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La femme : de Platon à l'Algérien anonyme: «J'admire sa beauté, mais je crains son esprit» Mérimée.

par Ali Derbala *

Compagne de l'homme, la femme est définie comme un être humain adulte de sexe féminin considéré par rapport à ses qualités, ses défauts, ses activités, ses origines, etc. Une disposition de la loi salique, des Francs saliens, excluant les femmes de la possession de la terre, a été interprétée à partir du XIVe siècle pour justifier l'ordre de succession au trône de France. Seule la femme est autorisée à porter deux noms, son nom de jeune fille et le nom de son affiliation maritale. Quant à l'homme, porter deux noms est de l'usurpation, condamnée et condamnable par la loi. Des auteur(e)s ont contribué et contribuent souvent sur « la Condition féminine ». De nos lectures, nous avons retrouvé des écrits sur la femme. Ils sont reportés dans un ordre chronologique, du plus ancien au plus récent.

Dans Platon [1], la femme et sa différence de l'homme est discutée. Dans le livre V en pages 206-209, une discussion s'est engagée entre Polémarque, Adimante, Glaucon, Socrate, Thrasymaque. Socrate expliquait philosophiquement à Glaucon que : « Si donc nous exigeons des femmes les mêmes services que les homes, nous devons les former aux même disciplines. Certes. Mais nous avons enseigné à ces derniers la musique et la gymnastique. Oui. Aux femmes, par conséquent, il faut apprendre ces deux arts ainsi en ce qui concerne la guerre, et exiger d'elles les mêmes services. Cela ressort de ce que tu viens de dire. Il se peut pourtant qu'à l'égard de l'usage reçu, beaucoup de ces choses paraissent ridicules, si l'on passe de la parole à l'action. Très certainement. Et laquelle trouves-tu la plus ridicule ? N'est-ce pas, évidemment que les femmes s'exercent nues dans les palestres, avec des hommes, et non seulement les jeunes mais les vieilles aussi, tout comme ces vieillards qui, ridés et d'aspect peu agréable, continuent à se plaire aux exercices du gymnase ? Par Zeus ! s'écria-t-il, cela paraîtra ridicule, du moins dans l'état présent des mœurs !... Si, dans la race humaine, la femelle est capable de s'associer à tous les travaux du mâle, ou pas même à un seul, ou bien aux uns et non aux autres? « Or, se peut-il que l'homme ne diffère pas infiniment de la femme par nature ?» « Comment ne différerait-il pas ? » « Il convient donc d'assigner à chacun une tâche différente, en accord avec sa nature ». Assurément. « Par suite, comment ne vous tromperiez-vous pas, maintenant, et ne seriez-vous pas en contradiction avec vous- mêmes en affirmant qu'hommes et femmes doivent remplir les mêmes tâches, bien qu'ils aient des natures fort distinctes ? »? « Nous avons admis qu'une différence de nature entraîne une différence de fonctions, et, d'autre part, que la nature de la femme diffère de celle de l'homme.

Or nous prétendons maintenant que des natures différentes doivent remplir les mêmes fonctions. N'est-ce pas ce dont vous nous accusez ?... Si donc il apparaît que les deux sexes différent entre eux pour ce qui est de leur aptitude à exercer certain art ou cette fonction à l'un ou l'autre; mais si la différence consiste seulement en ce que la femelle enfante et le mâle engendre, nous n'admettrons pas pour cela comme démontré que la femme diffère de l'homme sous le rapport qui nous occupe, et nous continuerons à penser que les gardiens et leurs femmes doivent remplir les mêmes emplois. Et nous n'aurons pas tort? Quel est l'art ou l'emploi, concernant le service de la cité, pour l'exercice duquel la nature de la femme diffère de celle de l'homme? il n'est aucun emploi exclusivement propre à la femme en ce qui regarde l'administration de la cité? Maintenant, connais-tu quelque occupation humaine en laquelle les hommes ne surpassent pas les femmes ? Allongerons-nous notre discours en mentionnant le tissage, la pâtisserie et la cuisine, ouvrages qui semblent relever des femmes, et où leur infériorité est au plus haut point ridicule ? Tu as raison, observa-t-il, d'affirmer qu'en tout, pour ainsi dire, le sexe mâle l'emporte de beaucoup sur l'autre sexe. Pourtant, nombre de femmes sont supérieures à nombre d'hommes, en maints travaux ». En mathématiques et dans les années 370-415 déjà, Hypathie d'Alexandrie [2] commenta les équations de Diophante et inventa un hygromètre.

Dans le Saint Coran, une grande sourate ou verset est dédiée aux femmes (Sourate El Nissaa). Nous ne pouvons pas la traduire ici. Il suffit de consulter le site dédié à la traduction en français de ses versets [3]. Machiavel [4, p.177] caractérise la fortune par les traits d'une femme en affirmant que : « La fortune est femme: pour la tenir soumise, il faut la traiter avec rudesse; elle cède plutôt aux hommes qui usent de violence qu'à ceux qui agissent froidement, aussi est-elle toujours amie des jeunes gens, qui sont moins réservés, plus emportés, et qui commandent avec plus d'audace ».

Pour Montesquieu [5, p.102], « Un mari qui voudrait seul posséder sa femme serait regardé comme un perturbateur de la joie publique et comme un insensé qui voudrait jouir de la lumière du soleil à l'exclusion des autres hommes ». En 1776-1831, Sophie Germain [2, p.29], autodidacte et recluse, n'a qu'une passion : celle des mathématiques. Elle les a apprises seule et c'est seule encore qu'elle mène ses travaux en théorie des nombres et en acoustique. Dans un monde où la science est affaire d'hommes, elle redoute le ridicule attaché au nom de femme savante, communique par lettres avec les mathématiciens de son temps sous un pseudonyme masculin. Elle sort de l'anonymat grâce à Gauss.

Usant d'une technique du jeu de billard, Rousseau [6, p.70] a écrit que : «De la dualité. Voulez-vous donc connaître les hommes ? Etudiez les femmes ». Trumelet [7], un colonel de l'armée coloniale française en Algérie durant les années 1850, a sûrement étudié le Saint Coran. Il a remarqué que : « Le verset 38 de la IVe sourate du Coran, lequel établit en principe que « les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci, » et sur le verset 17 de la XLIIIe sourate, dans lequel il est dit que « la femme est un être qui grandit dans les ornements et les parures, et qui est toujours à disputer sans raison, « disposition que les commentateurs ne manquent pas d'attribuer à ce qu'ils appellent la défectuosité de sa raison ». Nietzche [8, p.111] a écrit que : « Insouciants, railleurs, violents, tels nous veut la sagesse : c'est une femme, elle ne saurait jamais aimer qu'un guerrier, ainsi parlait Zarathoustra ». Dans [9, p125], il définit le philosophe. « On reconnaît un philosophe à ce qu'il évite trois choses voyantes et tapageuses, la gloire, les princes et les femmes ». Les sciences dites dures restent dominées par les hommes. Dans [10, p.128], ce philosophe dénigre la femme scientifique. Il confirme que : « Quand une femme a du goût pour la science, c'est le plus souvent qu'il y a quelque chose d'anormal dans sa sexualité. La stérilité prédispose par elle- même à une certaine virilité du goût. L'homme est, révérence parler, «l'animal infécond». En page 227 du même livre [10], il a établi qu' « Il y a parmi les ânes savants du sexe masculin assez de stupides amis des femmes pour leur conseiller de renoncer à toute féminité et de copier toutes les sottises dont souffrent comme d'une maladie «l'homme européen», la « virilité européenne » ». Dans [11, p.59], il atteste la chose suivante. « Comment guérit-on une femme ? Comment opère-t-on son « salut » ? C'est en lui faisant un enfant. C'est d'enfants qu'a besoin la femme, l'homme n'est jamais qu'un moyen : ainsi parlait Zarathoustra ».

En 1888, une mathématicienne est distinguée par l'Académie des sciences. Madame Kovalevsky [2, p.192], née en Russie, est d'après Madame Sophie Germain, la seconde femme à avoir remporté de prix de l'Académie des sciences de Paris en mathématiques : elle a donné une méthode pour l'intégration des équations régissant le mouvement d'un corps solide autour d'un point fixe. Buck [12, p.37] a rappelé une vérité en écrivant que : « Mon fils, prends garde de te laisser circonvenir par des femmes haut placées. Mieux vaut avancer lentement, qu'avec l'aide des femmes ». Dans le même livre [12, p.237], elle écrit que : « Les livres ne procurent aucun secours à une femme. Les travaux sont : la cuisine, la couture, filer et veiller au poisson ; une fois mariée elle continue et en plus elle porte ses enfants ». Dans un autre livre de poche [13, p.98], elle relate la discussion que Darya, un personnage hindou, dont le nom était presque aussi connu que celui de Gandhi, a eue avec David, l'Américain. Il disait que « Ma femme est timide, comme la plupart des femmes de mon pays, et elle aurait été consternée si je l'avais fait venir devant vous. Et si je vous avais emmené dans son appartement, sa gêne aurait été pire. Ce n'est pas encore la coutume chez nous ». ?Le fondement de notre société, c'est le lien conjugal qui unit les mariés... Le mariage s'élève à un idéal et il est même un devoir religieux ». En [13, p.178], elle a aussi écrit que « Ce sont les femmes qui s'accrochent aux superstitions et c'est donc les femmes qu'il faut instruire dans les milieux ou les hommes sont déjà évolués » ...« Les femmes de chez nous restées à l'abri de la civilisation occidentale, sont si profondément féminines, n'ont pas de plus grand orgueil que de porter des enfants »? « Les cœurs humains se tournent vers l'amour comme les plantes vers le soleil ». Maalouf [14, p.137] rapporte que : « Lorsqu'une femme se trouve face à un lion dans un endroit écarté, il suffit qu'elle découvre devant lui certaine partie de son corps pour que le fauve pousse alors un fort rugissement, baisse les yeux et s'en aille. Libre à chacun de croire ce qu'il veut ». Aussi, en [14, p.257], il rappelle que : « Devant l'adversité, les femmes plient et les hommes cassent ». Kourouma [15, p.286] nous a rappelé ce proverbe africain qui stipule que « C'est celui dont tu as soigné l'impuissance qui te prend ta femme ». Dans le genre « exploitation de la femme », il est reporté au [16, p.21] qu'on cherche des « femmes de chambre » sans salaire, contre nourriture et gîte.

Le capitaine Thomas Sankara rêvait d'une autre Afrique, et il entreprit réellement de combattre l'analphabétisme, la déforestation, d'améliorer le sort des femmes et de lutter contre la corruption [17, p.24]. Dans le milieu populaire algérien, la femme est à appellation binaire. Si elle est femme au foyer ou pauvre et faible et qui a besoin de protection, elle est appelée une « wliya ». Ce qualificatif est aussi synonyme de «passe-droit» ou de « prioritaire », par exemple, dans une longue chaîne humaine à la poste pour retirer son argent les jours d'une fête religieuse. Là où il n'y a pas de chaîne humaine, elle est l'Egale de l'homme. Par contre, si la femme est « forte de caractère », autoritaire ou même méchante, elle est appelée «Aïcha Radjel» (par intégration mot à mot, Aïcha Homme). Qui a dit que l'homme est de nature misogyne ? Même le lion, le félin, n'arrive qu'à déguerpir devant la femme selon l'académicien Amin.

*Universitaire

Références

1. Platon. La République. Traduction et Notes par R. Baccou. Garnier-Flammarion, 1966.

2. Amy Dahan Dalmedico. L'histoire discrète d'une femme trop savante. Science & Vie, Hors Série, N¨166-Mars 1989. 200 ans de science, 1789-1989.

3. http://www.coran-en-ligne.com/coran-en-francais.html

4. Nicolas Machiavel (1469-1527). Le prince. Maxi-Poche, Classiques étrangers. 1996.

5. Charles-Louis Montesquieu (1689-1755). De l'esprit des lois. Première partie (Livres I à VIII), 1748.

6. Jean-Jacques Rousseau. Lettre à d'Alembert sur les spectacles. Notices et Notes par L. Flandrin. Paris, Les classiques pour tous. N°113.Librairie Hatier.

7. C. Trumelet. Blida Récits. Selon légende, la tradition & l'histoire. Tome Premier. Adolphe Jourdon, Libreur -Éditeur, Alger 1887.

8. Friedrich Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra. Traduction et présentation par G-A Goldschimdt. Le livre de poche, Librairie Générale Française, 1972.

9. Friedrich Nietzsche. Généalogie de la morale. GF-Flammarion, Paris, 1996.

10. Friedrich Nietzsche. Par-delà le bien et le mal. Traduit de l'allemand par Geneviève Bianquis. Union Générale d'Editions. ParisVI, 1988. Titre original : Jenseits von Gutund Bose.

11. Friedrich Nietzsche, Ecce Homo. OeO, éditions ouvertes, 140 pages, traduction d'Alexandre Vialatte.

12. Pearl Buck. La première femme de Yuan. J'ai Lu. 1977.

13. Pearl Buck. Viens, mon bien-aimé. J'ai Lu. 1978.

14. Amin Maalouf. Léon l'Africain. Editions Casbah Editions, Alger, Algérie, 1998.

15. Ahmadou Kourouma (1927). En attendant le vote des bêtes sauvages. Editions du seuil, 1998.

16. Le Monde diplomatique, avril 2014.

17. Le Monde diplomatique, décembre 2015.