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Otages algériens au Mali : Les terroristes lancent un ultimatum à Alger

par Salem Ferdi

Un sinistre compte à rebours semble avoir commencé pour les sept otages algériens détenus par la mystérieuse organisation terroriste, Mujao (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest), qui a fixé un ultimatum de «moins de 30 jours» aux autorités algériennes pour satisfaire à ses revendications.

Le Mujao qui avait annoncé, début mai, que la vie du consul algérien à Gao et ses six compagnons d'infortune était «en danger», passe à un autre stade en fixant un ultimatum. C'est par le canal de l'Afp que le porte-parole du groupe terroriste, Adnan Abu Walid Sahraoui, a annoncé un «ultimatum de moins de trente jours au gouvernement algérien pour satisfaire à nos revendications, sinon, la vie des otages sera en grand danger». Le groupe terroriste a exigé le paiement d'une rançon de 15 millions d'euros et la libération d'islamistes détenus en Algérie. «Les otages sont encore vivants. Le gouvernement algérien connaît nos revendications (...). Il est encore temps de se parler. Après, il sera tard», indique le message du Mujao. Le choix de rendre publiques les exigences de rançon et de libération de détenus vise clairement à mettre le gouvernement algérien en situation de porte-à-faux avec sa démarche doctrinale de rejet de paiement des rançons qu'il a défendu avec constance au niveau de l'Onu. Le groupe terroriste qui a d'ailleurs menacé «d'attaquer l'Algérie, comme l'attentat de Tamanrasset qui a été exécuté par deux jeunes, un Sahraoui et un Malien d'origine arabe» cherche à obtenir un gain politique impossible sur le gouvernement algérien. Le sort des otages algériens est devenu inquiétant après que le Mujao s'est mis à communiquer de manière publique sur le fait qu'ils sont «en danger». Dans les affaires d'otages, des Etats occidentaux ont pu obtenir la libération de leurs ressortissants en faisant payer la rançon par des tiers, ce qui leur permettait d'affirmer publiquement qu'ils n'ont pas versé de rançon. La sur-communication du Mujao laisse clairement indiquer que cette option n'est pas acceptée par l'organisation terroriste qui cherche à défaire le gouvernement algérien sur une position de principe.

LE MYSTERE MUJAO

Si l'option d'un paiement de rançon peut être résolue sans implication de l'Etat algérien par sa prise en charge, par exemple, par un notable targui du nord Mali, l'exigence d'une libération de détenus islamistes implique nécessairement le gouvernement. Le Mujao, présenté comme une dissidence d'Aqmi menée par des Maliens et des Mauritaniens contre l'emprise des Algériens, semble curieusement se spécialiser dans des coups en Algérie ou contre l'Algérie. Un dirigeant du Polisario, Mohamed Salem Ould Salek, laisse entendre que les services marocains ne seraient pas étrangers au Mujao. C'est une thèse qui n'est pas étayée de preuves, même si Ould Salek affirme que «les autorités sahraouies détiennent des preuves concrètes quant à l'implication des services marocains dans les activités du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest». Le Mujao, pour rappel, a enlevé le 23 octobre 2011 à Tindouf trois humanitaires européens, deux Espagnols, dont une femme, et une Italienne. Le Mujao réclame une rançon de 30 millions d'euros et la libération de deux Sahraouis arrêtés par la Mauritanie contre la libération des deux femmes. Il y a également 9 otages européens entre les mains d'Aqmi dont six Français, un Suédois, un Néerlandais et un Anglo-Sud-Africain.

QUELLE MARGE D'ACTION ?

Les preuves évoquées par Ould Salek n'ayant pas été présentées, «elles le seront en temps opportun», a-t-il affirmé, on se retrouve face à des présomptions fondées sur le fait que le Mujao «s'acharne contre l'Algérie depuis sa création» et «qu'il est même chargé de faire de l'Algérie sa cible». D'autres thèses circulent allant jusqu'à voir la main des Qataris dans ce mystérieux Mujao? Encore une fois, la marge d'action du gouvernement algérien, qui exclut le paiement de rançon, ne peut aller que dans le sens d'une pression forte sur les mouvements de rébellion targuis et notamment d'Ançar Eddine qui semblent liés aux groupes terroristes. Iyad Ag-Ghaly, leader du groupe Ançar Eddine, se transformera, aux yeux des autorités algériennes, en ennemi à abattre dans le cas où les otages algériens connaissent, à Dieu ne plaise, un sort tragique. Il faut espérer que le message est transmis avec suffisamment de force à Iyad Ag-Ghaly pour qu'il ne doute pas qu'il sera une cible légitime si le Mujao s'en prend aux otages.