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La parenthèse Sarkozy va-t-elle se refermer? ???

par Pierre Morville

Dénouement ce dimanche de l'interminable et passionnée campagne électorale française. En attendant les élections législatives en juin !

Le grand débat a donc eu lieu hier soir sur les télévisions et radios françaises, entre le président sortant, Nicolas Sarkozy et son challenger François Hollande, devant une vingtaine de millions de téléspectateurs haletants.      Hélas ! C'était après la rédaction de cet article ! Celui-ci ne pourra donc rendre compte de l'affrontement qui s'est déroulé au sommet, à quatre jours du vote final.

Parions toutefois que quelle que soit la qualité du débat entre les deux candidats rivaux, la joute télévisuelle n'a guère de chances de modifier en profondeur l'actuel rapport des forces: dans les derniers sondages de mercredi, l'écart entre Sarkozy et Hollande se maintenait dans une fourchette entre 6 et 7 points au bénéfice du candidat de gauche. Certes, il est prévisible que dans la toute ligne droite, cet écart se resserre encore mais un retournement complet de la situation n'apparaît guère probable. En toute fin de campagne toutefois, il court toujours le risque de nouvelles « bombes puantes ».        Les « bombes puantes » ? C'est la mise en public des petits et gros scandales soigneusement cachés qui affectent les différentes formations politiques. Mais à cette aune, l'UMP est beaucoup plus chargée que le PS et ses différents alliés?

A gauche, le gros embarras vient de la calamiteuse affaire Dominique Strauss-Kahn et ses fantaisies priapiques.

BOULES PUANTES DE FIN DE CAMPAGNE

Il faut ajouter à cette consternante histoire de mœurs, quelques dérapages politico-financiers affectant certaines fédérations socialistes dans le Nord et les Bouches-du-Rhône. Côté UMP, les nombreuses révélations qui ont marqué cette campagne font dans le « beaucoup plus lourd » : il s'agit à chaque fois du financement de différents campagnes présidentielles antérieures, celle d'Édouard Balladur en 1995 (dont le directeur était? Nicolas Sarkozy) et celle du même Nicolas Sarkozy, se présentant pour la 1ère fois en candidat en 2007: de nombreuses révélations ont été faites dans les derniers mois, les unes portant sur des instructions judiciaires en cours, comme « l'Affaire des vedettes de Karachi » où des rétrocommisions n'ayant pas été versés aux différents corrupteurs (alors qu'une partie déjà ponctionnée aurait servi de financement à la campagne d'Édouard Balladur), quatorze citoyens français ont connu la mort au Pakistan ; « l'Affaire Bettencourt » où l'on croit savoir qu'une des plus grandes fortunes françaises a utilement financé, en argent liquide ,la 1ère campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. L'actuel combat électoral de ce dernier est encore troublé par des scoops journalistiques portant sur un possible financement de sa campagne présidentielle de 2007, par?         Mouammar Kadhafi, à hauteur de 50 millions !

Quand on connaît la triste fin du dictateur libyen et le rôle actif qu'y a joué l'armée française, on mesure, si l'affaire est vraie, l'ampleur de l'ingratitude dans les mœurs politiques.

Ce grand déballage a-t-il modifié en profondeur l'opinion publique française ? Peut-être mais les principales motivations des électeurs restent leurs immenses craintes sur leur emploi et leur niveau de vie. Nicolas Sarkozy qui avait triomphé en 2007 en promettant d'être le président de la croissance et du pouvoir d'achat a eu la malchance malencontreuse de subir la plus grosse économique depuis 1929. Pour le reste, le style bling-bling et le genre autoritaire énervé du chef de l'exécutif français a agacé une majorité de citoyens. Une majorité ? On le saura définitivement dimanche soir prochain.

La tactique politique adoptée en fin de campagne par Nicolas Sarkozy ne laisse pas d'interroger. Curieusement, le Président sortant a mené en dernière partie de cette très longue campagne électorale, un déplacement outrageusement à droite de son discours, calquant ses positions sur celles du Front national, allant au-delà, faisant parfois passer Marine le Pen comme une gentille rosière. Nicolas est comme cela, il ne sait rien faire à moitié : exaltation du drapeau bleu-blanc-rouge contre l'immonde «drapeau rouge» (les Français ont un peu de mal à appréhender François Hollande comme un dangereux agent du Komintern), dénonciation des syndicats, discours obsessionnel sur l'immigration, invocation du caractère sacré des frontières alors que depuis trente ans, on construit l'Union européenne? Tout cela a surpris les électeurs français et a rudement secoué la majorité présidentielle actuelle dont de nombreux courants excluent explicitement toute alliance avec le Front national, alors que celui-ci a conforté, avec le joli score de Marine le Pen, sa place de 3ème force politique du pays.

Cette droitisation extrême du candidat de l'UMP a une première explication logique. Pour gagner in extremis, Sarkozy doit à tout prix rallier l'essentiel des scrutins qui se sont portés sur Marine le Pen quitte à dire à ces électeurs tout ce qui peut leur fait plaisir. Mais il lui faut dans le même temps rallier les voix centristes, révulsées par de tels propos. Un grand écart difficile à exécuter au regard des nombreux doutes exprimés dans les sondages sur les aptitudes et compétences de l'actuel président à diriger le pays.

Une autre explication plus politique, de ce virage droitier existe, sans être contradictoire avec le 1er : Nicolas Sarkozy sait qu'il va être battu, il connaît les risques d'éclatement de sa propre formation, l'UMP, au lendemain des élections, il mesure les risques d'une recomposition de la droite dont pourrait bénéficier Marine le Pen: il occupe donc cyniquement le terrain afin d'empêcher celle-ci d'y prospérer, tout en étant persuadé qu'il parviendrait bien, plus tard à se rabibocher avec les élus du centre. On nous avait prédit une campagne ennuyeuse? Boufre ! C'est plus fort que « Dallas » !

POLITIQUE ETRANGERE : LE GRAND DEMI-ABSENT

La politique étrangère de la France fut le grand absent de l'échange électoral. L'ensemble des candidats se sont en effet enfermés dans un débat très franco-français. Même l'important dossier européen fut d'une certaine façon traité « en creux ». Aucun candidat à la République française ne peut pourtant occulter les contraintes, les opportunités données par la construction de l'Union européenne, ni faire l'impasse sur ses difficultés actuelles. Oui, mais voilà, quand s'affirme un nouveau chef de l'état, il ne peut guère souligner l'étroitesse des ses marges de manœuvres puisque l'essentiel de ses décisions devront être négocié avec ses principaux voisins. Curieusement, néanmoins, on a vu apparaître un « mano à la mano », version méditerranéenne du bras de fer, entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, portant sur un enjeu feutré, les relations avec l'Allemagne, ou plus précisément avec Angela Merckel. « Quand la crise éclate, explique le quotient espagnol El Pais, Angela Merckel a vu l'occasion de « germaniser » l'Europe d'un point de vue budgétaire. Nicolas Sarkozy s'est associé à elle et les autres gouvernements conservateurs du continent ont fini par les rejoindre ».           « Merkozy » et les autres ont entonné en chœur le seul refrain apparemment inéluctable et irréfutable : austérité, austérité, austérité ! Mais l'austérité automatisée nourrit la récession, assèche les rentrées fiscales et accroît les déficits budgétaires. Ces propos de bon sens impliquent qu'à une rigueur budgétaire, il faut adjoindre une politique volontariste de croissance. Ce fut la propositionde François Hollande , tant ralliée par la droite au début, d'un « pacte de croissance européen ». Surprise, le candidat socialiste a reçu depuis l'appui non déguisé de gouvernements de droite ou du centre de l'Europe du sud, Grèce, Espagne, Italie?      Comme le signale El Pais, « le candidat socialiste est désormais considéré comme le seul capable de reprendre le rôle d'Astérix : l'homme qui, depuis son irréductible village gaulois, résiste encore et toujours à l'empire germanique de l'austérité et des restrictions. C'est la première fois depuis très longtemps qu'une élection française est un enjeu pour l'ensemble du continent, Berlin, Francfort, Bruxelles, Paris, Londres, Rome, Madrid, toutes les autres capitales européennes, ainsi que les fameux marchés ».

UNION POUR LA MEDITERRANEE : L'ECHEC D'UNE BONNE IDEE

En dehors de ce débat essentiel mais traité en filigrane, sur l'Europe, les deux candidats n'ont guère souhaité expliquer aux Français, les arcanes de leur future politique étrangère. Nicolas n'a guère insisté sur son bilan, François ne s'est pas appesanti sur ses perspectives. On sait toutefois que le candidat de gauche veut faire partir ses troupes d'Afghanistan d'ici la fin de l'année, quitte à se fâcher un peu avec l'allié américain et qu'il s'inquiète beaucoup de la dégradation de la situation au Mali et dans l'ensemble de la zone sahélienne. Nicolas Sarkozy et François Hollande s'émeuvent tous deux de la guerre civile qui continue de se déployer en Syrie. En revanche, les deux candidats se sont bien gardés de préciser une éventuelle réévaluation des rapports de forces géostratégiques ou une possible évolution des relations de la France avec les États-Unis, la Russie, la Chine ou le reste des « BRIC ».

 Nicolas Sarkozy est également resté muet sur une de ses rares bonnes initiatives diplomatiques, l'Union pour la Méditerranée, dont on va bientôt fêter le 4ème anniversaire . Le 13 juillet 2008, fut en effet inauguré l'UPM sous les auspices de l'Union européenne, de 43 chefs d'états de deux rives méditerranéennes et de la Ligue arabe. Disons-le tout de suite, le bilan de l'Union est très, très maigre. Il est vrai que le projet fut lancé sans préparation, ni concertation ; que les états européens du nord, et notamment l'Allemagne, prirent ombrage d'une initiative très « française » ; que quelques pays du Maghreb ou d'ailleurs n'étaient pas très enthousiastes ;que la crise économique qui éclata quelques mois plus tard, gela définitivement la plupart des dossiers de coopération économiques et d'investissements européens sur les six dossiers retenus (dépollution de la Méditerranée, autoroutes terrestres et de la mer, protection civile, plan énergie solaire, université euro-méditerranéenne, initiative de développement des entreprises). Pourtant, l'UPM reste un grand projet. Car depuis, le réveil des enjeux démocratiques dans le monde arabe a en accru les enjeux. Grand projet mal ficelé ? il est vrai mais « l'acte de décès du projet originel peut être l'acte fondateur d'une Union repensée, note Beligh Nabli, chercheur à l'IRIS, cette perspective suppose de départir des obsessions sécuritaires et migratoires en faveur d'un authentique projet d'intégration au sein d'un espace euro-méditerranéen (comptant quelques 400 millions d'individus) dont les peuples sont plus qu'ailleurs liés par une communauté de destin ».

SUCCESSION POLITIQUE : EN CHINE AUSSI !

Les principaux dirigeants chinois vont bientôt changer. Mais les critères de la succession se font à la mode chinoise. En tout petit comité et par cooptation. En deux étapes essentielles : à la fin de l'année, lors du 18eme Congrès du parti communiste, la quasi-totalité des 9 membres du Conseil permanent du Politburo seront renouvelés pour atteinte à la limite d'âge autorisé. Sont d'ores et déjà, quasi assurés que Xi Jinping soit le futur Président, et Li Keqiang, le futur 1er Ministre. Ces deux seront nommés officiellement en mai 2013. C'est beau, l'organisation d'un scrutin sans surprise organisée par neuf bonhommes, représentant plus d'1,3 milliards de citoyens ! Sans surprises ? Pas tout à fait. « La succession est pleine d'enjeux et crée de nombreuses rivalités internes, note Fabienne Clérot de l'IRIS, car le Parti communiste chinois n'est pas un bloc monolithique et toutes les tendances y sont représentées. Il y a une gauche, une droite et un centre ». La « gauche » du PCC a récemment vu la chute de l'un de ses poulains, Bo Xilai, le dirigeant néo-maoïste d'une grande région chinoise et de son mentor, l'un des membres du « groupe des neuf », Zhou Yongkang, le puissant patron des services secrets chinois. Là-bas aussi, c'est Dallas !

«bien, plus tard à se rabibocher avec les élus du centre. On nous avait prédit une campagne ennuyeuse? Boufre ! C'est plus fort que « Dallas » !

Politique étrangère : le grand demi-absent.