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Exclusivité égyptienne ?

par Abdelkrim Zerzouri

Le poste de secrétaire général de la Ligue arabe est-il un privilège qui revient exclusivement aux Egyptiens ? Ce n'est inscrit nulle part dans la charte de la Ligue, mais si l'on se réfère à l'historique des secrétaires généraux qui ont occupé ce poste depuis la création de la Ligue arabe en 1945, on constate une prédominance égyptienne nette et indiscutable. Dire une hégémonie quasi totale, excepté l'épisode de la signature en 1978 des accords de Camp David avec Israël, qui a conduit l'année suivante (1979) à l'exclusion de l'Egypte, ainsi que le déplacement du siège de la Ligue arabe du Caire à Tunis, où le poste de SG sera occupé par le Tunisien Chedli Klibi jusqu'en 1990, soit jusqu'à la réintégration de l'Egypte dans les rangs de la Ligue, pour reprendre dès 1991, d'ailleurs, immédiatement les rênes de ce poste et les tenir jusqu'au moment présent.

C'est Ahmed Aboul Gheit, diplomate et homme politique égyptien, qui occupe actuellement le poste de SG de la Ligue depuis 2016. Et, le crédo semble s'inscrire dans la durée. Car, voyant son mandat arriver à terme en 2021 (5 ans), l'Egypte a déjà lancé une offensive diplomatique plaidant sa reconduction pour un second mandat. Le président égyptien Abdel Fattah El-Sissi a, en effet, envoyé ces derniers jours des messages aux dirigeants arabes pour exprimer l'intention de l'Egypte de reconduire Ahmed Aboul Gheit au poste de secrétaire général de la Ligue des Etats arabes pour un second mandat de cinq ans et escompter leur soutien pour cette nomination conformément aux dispositions de la Charte de la Ligue.

Tuant dans l'œuf toutes les prétentions d'autres postulants potentiels à ce poste, l'Egypte a non seulement annoncé la candidature pour un second mandat d'Ahmed Aboul Gheit, mais El Sissi a coupé court à toute idée de présentation d'un quelconque autre concurrent en demandant ouvertement le soutien des dirigeants arabes pour la reconduction de l'actuel SG de la Ligue arabe. Inscrivant cette initiative, selon le porte-parole de la présidence égyptienne, dans le cadre du grand intérêt que l'Egypte attache au travail de la Ligue arabe et de la volonté du président Sissi de fournir tout le soutien possible à l'organisation, sous le toit de laquelle les Arabes se rencontrent et incarnent leurs aspirations à une action collective. Un exposé irréaliste ? Tout le monde s'accorde à dire, depuis Ibn Khaldoun, que les Arabes se sont mis d'accord pour ne jamais se mettre d'accord.

Mais, on a beau dire que la Ligue arabe est une organisation quasi moribonde, il y en a des pays, de son intérieur et son extérieur, qui tiennent à lui garder le même cap dans les prochaines années. D'autant que l'étape actuelle s'avère très délicate avec une volonté manifeste de l'axe «Riadh-Le Caire-Abu Dhabi» à faire jouer à cette Ligue le rôle de banalisation de la normalisation des relations entre les Etats arabes et Israël. Reste à savoir si tous les pays arabes accepteraient la demande du président égyptien et se retenir de présenter leurs candidats. A Alger, où l'on s'est un temps préoccupé par ce poste, on semble pour le moment privilégier la réforme de l'action arabe commune pour lui donner le rôle réunificateur d'une Ligue respectée par tous et sur laquelle on peut compter. Toute une révolution qui ne peut pas être tranquille.