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L'émotionnel pour vaincre le pessimisme

par Kharroubi Habib

Avec son discours de Sétif, le président Bouteflika, dont la popularité reste grande dans le pays, a apparemment touché au cœur nombre de citoyens. Est-ce pour autant que l'émotion qu'à suscitée en eux son intervention va les pousser à se rendre aux urnes, ainsi qu'il leur a pathétiquement demandé ? Le questionnement trouvera réponse aujourd'hui.

Ce dont les Algériens sont maintenant tous convaincus après son discours, c'est que leur président est en train de faire son dernier mandat, et que la seule ambition qui l'anime est celle de quitter son poste pour entrer par la grande porte dans l'Histoire de la nation. Pour qu'il en soit ainsi, il faut évidemment que les Algériens plébiscitent les réformes politiques qu'il a initiées. Le scrutin de ce 10 mai étant le premier à avoir lieu après l'adoption et la mise en application de certaines de ses réformes, il est évident que le comportement qu'auront les électeurs, que Bouteflika a appelé à les entériner par leur participation massive, va être révélateur de ce qu'ils en pensent. Une trop forte abstention fera apparaître qu'ils ne sont pas convaincus qu'elles sont la réponse idoine attendue par eux au changement politique qu'ils ont demandé. Si l'abstention se vérifie, ce sera incontestablement un coup dur pour l'initiateur de ces réformes plus que pour les partis et candidats qui sollicitent les suffrages de l'électorat.

Dans son discours à Sétif, le chef de l'Etat a admis que la génération dont il fait partie et qui est aux commandes du pays depuis l'indépendance, a « fait son temps et doit passer la main ». Il pense peut-être sincèrement que les réformes politiques qu'il a initiées rendent possible la passation, sans que celle-ci se produise «dans la douleur» pour la nation. La vérité énoncée par lui concernant sa génération est l'évidence même pour l'immense majorité des Algériens, peuple jeune qui a d'autres visions et ambitions que celles auxquelles s'accroche cette génération.

En revanche, Bouteflika ne semble pas avoir convaincu grand monde que le mode opératoire choisi par lui pour concevoir ces réformes et leurs contenus est celui qui convient à l'étape et au contexte que vit la nation. Beaucoup n'y voient que la traduction de «l'entêtement» de sa génération à ne faire de passation de flambeau qu'à ses conditions, qui sont celles d'un système qui veut se survivre.

Peut-être qu'avec le scrutin d'aujourd'hui, s'il démontre à Bouteflika que les Algériens n'acceptent pas des réformes au rabais et que lui ne voulant pas rater son inéluctable sortie, le contenu du projet de révision constitutionnelle va-t-il s'en trouver remanié dans le sens d'une remise en cause plus tranchée des fondamentaux du système politique érigé par la génération «en fin de course». Par la constitutionnalisation d'un véritable Etat de droit, d'une réelle séparation des pouvoirs et l'affirmation sans réserve de la primauté de la souveraineté populaire, seule source de légitimité.

Oui, à beaucoup d'égards, le rendez-vous électoral d'aujourd'hui sera décisif pour le futur national. De la façon dont il se déroulera, l'on pourra discerner si le proche avenir du pays sera apaisé ou au contraire menacé d'orages destructeurs.