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Le maréchal Sissy
sera bientôt président de la République égyptienne. Il faut qu'il suspende, au
moins par esprit de miséricorde, les innombrables condamnations à mort en
cours.
La justice égyptienne a condamné à mort 529 partisans du président islamiste Mohamed Morsi, destitué par l'armée, pour des violences commises durant l'été, à l'issue d'un procès expéditif sur fond de répression sanglante des islamistes en Egypte. 683 autres partisans de Mohamed Morsi ont été jugés pour répondre de violences et connaîtront leur sort le 28 avril. Pour Riadh Sidouani, politologue spécialisé sur le monde arabe, l'économie égyptienne est «est très fragilisée, et il ne peut supporter économiquement le terrorisme». Par ce fait, «les autorités et l'armée s'affolent, et ont choisi de réagir rapidement, de façon brutale, pour combattre le terrorisme et surtout stabiliser le pays» Ces exécutions auront-elle lieu ? Sur le plan humain et quelque soit l'opinion (très négative) que l'on porte sur l'islamisme radical, il ne faut pas le souhaiter et appeler les autorités égyptiennes à une certaine miséricorde. Sur le plan intérieur, ces exécutions entraineraient une radicalisation extrême de franges du Mouvement des Frères musulmans. Sur le plan international, l'image de la République égyptienne en serait affectée. Mais il est possible que ces menaces de mort sur un près d'un millier de condamnés, après une prise du pouvoir musclée de l'Armée, ne soit paradoxalement, qu'une injonction faite aux Frères musulmans à une reddition ou, à reprise du débat débouchant, à terme, un retour sur la scène politique de ce courant politique, avec acceptation explicite de sa part de la situation crée. Après une répression et des condamnations sévères des militants, il faudra analyser, de ce point de vue dans les prochains mois, comment les autorités vont gérer les procès des figures politiques des Frères musulmans, actuellement détenues. L'armée, figure incontournable du «printemps égyptien» Didier Billion, directeur de l'institut de géopolitique IRIS a publié en mars, une étude modestement intitulée «Egypte, esquisse d'un bilan», avec des analyses fort instructives. Il souligne tout d'abord la place toute particulière qu'occupe ce pays dans les mouvements politico-culturels qui ont façonné le monde arabe moderne : de la Nahda (renaissance) à la fin du XIX°siècle, au «Réveil» de ce début de XXI°siècle en passant par le panarabisme impulsé par Nasser et même l'islamisme politique des Frères musulmans, fondé par Al-Bannah. Pour lui, «le destin de l'Egypte post-Moubarak mérite une attention toute particulière». La chute du Rais, après la fuite de Ben Ali de Tunisie, a ouvert les «printemps arabes». La contestation semble avoir surgir de nulle part, prenant de court tant le pouvoir en place, que l'ensemble des grandes capitales états étrangères. La mobilisation populaire fut très rapide et la Place Tahir au Caire devint un symbole international de l'exigence démocratique et de la revendication de la justice sociale. Mais le chercheur de l'IRIS nous rappelle dans son étude, que le départ de Moubarak a d'abord été motivé par la décision de l'armée égyptienne de se séparer du président et de son clan familial : Moubarak avait désigné son fils Gamal comme successeur, «dans un sorte de monarchie républicaine», note Didier Billion. Gamal, autocrate affairiste et partisan acharné de la déréglementation libérale sur le plan économique s'était attiré la vindicte des classes populaires et des classes moyennes «mais il pouvait également faire obstacle aux intérêts économiques dont l'armée dont on sous-estime souvent le contrôle qu'elle exerce sur des secteurs stratégiques de l'économie égyptienne» précise le chercheur. Si l'armée n'a pas contrôlé le mouvement populaire initial, elle fut donc loin de s'y opposer, voire de le favoriser, entrainant inéluctablement la chute de Moubarak. En revanche, une fois au pouvoir, l'armée s'avéra rapidement incapable de diriger les affaires civiles du pays et notamment en matière de politique économique et sociale. Les scrutins législatif et présidentiel ont largement donné la victoire, et de façon démocratique, rappelons-le, aux Frères musulmans avec notamment la proclamation du Président Morsi, le 24 juin 2012. Il est vrai que les Frères musulmans constituaient le seul parti politique réellement structuré, avec des militants chevronnés, ayant souvent vécu de longues périodes de clandestinité et disposant de réels relais dans les quartiers populaires grâce à une longue tradition d'entraide de type caritatif. Ce qui n'empêcha pas ce mouvement de développer un discours économique très peu novateur, pourtant destiné à séduire les intérêts des couches marchandes de la société. «L'Islam politique a prospéré dans le vide idéologique laissé par le déclin du nassérisme, la corruption de l'élite sociale et politique, l'accroissement de la pauvreté», précise le chercheur de l'Iris, mais très rapidement, les Frères musulmans «novices en matière d'exercice du pouvoir, ont fait montre de leur incapacité à relever les défis de la gouvernance moderne. Ils ne furent à la hauteur ni des espoirs suscités, ni des responsabilités, tant au niveau économique et politique». Les Frères musulmans, cohérents avec leur doctrine historique, tentèrent en revanche d'occuper à leur profit tous les rouages de l'Etat, tant au niveau de l'exécutif, du législatif et de la représentation des villes et régions. Sans pouvoir pour autant intervenir positivement de quelque façon sur la situation économique, les revendications sociales et les exigences démocratiques exprimées par de multiples composantes de la société égyptienne. La montée en puissance du maréchal Al-Sissi Le débat constitutionnel fut une étape importante. Contrairement à l'élaboration et aux compromis que se sont réalisés en Tunisie, aboutissant à un texte remarquable sur beaucoup de points, les Frères musulmans ont tenté une véritable OPA constitutionnelle. En avril 2013, un premier coup d'arrêt intervint avec une décision de justice (la seule institution qui n'était pas contrôlée par les Frères musulmans) qui stoppa légalement l'écriture de la nouvelle Constitution égyptienne au seul éclairage de la Charia. C'était le début de la fin. En juin 2013, de très importantes manifestations populaires se sont déroulées. Le mouvement, dénommé «Tamarod» (rébellion) fut si puissant qu'il aboutit rapidement au démandatement, puis à l'incarcération du président Morsi. Soyons clairs, pour populaires et légitimes qu'elles fussent, les manifestations organisées pour chasser les Frères musulmans du pouvoir ont bénéficié de l'autorisation, voire du soutien des forces armées égyptiennes. L'armée a donc opéré, pour la seconde fois en trois ans, une redistribution des cartes politico-institutionnelles avec en arrière fond la montée en puissance du général Abdel Fattah El-Sissi, promu rapidement maréchal. Puis abandonnant ses galons, celui-ci est devenu candidat incontournable aux prochaines élections présidentielles? A chaque séquence donc, l'armée égyptienne ponctue la politique égyptienne. Avec un succès certain et le soutien aujourd'hui, de nombreuses composantes de la population égyptiennes parmi lesquelles, beaucoup au départ, avaient apporté leur soutien aux Frères musulmans. Six mois après le renversement du président Morsi, le référendum constitutionnel a été présenté par le pouvoir intérimaire dirigé par les militaires comme un «rétablissement de l'Etat de droit et une normalisation de la vie politique». Le «Oui» l'a emporté à 98% ! S'il est indubitable qu'une grande majorité d'Egyptiens soutiennent aujourd'hui la démarche du Maréchal-candidat Sissi, ce score pharaonique fleure bon le scénario hollywoodien (tout est merveilleux dans le meilleur des mondes) tout en rappelant que l'ancien dictateur Enver Hodja, dans l'Albanie communiste se contentait d'un score modeste de 96% dans les plupart des élections... Le vote fut émaillé de violences, «l'esprit de Tahir était loin de souffler sur ce scrutin, habité au contraire par le retour de la peur» constate Didier Billion. Après ce «succès d'estime» et dans l'attente d'une élection présidentielle tout aussi triomphante (qui aura lieu le 26 et 27 mai prochain), les questions décisives restent les mêmes. Le futur président devra trouver formuler des interrogations et trouver des réponses rapides sur des sujets sensibles. Comment améliorer rapidement la vie du peuple égyptien, sans disposer comme d'autres pays arabes de la manne pétrolière ? Comment réconcilier ce même peuple, traversé de courants divers, surtout sans recourir uniquement à une répression brutale qui pourrait développer une frange ultra-radicale de l'islamisme intégriste et armé, comme on le voit aujourd'hui dans le Sinaï ? Quel rôle va jouer l'Egypte, puissance régional dans les débats du monde arabo-musulman, tout comme dans l'environnement euro-méditerranéen ? |
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