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Le système Raouraoua accumule les ratés

par Abed Charef

CAN, affaire Fekir, gestion du football et de l'équipe nationale, etc. Mohamed Raouraoua multiplie les échecs Le système Raouraoua s'est grippé. Le président de la Fédération algérienne de football accumule les déboires depuis un an, jetant le doute sur un système très complexe qui lui a permis de régner pendant de longues années sur le football algérien et bien au-delà. Multipliant les erreurs d'appréciation et les mauvais choix, il se retrouve sur un siège éjectable, alors que ses adversaires, multipliant les embuscades, découvrent qu'il est vulnérable et que son pouvoir peut être remis en cause.

Les premières erreurs ont commencé il y a un. Anticipant une faible participation de l'Algérie en Coupe du monde, Raouraoua a poussé Vahid Hallilodzic vers la sortie bien avant le rendez-vous brésilien. Il a ramené Christian Gourcuff et lui a fait visiter le centre d'entraînement de Sidi-Moussa alors que Hallilodzic se trouvait sur place. Le message était clair et le Bosniaque l'a compris. La divine surprise de la Coupe du monde, avec une séduisante équipe d'Algérie, a pris Raouraoua à contre-pied. Il s'est mordu les doigts. Et le président Bouteflika a été contraint d'intervenir pour lui demander de garder le Bosniaque. Le désaveu était public, et dangereux pour un homme qui vit de sa proximité du pouvoir.

Dans la foulée, il y eut ce nouvel impair avec l'équipe nationale. Se croyant seul maître à bord, M. Raouraoua, qui avait établi de solides relations avec les milieux d'affaires du Golfe, avait prévu d'envoyer l'équipe au Qatar où elle devait être récompensée, dans la plus pure tradition de la région. L'évènement fut perçu par l'opinion algérienne comme une humiliation. Les plus folles rumeurs ont alors circulé, faisant état d'un déplacement du ministre des Sports à l'aéroport d'Alger pour dissuader certains joueurs de prendre l'avion. Mais le mal était fait. Survenue dès le début du quatrième mandat, l'affaire a marqué les esprits et mis le doute sur les liens entretenus par M. Raouraoua avec le Qatar.

LIAISONS DANGEREUSES

L'équipe nationale était en effet sponsorisée par Oreedoo, la compagnie de téléphonie rachetée par le Qatar. Le contrat avec Oreedoo apparaissait désormais comme un fardeau. Les mois suivants allaient le confirmer. Les contrats mis en place par M. Raouraoua allaient être détricotés les uns après les autres. Ce fut d'abord Oreedoo qui a perdu son contrat avec l'équipe nationale, au profit de Mobilis, qui n'a pourtant pas l'habitude de faire des prouesses en matière de sponsoring. Dans le même temps, la FAF était poussée à signer un contrat avec l'hôpital Parnet d'Alger pour prendre en charge les internationaux algériens. Ceux-ci étaient auparavant soignés au célèbre « Aspetar », établissement qatari devenu célèbre pour avoir accueilli plusieurs internationaux algériens.

Mais M. Raouraoua n'était pas attaqué seulement sur les dossiers externes. A Blida, où le stade Chaker apparaissait comme son fief, il a brusquement perdu tout pouvoir. Le wali local qui, en d'autres temps, serait apparu comme un petit fonctionnaire face à M. Raouraoua, a décidé de reprendre en main l'organisation des matches de l'équipe nationale, réduisant le président de la FAF à un rôle de simple comparse. Celui-ci a tenté d'imposer ses équipes traditionnelles, mais ses démarches sont restées sans suite. Il a même été contraint de bouder pour exprimer son mécontentement. Mais il n'a pas pour autant réussi à inverser le rapport des forces.

Mahfoudh Kerbadj a ensuite contribué à brouiller le jeu. Le président de la Ligue de football professionnel a violemment pris à partie les dirigeants du football algérien, affirmant que les clubs n'avaient rien de professionnel. Il a même annoncé sa décision de démissionner pour signifier que la gestion du football était défaillante. La mort de l'avant-centre camerounais de la JSK, Albert Ebossé, la multiplication des actes de violence dans les stades, la multiplication des incendies, montraient que M. Raouraoua était menacé de toutes parts.

LE RATAGE FEKIR

Le résultat mitigé de l'équipe nationale en phase finale de la Coupe d'Afrique des nations a augmenté la pression sur M. Raouraoua. Alors que l'équipe était promise à remporter la CAN, elle n'est même pas passée en demi-finales. Ce qui a poussé le président de la FAF à mettre sur la table deux nouvelles cartes susceptibles de retourner l'opinion en sa faveur. Il a d'abord laissé entendre que le Franco-algérien Nabil Fekir aurait choisi de jouer pour l'équipe d'Algérie alors qu'il était sollicité par l'équipe de France. Fekir apparaît comme un joueur de très haut niveau, potentiellement capable d'atteindre le niveau de Benzema et peut-être même celui de Zidane. En faire un international algérien constituerait assurément un gros coup. Mais Fekir a désavoué Raouraoua en choisissant la France.

Est-ce la mésaventure qui pousse Raouraoua à se montrer plus modeste ? En tous les cas, il commence à se montrer moins sûr de lui. Pendant de longs mois, il montrait une certaine assurance en parlant des chances de l'Algérie d'organiser la CAN en 2017. Depuis quelques semaines, il fait profil bas, notamment depuis que plusieurs voix en Algérie ont émis des doutes sur les chances de l'Algérie. Anticipant peut-être un nouvel échec, M. Raouraoua est allé jusqu'à dire que le dossier de candidature n'est pas présenté par la FAF, mais par l'Etat algérien. Le ministre des Sports, M. Tahmi, a été contraint de rectifier mardi dernier, en déclarant que le gouvernement appuie la candidature, mais que son promoteur reste la FAF. Est-ce une manière pour M. Tahmi de prendre ses distances vis-à-vis d'un homme en perte de vitesse? Ou est-ce un sauve-qui-peut général dans un milieu où on pressent l'échec ? En tout état de cause, cette succession de revers que subit Raouraoua rappelle à tous ceux gravitent autour du pouvoir la fragilité des positions acquises grâce au pouvoir qui peut tout offrir, mais qui peut aussi tout reprendre.