Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Justicière à tire-larigot !

par Slemnia Bendaoud

Née à quelque six mois seulement du début de la révolution, Louisa Hanoune, l'actuel leader du Parti des travailleurs (PT), a probablement appris à sourire au premier coup de feu tiré avec une grande rage par nos valeureux maquisards, qui allaient, sept ans plus tard, libérer le pays de sa longue nuit coloniale.

Délivrée enfin à la vie, elle continue, à présent, de nous livrer toutes ces rocambolesques nouveautés de notre quotidien qui font désormais l'actualité de la politique nationale. En recouvrant la parole, le temps aidant, sa voix d'essence bien sèche, déballée sur un ton sévère et très autoritaire, supplante sans conteste ce signe expressif de la grande joie que produisait naguère le nourrisson qu'elle fut, pour lui substituer, en revanche, toutes ces parodies de paroles de feu qui fâchent et manifestement blessent, lâchées à la série et tout de go, sans pitié et avec une très grande témérité.

Depuis lors, elle aura acquis à coup de baratin enfantin et de tentatives multiples d'espiègle galopin le privilège d'amadouer ce verbe ciselé qui décrit fort bien l'expression que traduit l'humeur de son visage. Elle en fait usage, telle une arme très redoutable. Non pas pour traduire un quelconque sentiment, mais surtout pour démontrer sa farouche détermination à montrer sa grande colère, à l'image de ce forcené longtemps monté sur ses grands chevaux.

Et pour mieux couronner le tout, elle étudiera le droit, se faisant ainsi son propre avocat dans la défense de ses intérêts, mais surtout de ses idées qui tranchaient fondamentalement avec ces autres traditions tribales et coutumes triviales des siècles anciens.

En quittant la localité de Chekfa, dans l'ex-Djidjelli, elle fut habitée par ce sentiment de ne plus faire dans le décor de la simple figuration, se croyant déjà être apte à jouer les premiers rôles. Ceux de la grande héroïne en devenir dont elle rêvait déjà ! Et c'est dans les rangs du syndicalisme qu'elle ira donc longtemps fourbir ses premières armes de combattante, sculpter son buste de militante, peaufiner les tournures de son langage franc et direct, juste au sortir de son âge d'adolescente, en choisissant de faire décoller à l'heure convenue ces avions algériens de notre compagnie aérienne de transport, étant plutôt lassée de les voir traîner à la surface du sol, par manque d'initiatives fructueuses et d'engagement responsable.

La trotskyste-communiste ne pouvait donc choisir meilleur itinéraire professionnel que celui par lequel elle s'adressera directement à ces foules de travailleurs, pilier essentiel de la révolution socialiste dans le monde, particulièrement au sein des sociétés en développement comme ce fut le cas de l'Algérie.

En quittant son antre juché aux confins des montagnes jijelliennes, la campagnarde, fuyant alors les affres de la colonisation française, allait être de nouveau séduite et sera finalement vite emportée par les flux des eaux de la Seybouse, empruntant ce courant révolutionnaire devenu depuis un élément capital dans la détermination de son quotidien.

La montagnarde mit donc un pied à terre au sein de cette riche plaine bônoise qui aura l'insigne honneur de façonner plus tard le restant de la vie privée et professionnelle de la future leader du Parti des travailleurs. Ce fut donc au contact de ce monde ouvrier qu'elle apprit à croiser le fer avec les redoutables orateurs qui avaient ce don inné de haranguer les foules ; d'où d'ailleurs elle puisera ce vocable rageur et très engagé qui sera le sien. Depuis, le monde en fut avisé. Mais tous ceux qui se sont aventurés à se mesurer à elle auront eu pour leur argent. Certains en paieront d'ailleurs cash des sauces bien piquantes, en sus de ces additions très salées.

Madame Nadia Labidi Cherabi, ministre de la Culture, ne pouvait donc ignorer tout cela ; elle qui est plutôt tombée, à son tour, dans le panneau. Et pourtant, s'attaquer à une Dame de ce calibre demeure une aventure assez compliquée.

Epinglée à son tableau de chasse, elle ira grossir les rangs de cette longue liste où l'on retrouve déjà en bonne place ces noms de personnages célèbres de la trempe de Chakib Khalil, Abdelhamid Temmar, Abderrezak Mokri, Djilali Sofiane, Ahmed Benbitour, Abdelmalek Boudiaf et autres encore?

La gâchette plutôt facile, à chaque mouvement suspect la mettant en réel danger, elle tire sur sa cible sans sommation, sans rémission, ne faisant plus dans la concession.

Pris à titre individuel ou en groupe important et très compact, ses adversaires ont droit au même traitement de faveur. Elle les charge, les dévisage, les envoie au tapis, aux gémonies de l'enfer, les traîne dans la boue, les laissant tous pour morts.

Adepte du style très direct, elle ne fait pas dans le détail de l'insinuation. Ni même dans le genre très snob et caricatural. Lorsqu'elle sait que son adversaire du jour est un gros poisson, elle renforce l'hameçon, y met du sien et du son afin de faire au loin sonner l'écho de son nom. Ne mettant pas de gant, elle n'y va pas non plus avec le dos de la cuiller, cherchant toujours à l'accabler bien avant même qu'il ne daigne tenter de se justifier ou de contre-attaquer sur le champ.

Justicière à tire-larigot et plusieurs niveaux, elle fait plutôt dans le style de ce cavalier seul qui défie tout son monde. Seule contre tous, aura-t-elle les coudées franches pour pouvoir longtemps résister face à tout ce beau monde qu'elle a au passage bousculé et égratigné, et qui reste tout de même encore debout ?

Ayant déjà eu bien raison de Chakib Khalil et Abdelhamid Temmar, pourrait-elle encore triompher des autres ? Ceux encore en poste, et qui tiennent à se faire respecter en intentant contre elle ces procès en justice, déjà en gestation ?

Cette fois-ci, il est question de ces nombreuses dénonciations qui touchent à l'honneur des personnes et à la crédibilité d'une gouvernance. En guise de réplique, il s'en dégage déjà une odeur de brûlé. Y a-t-il de la poudre en l'air ?