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Alerte au BMS : allo l'APC ?

par Cherif Ali

Dans notre pays au climat semi-aride, voire aride dans la majeure partie, la survenance des inondations ne peut-être qu'un paradoxe, mais quand cela se produit, l'impact est dramatique, autant sur les personnes que sur les biens. Si certaines régions, comme la Capitale ou l'Est du pays sont concernés par ces risques, tout le territoire est, en définitive, sensible à ce genre de catastrophes naturelles. La problématique des inondations doit être, à l'orée de cette basse saison, une priorité pour le gouvernement et, par extension, une urgence pour les 1541 maires du pays qui seront au premier plan en termes de prévention, d'intervention et de secours aux populations menacées. Sont-ils, pour autant, préparés à ces échéances ? La réponse nous a été donnée, en partie, par un responsable du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales qui avait fait la déclaration suivante : « quelque 600 communes sur les 1541 que compte le pays, nécessitent des opérations de mise à niveau en matière de moyens d'intervention et de lutte contre les risques majeurs».

Aujourd'hui, force est de constater qu'en l'absence de toute stratégie d'intervention des communes à moyen et à long termes, les mêmes erreurs et les mêmes défaillances se reproduisent de manière cyclique, avec leur lot de drames humains et de dégâts matériels. Il y a eu mort d'hommes de l'aveu du représentant du ministère de l'intérieur, qui a tenu à préciser, face à Souhila Elhachemi sur les ondes d'Alger Chaine 3, qu'il ne faut pas tout mélanger, comprendre que les accidentés de la route et les victimes du monoxyde de carbone ne sont pas causés par le mauvais temps. Quoique ! Le laisser-aller, l'absence, parfois, de plans Orsec et les interventions conjoncturelles d'un personnel non formé pour la circonstance aggravent la situation, quand la catastrophe se produit. Les opérations d'entretien préventif, quand elles ont lieu, ne doivent pas, en principe, s'inscrire dans un calendrier saisonnier, dans la mesure où les calamités sont imprévisibles, n'ont cessé de répéter tous les spécialistes de la question. En matière d'intervention, la coordination interministérielle doit revêtir, obligatoirement, un caractère intersectoriel, ce qui n'est pas souvent le cas et les résultats s'en ressentent. Il y a aussi le manque d'informations concernant la consistance et l'état des moyens à mutualiser et à mobiliser à l'échelon national et aussi des ressources humaines à réquisitionner quand la catastrophe touche une ou plusieurs wilayas, ce qui laisse perplexe les responsables en charge de coordonner les secours, en l'absence d'un fichier central informatisé. Dans ce registre, un responsable du ministère des Ressources en Eau avait annoncé, il y a quelque temps, qu'un « Plan national de protection des villes contre les inondations » avait été établi, dans le cadre d'une stratégie allant jusqu'à 2030 ».

On a entendu aussi parler « d'une étude sur le phénomène des inondations en Algérie et les moyens de réduire leur impact », financée par l'Union européenne pour un coût de 1,2 million d'euros. Simples effets d'annonce ou projets concrets, toujours est-il qu'au jour d'aujourd'hui, les inquiétudes demeurent et les Algériens se souviennent encore des drames causés par : ? Les inondations de Bab El-Oued (10 novembre 2001) et les torrents de boue qui se sont déversés dans l'oued principal du Frais-Vallon faisant 1000 victimes et aucun responsable n'a été inquiété ! ? Celles de Ghardaïa en 2008, quand des pluies diluviennes se sont abattues sur la région pendant 48 heures. En amont, elles ont trouvé comme réceptacle des oueds et de là, les eaux ont déferlé, débordé et emporté tout sur leur passage, à travers huit communes, dont celle située dans la vallée du M'zab, Ghardaïa ! Le bilan s'est soldé par 49 morts, des dizaines de blessés et autant de personnes traumatisées, sans compter les dégâts matériels qui se chiffrent en milliards ! Le « déchaînement des éléments » est-il le seul responsable de ce qui s'est passé à Ghardaïa, mais aussi à Bab El-Oued et toutes les régions qui en gardent encore les stigmates ? Mais s'il venait à se produire une quelconque catastrophe dans une région où « on aurait fermé les yeux sur des habitations édifiées sur des conduites de gaz, ou des bâtisses construites dans des lits d'oueds, ou plus encore des travaux de réalisation ou de réfection bâclés par des entreprises non compétentes et qui auraient impacté, gravement, sur des citoyens ou leurs biens », chaque responsable, direct ou indirect, de cette situation aurait à répondre de sa négligence! Il faut aussi reconnaître qu'en l'état, nos communes sont démunies devant ces périls ! La plupart d'entre-elles ne disposent même pas d'un « système d'alerte et d'information de la population ».

A cela il faut ajouter le manque d'organisation des services de nettoyage et d'entretien ainsi que le laxisme de certains responsables locaux qui ne prennent pas les mesures d'anticipation qui s'imposent en cette basse saison et qui ne donnent même pas suite aux BMS spéciaux qui leur sont transmis ! les lisent-ils au moins ? Les oueds menacent nos villes et les alertes météo vont être fréquentes et il n'est pas question de se défausser sur les autres, comme l'a fait, par exemple, le maire d'Alger-centre dans un entretien qu'il a accordé à un journal en ligne. S'expliquant sur les inondations provoquées par les premières pluies qui ont bloqué la circulation automobile pendant des heures, il a affirmé : « je pense que cela s'est produit à cause des travaux qui sont en cours et notamment le sable utilisé dans les chantiers ». A la question de savoir qui était responsable, le maire bottant en touche, a pointé du doigt les entreprises SEAAL et Sonelgaz « qui font la sourde oreille à nos réclamations en refusant de remettre en état les lieux quand elles interviennent sur la chaussée, laissant sur place les gravats qui obstruent les avaloirs et les égouts!». Un autre maire, celui de Tébessa, ville qui a été submergée par la boue et inondée jusqu'à la moindre maison, n'a pas trouvé mieux pour expliquer la catastrophe que de dire : « il n'y a pas eu mort d'homme, donc ce n'est pas si grave ! ».

Chaque hiver, les Oranais vivent le calvaire. Le moindre déplacement, la plus petite des activités se transforment en épreuves titanesques : rues gorgées d'eaux, boue, gravats jonchant la chaussée et bloquant la circulation automobile. Cette situation qui, hélas, se répète est due généralement à l'inexistence des réseaux d'évacuation des eaux de pluie ou à leur vétusté. On parle, aujourd'hui, de projets d'aménagements hydrauliques et de réalisation de nouvelles digues et d'avaloirs pour un coup de 12 milliards. Est-ce à dire que les élus et les responsables locaux ont, enfin, pris leurs responsabilités en matière de prévention contre les risques d'inondation ? La gestion du risque d'inondations est partagée entre l'Etat et les Collectivités Locales. Si l'Etat et les Collectivités Locales s'attachent aux mesures collectives, il revient, aussi, à chaque citoyen de prendre ses responsabilités au regard des aléas auxquels il est exposé, en s'assurant lui et ses biens. A la décharge des communes, il faut dire, aussi, que les responsabiliser sur tout et rien, c'est quelque part aller vite en besogne au regard de la faiblesse des moyens mis à leur disposition. Dans l'absolu, que peuvent faire les collectivités locales devant le « dérèglement climatique » qui touche l'ensemble des pays du bassin méditerranéen ? Anticiper les événements, alerter les populations, secourir les sinistrés, les reloger même provisoirement, c'est leur rôle pour peu qu'elles en aient les moyens. Nos communes, aujourd'hui, se meurent et plongent davantage dans les problèmes du quotidien financés, majoritairement, par les subventions de l'Etat ! L'économie locale, par exemple, est quasi inexistante dans le processus de développement initié par l'Etat où un manque est perceptible en matière de management, de stratégies et de capacités d'anticipation, de création d'entreprises locales, de valorisation des ressources, du patrimoine et des revenus fiscaux ! Le ministre de l'Intérieur et des Collectivités Locales, avait pourtant intégré dans la stratégie de son département, outre «l'amélioration des services publics » qui était pour lui une exigence, et qui est devenue aujourd'hui une réalité, la nécessité d'enclencher «un plan de réforme des collectivités locales » susceptible de les doter en nouveau mode d'organisation et de gestion, en mécanismes et outils, de manière à leur permettre de réaliser leurs objectifs. Après avoir mené avec succès le « choc de simplification» des procédures administratives en matière d'attribution du passeport et de la CNI biométriques, le ministre de l'intérieur, baisse du pétrole oblige, a musclé son discours à l'adresse des responsables des collectivités locales leur demandant de se muer, en « managers » créateurs de richesse et d'emploi. Faire fonctionner les communes comme des «entreprises», organiser des cycles de formations en matière de « gestion des risques » pour les présidents d'APC, les doter en moyens de réalisation et d'intervention (camions et engins de toutes sortes), ces efforts doivent être absolument poursuivis, si l'on souhaite mettre au premier plan l'intelligence et l'innovation économiques, sortir de la dépendance des hydrocarbures et vivre de ce que nous pourrons produire. Cela passe, nécessairement par l'engagement des responsables locaux, la dépénalisation de l'acte de gestion, mais également et surtout, par la « réforme des finances et de la fiscalité locales », celle-là même qui permettrait aux maires de valoriser leur patrimoine, profiter de leurs ressources et gisements fiscaux et partant, monter des projets et les financer sans recourir aux subventions de l'Etat ! Et aussi par le changement des mentalités ! Plus de 2500 écoles sont fermées parce que les enfants y grelottent en classe, vient de le faire remarquer, très opportunément, un chroniqueur.

La situation vient, probablement, de ce que dans le programme de beaucoup de communes, l'équipement et la maintenance des établissements scolaires n'ont pas toujours constitué la priorité, ou de ce que, faute de branchement au réseau gaz, les responsables ont préféré ne rien faire plutôt que de recourir aux archaïques poêles à mazout, à coke ou à bois. Pourquoi les directeurs de l'éducation, même s'ils n'ont pas la charge matérielle des écoles, s'affranchiraient-ils aussi aisément du confort de ces établissements ? Pourquoi aussi des chefs d'établissements et des instituteurs qui, par ailleurs, ne cessent de repartir en grève, pour revendiquer leurs bonnes conditions de travail, supportent-ils que des centaines de milliers d'élèves fréquentent des salles de cours non chauffées ? Autant de questions auxquelles il n'est plus permis aujourd'hui de ne pas répondre !