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NE PARLONS PAS DE POLITIQUE !

par K. Selim

400.000 marchands «illégaux» en plus depuis janvier et la «trêve» unilatérale décrétée par le gouvernement dans la lutte contre l'informel. Le chiffre, donné par l'association des commerçants UGCAA, est impressionnant. Il appelle, normalement, une réponse des pouvoirs publics, qui ne viendra sans doute pas en ces temps «d'apaisement».

Les plus cyniques pourraient y voir la preuve que la non-application de la loi est créatrice d'emploi. Mais il faut justement éviter un cynisme synonyme de laisser-aller. Aucun pays et aucune économie ne gagnent en définitive à ne pas fonctionner sous l'empire de la loi. Au bout de l'informel, il y a toujours une lourde facture à régler.

S'agissant des transactions hors de tout cadre légal ou réglementaire, les pouvoirs publics ont envoyé des signaux qui sont interprétés comme un encouragement. Le responsable de l'UGCAA en est réduit, non pas à demander une application pleine de la loi, mais à réclamer du gouvernement d'exercer un minimum de pression pour ne pas donner l'impression que tout est permis.

Nul ne reprochera au gouvernement de faire preuve de réalisme dans le traitement des activités économiques informelles. Mais ce réalisme ne doit pas être perçu comme une démission. En terme de communication, les autorités ont donné, depuis janvier dernier, le sentiment que la bataille de l'informel était reportée aux calendes grecques. On aura même entendu des reproches à destination d'opérateurs qui ont eu l'outrecuidance de demander des factures à des grossistes, comme la loi l'a toujours exigé.

Le message du renoncement a été clairement perçu. En laissant entrevoir qu'il est prêt à renoncer sur ce terrain, le gouvernement ne semble pas s'être rendu compte que son message serait aussi perçu par toutes les catégories sociales qui ont subi, dans un contexte de grave dégradation sécuritaire, le terrible ajustement structurel. Ces catégories sont en mouvement partout pour exiger un rattrapage de revenu.

Le message public sur l'informel est censé faire prévaloir la stabilité sur l'application stricte des règles et de la loi. Le souci évident des pouvoirs publics est d'éviter une contestation politique qui se moque des frontières et parcourt allègrement toutes les contrées arabes du Maroc au Bahreïn.

Mais la démarche a eu pour effet «non politique» d'allumer un peu partout le champ des revendications. Après tout, ces acteurs de la revendication peuvent dire de manière simple : si ce qui est indubitablement illégal est permis, ce qui est légal ne peut que l'être aussi. Revendiquer de meilleurs salaires et forcer le gouvernement à redistribuer - même sans contrepartie productive, selon le dogme - est à l'ordre du jour. Et les demandeurs pourront toujours dire au gouvernement et à ses représentants qu'ils ne font pas de «politique». Ils ne font que faire valoir des demandes économiques et sociales qui sont la «priorité» officielle de l'Etat, qui n'a pas de temps à perdre avec ces histoires de partis politiques à l'agrément suspendu ou à cette réforme politique que même les «amis» américains semblent attendre.

C'est en définitive une partie « apolitique» qui est engagée entre le gouvernement et les Algériens. Le jeu consiste en définitive à attendre qui le premier dira : pouce, parlons politique !