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Les Chaouis, de Baghaï à El Khroub

par Slemnia Bendaoud

Fief antique du site archéologique du Ksar de la très célèbre Kahina, Baghaï* reste encore cette contrée presque totalement inconnue par l'ensemble des Algériens. Site ancestral de la demeure éternelle de ce Roi de la Numidie nommé Massinissa, El Khroub n'est, elle aussi, que très peu connue sur ce plan de l'historicité de sa fonction très ancienne et bien pérenne.

Et si le Khroub, profitant de sa proximité de la ville millénaire du vieux rocher, est plutôt assimilé à ce très ancien marché à bestiaux à vocation régionale d'antan et également à ce club de football de l'ASK, où brillaient de mille feux et nuages de perles d'étincelles ces autres joueurs du terroir de renom nommés Belloucif et Kittouni, le premier grâce à sa très grande classe internationale et à ses formidables retournés acrobatiques, et le second, en raison de sa très grande vision de jeu, technique raffinée et à son tir meurtrier à l'approche des buts adverses; Baghaï (Khenchela), par contre, brille encore par sa presque totale absence de repères très contemporains, et ignorance très fatale au sujet de son passé légendaire de sa propre Histoire dans l'esprit étroit ou peu développé de cette très jeune génération d'algériens, les deux ajoutés à cet oubli du développement économique qui refuse de la faire sortir de son ornière et obscur anonymat. L'histoire de l'oubli étant donc passée par là, à grands pas et à très rapides foulées, à un moment où le livre contenant les feuillets réservés à ces deux contrées s'est aussitôt refermé sur ses magnifiques pages d'or et grands secrets d'une région qui dort depuis lors sur ses deux jolis lauriers. Et là voilà donc cette région Chaouie qui se réveille de nouveau de son très long et continu sommeil, à la veille de cette hypothétique consultation électorale présidentielle, par le fait même de cette très lourde bourde de l'un des siens, très à l'aise sur son nuage Martien, venant de lui lancer en guise d'anecdote de convenance cette expression qui résulte de la sentence d'un procès gratuit et fortuit, fruit ou pur produit d'un homme officiel bien ou très distrait dans ses propos.        A peine entendue cette expression plutôt maléfique* ayant rapport avec la condition supposée du Chaoui, que c'est plutôt le Mont Chélia qui grogne et gronde à très haute voix de tout son immense volume et grand poids, refusant, séance tenante manifestement, et très catégoriquement cette plaisanterie de bien mauvais goût, le visant tout particulièrement et bien personnellement. Et telle une trainée de Poudre ou série de wagons d'un même train, De Mermoura à l'est jusqu'aux Bibans à l'ouest, en passant le Hodna et les gorges de la Kantara, au sud, tout ce grand territoire de hautes plaines continentales, allant des origines de la Seybouse jusqu'aux sources mêmes de l'oued Sebaou et celui des Issers, se sentit comme dans un seul saut ou sursaut soudain menacé par cette phrase maudite, laquelle fut donc interprétée dans l'esprit de ce monde courageux et très pieux, telle une véritable offense ou une méchante attaque et gratuite atteinte portée par cet influent membre de la gouvernance du pays à son honorable citoyenneté.

Trop forte pour être rapidement digérée, bien menaçante pour être si facilement oubliée, très puissante pour constituer l'essentiel de leur intérêt et occupation au plus haut degré, l'expression revenait donc assez souvent dans leurs interminables discussions, à telle enseigne que certains en feront tout un programme de riposte, tout un carrousel de manifestations, toute une série de revendications citoyennes.

Depuis lors, c'est donc vers la réplique que tout ce beau monde-là qui se met à réfléchir, lui concoctant, au passage, toutes ces formes de contestations expressives, tous ces programmes de ripostes, tous ces rejets en série d'un mode de gouvernance qui insulte l'intelligence humaine et la grande Histoire de l'Algérie, tout cet esprit arrogant et hautin de ces commis de l'état provocateurs et très méchants envers le peuple algérien? La déflagration aura donc produit tout ce bruit terrible et assourdissant, provoquant, de fait, dans son sillage, cette colère immense de toute l'Algérie, sentant que le danger de cette gouvernance de l'allégeance à un groupe aux commandes du pays depuis son indépendance, le menacer dans son unité, dans sa tranquillité et avenir commun. Une odeur de fumée s'en dégagera très rapidement, et subitement, tout ce grand territoire algérien en fut contaminé : ruminant à l'envi ce sentiment tout à fait légitime de prendre sa revanche sur ce sort piteux de misérable indigène au sein duquel il s'est cru être embourbé, un demi-siècle après l'indépendance du pays.

La faute était trop lourde pour être pardonnée ou oubliée sur le champ. L'erreur était trop grave pour être réparée par de simples excuses données en public. La plaie était vraiment bien profonde pour être cicatrisée du premier coup ou grâce à une simple caresse d'application médicamenteuse d'usage. L'offense à peine déguisée, ne pouvait donc passer inaperçue. Les relents en sont donc bien présents, très puissants, vraiment blessants. Les remous que la lourde bourde avait bien suscités au sein des populations semblent faire monter en cadence les enchères quant à une supposée alliance de la région à un ordre d'expression de ses voix au profit le l'homme su Sérail, encore cloitré derrière sa muraille, lui qui comptait beaucoup sur leur apport à son seul profit. Les missions de bons offices, lancées juste après le bruit tonitruant des gorges déployées à plein régime au sein de la contrée, auront été bien vaines, tout comme d'ailleurs ces flatteries très officielles décodées, au passage, au travers de tous ces nombreux messages d'apaisement affluant sur la région, instrumentalisant le moindre mouvement ayant un rapport direct avec l'histoire de gloire de cette grande partie du territoire algérien. Mieux encore, même le timing avait d'ailleurs été très mal choisi, après ces offenses croisées de Yacef Saadi et de Amara Benyounès foulant du pied la dignité humaine pour rouler dans la farine tout ce valeureux peuple algérien qu'on insulte à coup de quolibets et de giboulées de tirs meurtriers, lesquels n'auront pas même épargnés ces autres grands martyrs et héros de sa mémorable révolution, laquelle fait présentement école au sein de l'Histoire la plus contemporaine du monde de façon plus générale. L'avalanche devenait donc très insupportable. Bien inacceptable, à plus d'un titre d'ailleurs ! D'autant plus que la dignité de tout le peuple algérien était écorchée, malmenée, trainée dans les ténèbres de l'hypocrisie politique. La réaction ne pouvait donc être qu'à hauteur de cette provocation méchante et bien menaçante de l'unité de la nation. A plus forte raison lorsque c'est encore cette élite gouvernementale qui en était la réelle cause. Leurs auteurs étant tous de très hauts fonctionnaires ou cadres supérieurs de l'état et de la nation : un premier ministre, un ministre et un sénateur sortant et émargeant encore au budget de l'état algérien.

Mais la bourde de Abdelmalek Sellal leur vole toutes la vedette, se situant un cran au dessus. Elle émane de ce responsable à la casquette double, au jeu bien trouble, et au penchant anecdotique devenu désormais très problématique et vraiment chimérique pour le devenir et l'unité du pays. Sur ce plan là, l'auteur de ce quolibet propre à ce chat fat qui se prend pour un tigre des plus dangereuses jungles de la planète, ne bénéficie cependant d'aucune circonstance atténuante, même si, comme rapporté par les propos de son interlocuteur de ce moment qui lui fut fatal , bien plus tard, sur les colonnes de la presse nationale, l'expression avait été à dessein déplacée de son contexte privé et plutôt amusant.

Sa petite phrase, balancée dans un moment d'euphorie ou d'inattention, aura fait tremblé toute l'Algérie, embrasé son peuple et mis en colère tout le monde contre lui ; celui-ci, lançant, à son tour, plus tard, tous ces cris de désespoir, de désapprobation et ces gestes d'indignation à l'encontre de cette très haute personnalité tombée si bas dans ce baratin de petits plaisantins

De Tébessa à Téleghma, et d'El Kantara à Guelma, le peuple ne décolère pas encore. Il vit sur le qui-vive, cherchant après cette hypothétique occasion de lui rendre la pareille, de la façon la plus diplomatique qui soit, ruminant son interminable calvaire à la manière d'une véritable descente aux enfers. Et ni les Haraktas, ni les Némenchas, ni même les Ouled Sidi Rgis et autres tribus de la région n'ont pu vraiment passer l'éponge ou eu à reconsidérer leur position initiale, après que l'autre écho, celui bien officiel, était parvenu par fragments séparés, et courrier très confidentiel aux supposés notables de la vaste contrée. Le ras-le-bol était donc bien général. L'endurance de la souffrance des plus infernales, dans son cachet très caricatural.

Non Monsieur Sellal ! Cirta, ce pur vivier des plumes de grand art, ne s'est jamais, au grand jamais, moquée du Mont Chélia ; encore moins de tout ce vaste et très étendu relief du territoire Chaoui, dont son Rhumel constitue d'ailleurs l'un des principaux conduits qui charrient l'excédent de ses eaux pluie vers la mer, depuis des lustres déjà. Mieux encore, il n'est pas dans la nature de ce grand berceau du Savoir de l'Algérie de traiter ses nombreux voisins de cancres de la classe ou même d'un quelque traite mot, méchant et vraiment déplacé. Et qui pourrait donc consoler aujourd'hui toute cette très grande contrée qui fulmine et rumine encore les relents de sa terrible colère de Baghai jusqu'à El Khroub ? Cette phrase mal placée et vraiment très déplacée aura eu l'effet d'une véritable bombe, de nature à faire retourner Massinissa et El Kahina dans leurs tombes. Le peuple, dans son ensemble, retient son souffle. Ne trouvant plus les mots qui conviennent ou appropriés pour qualifier cet acte indécent, malsain, insensé, faisant dans cet osé inceste politique, reste encore très circonspect. L'une des conséquences très graves de la mauvaise communication est de véhiculer finalement tout à fait le contraire ou l'inverse du message déballé. L'une des répercussions les plus négatives des anecdotes les moins appropriées est de provoquer avec tout son monde, plutôt que de le distraire ou le défouler.

La fameuse expression de Abdelmalek Sellal est à considérer dans cette hypothèse-là. N'en déplaise à celui qui pense le contraire !

(*) La localité de Bir El Aater (Tébessa) lui dispute le mérite de constituer cet autre pied à terre des plus authentiques

(**) Ech Chaoui Men Hacha Rezk Rabi (Ce Chaoui-là, ne fut-il cette création du Bon Dieu !)