus zélé des néophytes n'est pas, à même, de le percer. Il est tantôt bon, tantôt mauvais manitou. Loin de toute superstition, c'est simplement un constat (historique). La fatalité, parfois, nous surprend jusqu'à penser que la réalité exagère par elle-même.

Neuf est un chiffre de transition permettant de passer d'une catégorie arithmétique à une autre supérieure : des unités aux dizaines, des dizaines aux centaines, des centaines aux milliers?. Chez nous, il nous a permis de passer d'un système rétro à »l'air conditionné» du Parti «inique» souffrant d'un anachronisme et d'une «idiologie» moyenâgeuse, qui a détruit l'homme et de la nation, vers un autre un peu plus proche de l'air naturel où chaque Algérien semble trouver un certain équilibre humain qu'il a «temps» cherché depuis l'Indépendance : la liberté d'exprimer haut ce qu'il pensait bas au temps de la pensée unique sans être, pour autant, un mercenaire de la plume à la solde d'une main étrangère fictive qui n'existe que dans l'esprit de ceux qui croient la voir partout sans qu'elle ne soit nulle part.

L'année 2009 était prometteuse: l'équipe nationale s'est qualifiée pour la coupe du monde de juin 2010, l'autoroute Est-Ouest est, en grande partie opérationnelle. Il y a eu une augmentation de salaires au «conte-gouttes» après moult mouvements sociaux, comme à l'accoutumée. Et oui, chez nous c'est comme ça. Ces nababs qui nous gouvernent n'ont aucune culture de la négociation, encore moins la maturité du professionnalisme politique pour prévoir (car gouverner c'est prévoir) Dès qu'il y a contestation populaire, c'est le cordon policier qui se met autour des manifestants, au lieu et place d'instaurer le dialogue (ce grand absent) pour écouter, entendre et se faire entendre. C'est-à-dire négocier autour d'une table à l'instar des grands pays politiquement avancés. Chez nous, c'est encore et toujours les rapports de force qui priment. Que dis-je ? Qui briment.

 Et oui, les petits salaires augmentent sous par sous, sous après sous, sous derrière sous pour que les infra Algériens restent toujours au bas de l'échelle sous la coupe des Supra Algé-Rois de la haute volée qui domine. On ne connaît jamais les augmentations révoltantes de nos caïds. Ces derniers veillent à ce que les signes extérieurs de distinction qui les distinguent restent toujours «ostensiblement» visibles. C'est pourquoi avant toute augmentation de salaires, il y a d'abord une hausse révoltante des prix. Quel marché de dupes ! Ces dernières semaines, l'inflation a atteint officiellement près de 6%. La pomme de terre est devenue presque aussi «chair» que la pomme tout cours à 120 DA le kilo, la tomate à 140 DA, les haricots verts à 150 DA?. Ce n'est, certes, pas les 3 000,00 DA d'augmentation du SMIC qui sauront aider les pauvres smicars à rapprocher les deux bouts. Quant à les joindre, faut pas rêver !!! Ce semblant d'augmentation injurieuse ne parvient même pas à remplir le fond du panier de la ménagère. Cette situation de disparité sociale insultante attise la haine et conduit droit vers une dichotomie gouvernés/gouvernants. Ces derniers perdent toute crédibilité et risquent, par la même, d'enliser davantage le pays dans la déviance (détournement, corruption, abus de pouvoir, trafic d'influence?) particulièrement lorsque la fortune et le statut social sont au-dessus des lois de la République. De facto, ces cellules malignes l'emportent aisément sur les cellules saines (autant dire saintes) de l'éthique, l'honnêteté et la morale qui deviennent étiques au point de les assimiler à des tares de la politique nationale.

Pourtant, il ne faut pas être «Einstein» pour comprendre que la nation algérienne est en pleine transformation. Un État moderne doit être dirigé par un Pouvoir modeste composé d'hommes compétents et intègres. Les efforts de tout le monde (sommet et base) devraient être impérativement conjugués à tous les temps et à tous les modes pour construire une Algérie qui crée et pas seulement qui crie ; pour inventer une Algérie qui invente et non une Algérie qui s'invente ; une Algérie qui produit et non une Algérie qui consomme ; une Algérie à devise forte et non une Algérie à monnaie de singes ; une Algérie de Droits et non une Algérie de passe-droits. Ce qui importe, aux yeux des Algériens avertis, est de gagner les compétitions de la création aux salons internationaux des inventions technologiques auxquelles nous n'y avons jamais accès. La plupart de nos illustres compétiteurs nationaux de cette discipline intellectuelle évoluent à L'Étranger parce qu'ils n'ont trouvé ni bonheur, ni honneur dans leur pays. Quelle horreur ! Ils sont allés les chercher ailleurs -Voilà un ailleurs modèle-. Et? ils les ont trouvés.

Pour ce faire, il faut revoir la sémantique de la politique économique du Gouvernement afin de permettre à l'Algérie de se mettre au diapason des pays, sinon développés, du moins émergents tels que la Corée du Sud (10ème puissance économique mondiale) et, pourquoi non, du Japon. Pour devenir une puissance économique, il ne faut pas voir petit mais rêver toujours grand à condition de savoir concilier, politiquement, le rêve et sa réalisation. Il n'est pas impossible à notre pays de rejoindre la galaxie des pays technologiquement avancés, à condition que la cohésion soit assurée par le seul gage du Savoir. Mais ceci exige une toute autre méthodologie de gestion en matière d'enseignement et de formation. Pour ce faire, il faut, d'abord restituer à l'école sa neutralité et ne pas en faire un enjeu politique. Aussi, faut-il revoir le statut de l'enseignant - et non seulement les programmes et/ou les systèmes - si l'on veut réellement rehausser le niveau de formation universitaire et rendre à l'université algérienne ses lettres de noblesse et en faire la clé du développement du pays. L'Algérie a les moyens intellectuels et matériels si - «et uniquement si» - la volonté politique y va sincèrement de concert.

Nous sommes au seuil des élec-tions législatives du 10 mai 2012. Les prochains députés qui présideront la destinée de la nation ne doivent pas aller à l'hémicycle en incultes, mais suffisamment instruits et pourvus de projets viables et de programmes fiables sur lesquels leurs électeurs les éliront. Ce qui n'est pas évident. L'Algérie est régie plus par la seule volonté des décideurs plutôt que par les lois de la République. Ce qui explique cette déliquescence politique généralisée. Quel est le niveau intellectuel moyen de nos actuels députés ? Combien d'entre eux tiennent-ils leurs permanences ouvertes pour rester, à la fois, à proximité et à l'écoute de ceux qui les ont hissés aux honorabilités. Quel est le programme d'un député qui acheté sa position de tête de liste grâce à sa «chkara» si ce n'est d'abord récupérer son argent. Sa nation, il s'en moque comme s'en sont moqués ses prédécesseurs. A partir des prochaines élections, les électeurs se doivent de faire apparoir leur droit d'exiger de leurs représentants élus (APC, APW, APN) des gages sérieux afin qu'ils ne leur tournent plus le dos sitôt installés dans leurs nouvelles fonctions. Grâce au Printemps arabe qui a changé la donne dans nos pays, l'électorat ne doit plus rester en rade comme par le passé. Les élus ne seront plus des comtes comme par le passé. Ils doivent rendre des comptes à ceux qui les ont élus. Ils n'entreront plus à l'hémicycle pour faire de la figuration et/ou simplement chauffer leurs sièges et obéir aux doigts (qu'ils doivent lever) et à l'œil (qu'ils doivent ouvrir) s'ils veulent continuer à bénéficier de leurs prébendes. Les futurs élus, toutes institutions confondues, doivent s'accommoder avec une autre culture, nouvelle celle-là : celle de rendre des comptes à leurs électeurs. Une mission qui se corse.

La première loi pour laquelle les prochains députés doivent débattre - et surtout se battre - est que toutes les lois de la République soient scrupuleusement observées par tous et strictement appliquées pour tous, du Chef de l'État au citoyen de la rue. C'est le premier gage que l'État doit promettre et garantir aux citoyens. Supprimer l'immunité politique au Chef de l'État, au Premier Ministre, aux députés. Ils restent toujours des citoyens comme les autres en dépit de leur statut social si l'on veut réellement sauver le pays de «ces rentiers du pouvoir» qui déploient leur génie einsteinien pour le conserver. Ayant le pouvoir dans une main et l'argent dans une autre, protégés par leur immunité, ils se muent en monstres. Ils écrasent leurs compatriotes alors qu'ils sont censés les protéger et défendre leurs intérêts. Ce serait un premier pas vers une démocratie réelle et effective. Un démocrate sincère est celui qui admet que son adversaire peut avoir raison et lui tort. De ce fait, le premier (démocrate) doit prendre acte des arguments du second (adversaire) afin d'éviter toute errance politique. Il lui accorde, alors, crédit et latitude pour s'exprimer car un démocrate noble a besoin de consulter les autres (opposants, s'entend) afin de compléter ce qu'il sait par ce qu'ils savent dans l'intérêt supérieur de la nation et de la nation uniquement.

Or, dans notre pays, le politique prime le nombrilisme sur le général. Les mots n'ont pas la force sémantique requise pour exprimer la gravité des maux et la débâcle sociale que sévit, actuellement, dans notre société. Sans le Savoir, conforté par une éthique économique et une déontologie politique saine et sereine, point de salut pour le peuple. Le 09 universel évoluera-t-il en 10 national lors des prochaines législatives à même d'être propres, intègres, honnêtes et surtout transparentes à l'instar de la Tunisie, de l'Égypte, du Maroc et, tout récemment, du Sénégal? La III° République verra-t-elle le jour le 10 mai 2012 ? Ce sera, alors, une date historique. Ou ? serait-ce encore et toujours l'opacité et les fraudes électorales massives orchestrées par ces gérontocrates périmés et leur politique caduque pour conserver leur pouvoir? Pourront-ils faire l'effort de comprendre que les Algériens veulent une rupture totale et définitive avec l'actuel système révolu qui ne garantit aucun avenir parce que rétrograde. Ils refusent le verni d'un changement uniquement des hommes dans une continuité oligarchique. Le vœu cardinal de tous les Algériens est que le printemps algérien sera l'espoir d'une Algérie de Droits, de démocratie, forte intellectuellement, prospère économiquement et non un printemps de violence. La balle est dans le camp du pouvoir. Qu'il soit à la hauteur de ces espérances.

Dieu, fais en sorte que l'Algérie soit le Printemps éternel de nos cœurs et non de nos (l)armes. Alors, à ses grands hommes toute la Nation sera historiquement reconnaissante.

*Docteur ès lettres - Maître de Conférences - Université de Chlef.