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HORS SUJET

par M. Saadoune

La commission Bensalah poursuit mperturbablement sa mission, alors que nombre de personnali tés et de partis déclinent son invitation. De plus en plus, la démarche semble être perçue comme celle d'un système qui se parle à lui-même à travers ses organisations et ses hommes.

 Le pouvoir donne ainsi l'impression d'avoir donné un os à ronger à l'opinion publique alors que son agenda paraît déjà établi et scellé. Le fait que la commission Bensalah-Touati-Boughazi fonctionne comme une instance chargée du simple enregistrement des «doléances» ne fait que conforter cette impression.

 Il est en effet difficile de déceler dans les activités de ladite commission l'ombre d'un dialogue national sur les questions fondamentales. On peut s'amuser, par exemple, que le parti de M. Ahmed Ouyahia soit soudain partisan de la limitation du nombre de mandats présidentiels et pour que le parti majoritaire désigne le Premier ministre. Encore un effort et il reviendra à la Constitution de février 1989, que l'on a chargée, à tort, de tous les maux. On peut tout aussi bien feindre de s'étonner de sa proposition d'appliquer la règle du 51/49% avec le privé pour la création de nouvelles chaînes de télévision.

 Dans le meilleur des cas ? et cela reste à prouver ?, on dira que le parti d'Ahmed Ouyahia vient de « s'émanciper» et que les idées, hier défendues avec acharnement sur la non-limitation des mandats et la non-ouverture de l'audiovisuel, n'étaient pas les siennes.

 Mais sur le fond, même les idées «nouvelles» du RND ne font pas un débat national. Tout ce que cela donne, c'est une compilation de mesures à prendre et de textes à réviser que le pouvoir, de manière régalienne, choisira de prendre ou de délaisser. On peut même penser que pour faire honneur à la «représentation» de «ses» partis, il a partagé les tâches entre les uns et les autres pour créer un peu d'animation.

 Pourtant, en dépit de «l'effort» que font ces partis pour créer cette animation, le régime ne dialogue toujours pas. Il dialogue avec lui-même. Le fait que la «réforme» ait été orientée exclusivement sur les révisions de textes montrait que pour le pouvoir, il n'y a pas de crise politique dans le pays. Modifier des lois et même la Constitution est, dans la conception du pouvoir, une opportunité d'améliorer le système, pas de le changer. Avec le postulat que le système est bon et qu'il ne s'agit que de l'améliorer, il n'y a évidemment guère de place au débat politique. Et notamment sur le fait que depuis l'indépendance, la suprématie de la loi sur le pouvoir n'a jamais pu se réaliser.

 Une commission d'enregistrement de propositions de révision de textes ne remplace pas un débat politique sérieux sur cette question primordiale. Un débat d'autant plus nécessaire que l'habitude de ne pas s'astreindre à la loi n'est plus un secret.

 Il est donc difficile de ne pas comprendre ceux qui choisissent de ne pas rendre visite à la commission Bensalah-Touati-Boughazi. Elle est, à leurs yeux, hors sujet.