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Un
certain 4 juin 1957, le quartier El Medress,
actuellement place des Chouhada, fut le théâtre de
l'assassinat de dizaines d'innocents citoyens par la soldatesque française.
Genèse du massacre. Une grenade sera jetée sur une Jeep au Tombeau du Rab à 10
h 30, faisant 3 morts.
La deuxième sera lancée sur la caserne de la Garde mobile à Riath El-Hammar, une troisième à Bab El-Djiad, la quatrième ne sera pas lancée. Alors que la cinquième, signée du groupe de Tabet Sid Ahmed, Kada Kloucha, Mohammed dit Ould El-Kosbi et Mohammed Grari, sera projetée contre un groupe de tirailleurs sénégalais à la rue Pomaria, stationnés au niveau de Dar El Hadith, faisant 3 morts dans les rangs ennemis. C'est alors que commenceront les représailles. Les tirailleurs sénégalais tireront à bout portant sur des civils. Les attentats furent réprimés férocement. El Medress fut encerclé, et les civils qui ne trouveront pas de refuge furent abattus. On tirait des guérites de Dar El Hadith et de la Maison Lachachi. Plusieurs ne devront la vie sauve que dans des boutiques qui baissèrent très vite rideau. D'autres témoignages laisseront entendre que ce sont les CRS qui ont ouvert le feu sur la population en intimant l'ordre aux mercenaires sénégalais d'en faire autant. Des notables de la ville, tels Omar Benyellès et Menaour, furent tués à l'intérieur d'un café. Mais toutes les opérations accomplies par les fidaïs avaient atteint leur but : elles affolèrent l'ennemi et mirent à mal son dispositif considéré comme infaillible. On dénombrera 37 morts parmi la population de Tlemcen, dont Ahmed Bendimered et son fils âgé de 6 ans, El Hadj El Hassar, Abdelkader Snous, retraité de banque, Addou Mohammed, gardien de prison en retraite, toutes froidement abattues dans la rue. 39 victimes dans ce carnage. Le bilan aurait été encore plus lourd, selon certains témoignages, sans l'attitude digne et humaine des appelés de l'armée française qui permirent à plus d'une centaine de personnes de s'enfuir les mains levées. Selon Tabet Aouel Abdessalem, ancien détenu du Bastion 18, frère du Chahid Touhami, co-auteur du livre «La bataille de Tlemcen», l'armée française, en réagissant de la sorte, voulait se venger des opérations menées par les fidaï, le jour même, dans la ville de Tlemcen, ciblant particulièrement des soldats et des lieux fréquentés par les colons et les militaires. Le même auteur a signalé que les opérations de fidaïs ont débuté, dans la matinée, vers 10 heures, pour prendre fin à la tombée de la nuit. Un véhicule militaire a été la cible d'une attaque à la grenade, suivi de plusieurs opérations sporadiques avant qu'un café, fréquenté par les Européens, donnant sur l'actuelle rue Bab El Djiad, ne soit le théâtre d'une autre attaque à la grenade et à la bombe. Pour répondre à ces actions héroïques, les soldats français n'avaient d'autre alternative que de viser de paisibles passants sans défense. En effet, plusieurs véhicules ont sillonné les rues de la ville, tirant au hasard et à l'aveuglette contre tout ce qui bougeait. Les criminels ont poussé leur hargne jusqu'à s'attaquer à la grande mosquée de Tlemcen, tuant son imam et de nombreux fidèles. Le bilan de cette journée sanglante était lourd. Il a été dénombré des dizaines de morts et des centaines de blessés. De son côté, le moudjahid Bali Bellahcène, auteur d'un livre intitulé «Mémoires d'un fidaï» qui est l'un des artisans de ces faits héroïques, a précisé que son groupe avait reçu pour consigne de harceler les troupes françaises et de ne leur laisser aucun répit. «J'ai distribué des bombes et grenades à mes éléments tout en leur fixant les cibles à attaquer», a-t-il relaté, en citant les noms des membres ayant exécuté ces opérations, dont le moudjahid Sid Ahmed Hamhami, encore en vie, Mohammed Bekkaï, décédé. Parmi les cibles visées, figurait le camp de la Légion étrangère, implanté à Dar El Hadith, une institution édifiée par l'association des Oulémas en 1937, transformée en caserne militaire après le déclenchement de la Guerre de libération nationale. De nombreux légionnaires ont trouvé la mort lors de cette opération, déclenchant une violente riposte de l'armée française dont les éléments se sont attaqués aux civils sans défense, semant la mort sur leur passage. Selon un rapport de l'administration de l'hôpital de Tlemcen, il a été dénombré 39 morts parmi la population civile. Cependant, «ce bilan est loin de refléter la réalité. Plusieurs morts n'ont pas été pris en compte dans ce bilan et des dizaines de personnes ont succombé, plusieurs jours plus tard, des suites de la gravité de leurs blessures», a ajouté l'auteur. M. Bellahcène a rappelé, à ce propos, que la riposte sauvage de l'armée française «n'a été en réalité qu'une tentative de se venger par rapport à la cuisante défaite essuyée quelques jours auparavant lors de la bataille de Fellaoucène». «Jamais Tlemcen n'avait vu pareille horreur : des mercenaires sénégalais et des légionnaires profanèrent la Grande Mosquée parce qu'ils crurent que deux balles avaient été tirées du minaret. Ils massacrèrent l'imam Djelloul Benosman. Entre la prière du Asr et celle du Maghrib, en ce mardi 4 Juin 1957, précisément au plus fort du drame qui secouait la ville, la Grande Mosquée s'était quasiment vidée de ses fidèles ; quelques rares hères, sans toit ni famille, se terraient dans les recoins obscurs dans le prolongement des nefs extrêmes. Soudain, un bruit de bottes se fit entendre du côté sud-ouest, dérangeant la quiétude de ce havre de recueillement... Armé de son seul courage, Mohammed Benosman, hazzab et parent de l'imam, s'empressa d'aller voir l'endroit vers quoi convergeait ce remue-ménage. Brusquement, il se trouva nez à nez avec un capitaine surgi on ne sait d'où ! Sans laisser à notre homme le temps de placer un mot, l'officier lui asséna une gifle retentissante suivie de coups de poing au visage et au ventre. Il resta ainsi, comme cloué au sol, assommé et sans voix ! selon le témoignage du regretté Omar Dib dans son livre «Le mardi 4 juin 1957, un forfait contre l'humanité». Aussitôt, des soldats casqués et fortement armés entrèrent en trombe, piétinant tout sur leur passage. Les uns se dispersèrent, se déployant dans les nefs ou prenant position aux pieds des légendaires piliers, pendant que les autres, traversant la grande cour d'ablutions au pas de charge, se dirigèrent vers le minaret. Ils s'y engouffrèrent en coup de vent après avoir défoncé le portillon d'entrée. Grimpant les marches, ils finirent par disparaître dans le dédale en colimaçon, pour surgir au sommet de la tour ; là, ils installèrent leurs engins de mort ; ensuite, ils se mirent à faire aveuglément feu sur les maisons tutélaires des vieux derbs de Tlemcen. Accompagné d'un groupe de militaires, le capitaine franchit le seuil de la mosquée, s'aventurant jusqu'au mihrab. A cet instant Hadj Djelloul (Djilali) Benosman, le respectable Imam, abandonnant ses méditations et délaissant ses livres d'études, sortit de la maqsoura (antichambre). Découvrant avec stupéfaction les soldats en armes au cœur de la mosquée, il s'approcha d'eux, mains levées à hauteur d'épaules, paumes ouvertes tournées vers les intrus dans un geste d'apaisement ! «Messieurs, nous n'avons rien, dans cette maison de Dieu, qui appelle votre présence !», leur fit savoir l'Imam. Le capitaine, comme ébahi, le regarda longuement avant de dégainer son arme : il y avait dans ses yeux un mélange de peur et de haine. Alors il tira à bout portant sur l'Imam. Ce dernier s'écroula sans un cri. L'écho des coups de feu rebondissait de voûte en voûte pendant que Si Djelloul Benosman rendit l'âme, sans doute avant même que son corps ne touchât le sol... Une plaque commémorative évoquant son assassinat, à côté du mihrab, fut dédiée à cet imam martyr au niveau de la Grande Mosquée. Les aiguilles d'une «magana» (horloge) sont arrêtées à l'heure de ce forfait, soit 18 heures 20 minutes... Une autre plaque commémorant le massacre d'El Medress avait été installée au niveau du cabinet de l'oculiste Azzouni à Tafrata, à l'initiative de la défunte association pour la promotion du citoyen et de la citoyenneté, présidée alors par le Dr. Khaled Kerzabi. En outre, une plaque commémorative a été apposée sur l'une des façades de la Grande Mosquée de la ville de Tlemcen pour marquer le massacre perpétré à proximité de ce lieu de culte un certain 4 juin 1957 au quartier El Medress, actuellement place des Martyrs. Au titre des commémorations également, une journée organisée en 2012 par l'Ecolymet en collaboration avec l'Université Aboubekr Belkaïd, au sein de l'auditorium du centre-ville, dans le cadre de la célébration du 50ème anniversaire de l'indépendance ainsi qu'une rencontre-débat autour de cette sinistre date, initiée en 2009 par l'Association des anciens condamnés à mort de la wilaya de Tlemcen présidée par M. Mustapha Megnounif, au siège de l'Aspewit. A souligner que cet événement historique a été relaté dans quatre livres : «Le mardi 4 juin 1957 à Tlemcen, un forfait contre l'humanité (Omar Dib), «La bataille de Tlemcen» (Abdesselam Tabet Aouel et Sid Ahmed Taleb) ,«Mémoires d'un jeune combattant de l'ALN» (Bellahcène Bali) et «Journal d'un fidaï et djoundi (Habri Mohamed dit Madjid). |
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