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La «femme et demie*» et le petit homme

par Slemnia Bendaoud

« Et Dieu créa la femme ! » Mais depuis, que de polémiques hystériques cycliquement relancées et sournoisement manigancées ! Que de sujets tabous longtemps évoqués ou à peine furtivement effleurés ! Que de questions malicieusement survolées ou prématurément enterrées !

Que de sombres absurdités piteusement instrumentalisées ou vicieusement déflorées ! Que de mirages habilement montés ou de réalités tangibles sauvagement démontées ! La raison tient surtout à ce statut de femme (sexe faible en plus !) que cette dernière traîne derrière elle tel un véritable boulet !

En ce nouveau 8 Mars, le sujet revient encore à l'actualité, à grands galops, des années après qu'il est à tout bout de champ ressassé, sans qu'aucune solution ne lui soit trouvée. La mère des hommes est bien souvent victime des violences de ses petits-fils, sans que l'époux ne puisse bouger le petit doigt.

Dans tout régime hypocrite, politiquement concupiscent et très phallocrate, il n'y a rien d'étonnant à ce que celui qui te donne la vie ne soit à l'opposé ton « souffre-douleur » tout indiqué, ta victime préférée.

La femme-objet se révolte, à présent, contre son triste sort et misérable statut, cherchant par tous les moyens à glaner quelques strapontins et de nombreux points, devenant ce sujet qui donne le ton (le tempo) au verbe pour le conjuguer à tous les temps et à tous les modes.

Assaisonnée à toutes les sauces, qualifiée de tous les attributs, soupçonnée de tous les défauts, critiquée sur tous les plans, vite jugée et sévèrement condamnée par contumace, sur pièce et sur place, sur l'autel de tous les tabous, la femme est tout le temps sur la défensive, les cuisses collées, les dents serrées et les lèvres timidement fermées.

A-t-elle les moyens de prendre sur elle le risque de passer désormais et sans tarder à l'offensive, à un moment où tous les regards critiques sont braqués en sa direction afin de la déshabiller à la première vue, pour cause d'une quelconque incartade astucieusement inventée ou un écart de conduite habilement improvisé, sinon sous la forme d'un coup monté soigneusement provoqué ?

Aspirant à être, sur tous les plans, l'égale de l'homme, elle s'est tout le temps contentée de jouer des rôles dérisoires et bien inférieurs, se confinant dans des missions de seconde importance, étant logée un cran au-dessous, et très souvent affectée à des tâches que rejette ou refuse d'honorer le sexe fort.

Longtemps confinée dans des tâches domestiques, la femme se surprend à envahir divers domaines de la vie active, à l'effet de parfaire ses connaissances pour s'imposer comme un acteur incontournable au sein de ces métiers autrefois exclusivement réservés au sexe masculin. Pour y arriver, elle dut franchir plusieurs paliers, observer une multitude d'étapes et surmonter de nombreuses difficultés, croyant dur comme fer en ses réelles possibilités et autres capacités à s'imposer grâce à son intelligence et à sa persévérance dans son travail.

Mais qui est donc cette femme ? Quel est son profil ? Quel objectif se projette-t-elle de réaliser ?

Depuis la nuit des temps, la femme a toujours constitué le centre de l'humanité. Créatrice des êtres humains par excellence, elle n'en constitue pas moins ce « sexe faible » qui produit celui jugé comme à la fois puissant et galant, violent et méchant, oppresseur et dictateur.

Raison pour laquelle, autrefois, souci du détail oblige, elle fut convoitée très jeune comme bru par le grand patriarche de la petite tribu, étant par conséquent, cette colonne vertébrale sur laquelle repose définitivement la pérennité de l'humanité, la fierté de la contrée, l'honneur du douar et tutti quanti ?

Et jusqu'à l'heure d'aujourd'hui, au sein des petites bourgades de nos campagnes, dès que la fillette épouse le physique ou les rondeurs d'une toute jeune adolescente, elle est déjà convoitée et choisie comme femme au foyer de sa belle-famille.

Pour ce faire, de savantes courtisanes en maîtresses absolues de la besogne sillonnent les bains maures, les cérémonies de fêtes du douar, écumant tous les lieux de regroupements ruraux, à la recherche de cette petite dulcinée au profit du futur prince élu de la famille.

En habiles observatrices, ces vieilles dames partent toutes à la recherche de ce même oiseau rare : la future « femme et demie » à dénicher très tôt, au prix de minutieuses recherches, afin de fonder avec le foyer de ce jeune fils à marier dès l'été prochain.

La sélection ou le véritable tri se font déjà dès le premier pas du chérubin à qui est destinée en guise de cadeau sa future dulcinée. Au sein des deux familles appelées à virtuellement ou éventuellement s'unir sur cette base, on s'accorde même à bien respecter, de part et d'autre, ce vœu exprimé et le calendrier souhaité.

A ce sujet, l'adage, les us et les traditions sont, eux aussi, considérés comme réels paravents et véritables déterminants dans ce choix à opérer, puisqu'ils commandent et dictent les cas de filles (futures brus) à éliminer de facto dont notamment :

- La fille à ce Monsieur Untel ou ce Quelqu'un (El Bent à ?)

- La fille unique et trop gâtée pour fonder son foyer (El Beniyta)

- La fille qui se retourne trop souvent dans sa marche (El Metlefta)

Toutes les familles rurales en sont d'ailleurs conscientes. Celles-ci en tiennent compte pour élever leur progéniture féminine selon cette même règle, craignant que leurs petites filles soient taxées de l'un des qualificatifs suscités, très préjudiciables quant à leur avenir proche.

Dans cette équation à deux inconnues, le sexe mâle n'en est pas, lui aussi, exclu de tout reproche. Ainsi, deux types d'époux sont à déconseiller, que sont généralement :

- Le petit homme (sa taille n'a rien à voir dans cette affaire), ce semblant de mari (Errouidjel)

- El Mesterdjel, celui se prenant pour un véritable superman ou gars à défier tout son monde.

D'où d'ailleurs émerge de ce lot ce couple tout désiré ou tant souhaité, liant bien évidemment, l'homme (le viril, le puissant, le galant, le généreux dans l'effort et dans l'amour?) à cette « femme et demie » à constituer à un âge très précoce, afin d'assurer fierté, dignité et pérennité à la tribu des ancêtres.

Cette formidable paire, constituée de « la femme et demie » (M'ra ou nouss) et de l'homme « Erradjel » dont le comportement et attitudes en font ce véritable futur chef de famille, est celle qui fait le plus courir tout ce monde rural, en quête de repères ruraux et ancestraux à faire respecter et pérenniser.

Seulement, au vu de toutes ces profondes mues et grandes métamorphoses qu'a connues tout récemment la société algérienne, sommes-nous à même de rêver juste un instant à constituer ce couple idéal qui faisait naguère passer des nuits blanches aux grands patriarches de nos rebelles tribus ?

Qui donc parmi nous peut, sans risque de se tromper dans le temps ou sur les comportements humains, vraiment se prévaloir de cette culture à pouvoir éduquer sa progéniture sur ces mêmes bases ancestrales qui faisaient jadis de nos contrées tous ces bastions où l'on avait ce souci majeur, au sein de nos demeures et écuries, d'élever à la fois le meilleur cavalier et le meilleur étalon ?

Sommes-nous encore bien capables d'honorer ces autres engagements ou même parfois testaments de nos parents et grands-parents avec nos piètres habitudes et comportements du moment ?

Quel est donc ce maillon vraiment défaillant ? Et pourquoi avoir longtemps copié l'Occident en matière d'apparat seulement ?

Se focaliser sur cette hypothétique parfaite égalité à entrevoir entre les deux sexes et acteurs dans la relation homme /femme peut même parfois carrément nous éloigner de cette rigoureuse règle grammaticale qui donne pourtant du sens à nos écrits !

Quant à développer harmonieusement nos comportements, ceux-ci sont plutôt tributaires du choix de ce couple magique à pouvoir réaliser dans notre quotidien.

(*) ?Se dit d'une femme en mesure de fonder un véritable foyer. L'usure du temps la dépouillera à la longue de ce « demi additif », tandis que la femme, elle, reste. En entier.