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Un retour et des inquiétudes

par Moncef Wafi

Le Maroc est officiellement le 55e membre de l'organisation panafricaine. La décision a été entérinée lors du 28e sommet de l'Union africaine (UA) qui s'est tenu à Addis-Abeba. Si le retour a été largement plébiscité par les chefs d'Etat africains, il en est autrement pour les clauses de ce retour voulu et forcé. En effet, et grâce à son offensive diplomatique et économique en direction des pays d'Afrique de l'Ouest et du Centre, Rabat a mis de son côté toutes les cartes pour prétendre à un retour au giron africain sans trop d'écueils. Et sa politique a réussi puisque, changeant d'approche en ne mettant plus d'a priori à sa réintégration, le Maroc a fini par redevenir membre à part entière de l'UA malgré les réticences, au nom de la légitimité internationale concernant le dossier sahraoui, d'Alger et de Pretoria.

Si un consensus diplomatique s'est imposé et si Rabat ne pose plus ses conditions de retrait du Polisario de l'UA, les questions demeurent pour autant sur les réelles intentions des Marocains. Eux qui ont toujours refusé de reconnaître la RASD, qui occupent encore 80% de ses territoires et surtout qui jouent la carte économique du Sahara comme moyen de pression politique sur l'Europe ne sont pas près de changer de cap. Ce retour est loin de constituer la meilleure preuve de stabilité de la maison africaine d'autant plus que si aucune condition n'a été émise, aucune garantie n'a pas été non plus donnée. «Nous espérons que le Maroc va tendre la main à la RASD», déclaration d'un membre de la délégation mauritanienne, résume toute cette incertitude enveloppée dans un emballage d'inquiétude de nombreux pays qui pensent que le loup a été introduit dans la bergerie.

Maintenant, alors que le statu quo vient d'être définitivement renversé, les observateurs attendent que les choses évoluent, parce qu'elles doivent changer. Il est inconcevable que les textes de l'UA soient piétinés par un de ses membres, de l'intérieur même de l'organisation. Une charte claire qui incite au respect par chaque Etat de la souveraineté des autres membres et qui appelle naturellement à un changement de statut dans les relations entre le Maroc et la RASD. Ou Rabat reconnaît le Polisario ou il fait imploser l'UA. Deux options qui interdisent une tout autre voie sinon les textes n'auront plus aucune valeur. Si les Sahraouis sont optimistes, les quelques mois qui arrivent vont certainement être cruciaux pour toute la cohésion du continent noir.