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La violence, mode d'emploi

par Moncef Wafi

Des faits divers ayant eu pour théâtre l'institut de nutrition et d'alimentation de Constantine et trois lycées au centre du pays renvoient à la triste réalité du secteur de l'éducation en Algérie. Une attaque aux chiens contre des étudiants grévistes et l'incendie de trois lycées à Baraki (Alger-Est), Blida et Tipasa éclairent l'opinion publique sur la déliquescence d'un milieu censé être à l'opposé d'une violence institutionnalisée. Pourtant, de l'avis des experts, ce phénomène devra se généraliser en l'absence de balises de protection et de l'effritement de repères traditionnels avec la désintégration de la cellule familiale et la banalisation de la violence à tous les niveaux. La violence n'est pas seulement l'apanage de la rue, elle contamine tous les autres segments sociétaux et les discours religieux et politiques, violents à souhait, contribuent à «normaliser» une situation devenue ingérable. Les spécialistes, pour expliquer et justifier ces excès, théorisent sur la qualité de l'enseignement, le niveau des enseignants, la «délinquance» de certains élèves et le sentiment d'impunité ainsi que l'absence d'une politique éducative conséquente. Toutes les raisons du monde sont convoquées pour essayer de comprendre un phénomène dont la seule explication revient à faire une biopsie de la société, car la violence fait partie de l'ADN de l'Algérien shooté à la violence du verbe et du geste. La violence est aussi celle de l'absence de l'Etat qui délègue sans demander des comptes et qui passe du tout répressif au tout laisser-aller. Faire le procès de la violence équivaut à traiter la famille en amont et réformer les institutions nationales pour plus d'efficacité dans la prise en charge des problèmes de ses administrés. Un chiffre, à lui seul, donné par la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADDH), peut résumer ce naufrage de l'école algérienne, avec dix suicides d'enfants scolarisés dus au stress des résultats scolaires. Une pression supplémentaire dans le cursus scolaire qui se conjugue à l'absence d'une prise en charge psychologique de l'élève surtout en période d'examens.

Certains élèves préfèrent fuguer ou se suicider de peur de la réaction négative et souvent violente de parents inconscients de leurs actes. C'est dire la complexité d'un processus qui risque à la longue, si ce n'est déjà trop tard, de précipiter toute une société vers le mur.

Cette violence des cartables n'est que le prolongement naturel de la rue ou des stades ouverts aux mineurs qui sont soumis à cette violence verbale et qu'ils reproduisent à l'intérieur des murs de l'école. Combattre la violence à l'école c'est déjà lui barrer la route à ses portes en déconstruisant la mentalité de l'enfant imbibée de la violence de la vie.