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Le besoin vital de s'enrichir ; corruption absolue !

par Kamel Kacher *

L'Algérie est très riche. Par son histoire. Ses habitants ont dû, des siècles durant, apprendre à survivre contre la domination. L'Algérien est donc mû par l'instinct de survie et l'individualisme, dans un environnement ou toute structure est laminée et la capacité à diriger sont inexistants . L'individualisme débrouillard de ce peuple ne suffit plus. L'Algérien, de par sa longue histoire de dominations, est passé maître dans l'art du double jeu.

L'image de la classe politique est dans l'ensemble négative. L'idée que l'Algérie n'est pas un état de droit est couramment répandue. Les abus d'autorité sont effectivement nombreux. En outre, l'Algérie est classée comme l'un des pays les plus corrompus du monde. Il ne fait aucun doute que la vie économique du pays est largement contrôlée par des groupes oligarchiques aux méthodes mafieuses et que les agents de l'Etat sont souvent corrompus.

La contrefaçon et la criminalité économique touchent des secteurs importants : Les cigarettes, les supports électroniques, l'électroménager, les pièces de rechange, les matériaux de construction et les médicaments. La mafia " économique " est issue essentiellement de dirigeants d'institutions et d'organisations publiques dont ils se sont attribué les biens qu'ils ont dévoyés. Nombre d'entre eux sont blanchis à leur actuelle. Leur préoccupation maintenant est de devenir politiquement " présentables ". Cette évolution est naturellement différente suivant les secteurs.

La situation économique s'assainie peu ou très longuement et la vie des affaires n'est pas moins floue. Le remboursement anticipé de la dette extérieure et surtout la bonne conjoncture du prix du pétrole ont permis à l'Algérie d'afficher une croissance qui ne l'est pas vraiment. La balance commerciale hors hydrocarbures est déficitaire de 59 milliards de dollars US annuellement.

La dilapidation des revenus pétroliers via des Méga Projets surévalués, à l'image du " Projet " de l'autoroute Est-ouest, qui affiche une somme de 11,4 milliards de dollars US (données du Ministère des TP) pour seulement 927 KM , soit l'équivalent de 10 Millions d'euros le Km linéaire, alors que chez le voisin marocain, l'autoroute Fès Oujda (328 km), qui passe par un relief beaucoup plus accidenté et totalement équipée, n'a coûté que 830 millions d'euros (cf. agence AFP), où 2,5 millions d'euros le Km linéaire, quatre fois moins cher, presque totalement financé par des fonds arabes et européens . La " surévaluation " est valable pour la majorité des projets déjà réalisés ou en cours.

Le niveau d'éducation, très insatisfaisant de la population, peut se révéler, cependant, un contrepoids insurmontable pour le développement économique de pays. D'une façon générale, le facteur humain est négatif. Il est presque impossible de trouver des collaborateurs compétents et de confiance.

L'Algérie vit la transition économique péniblement. La production industrielle régresse depuis des années, la consommation d'énergie augmente. Manifestement la productivité diminue. Une stratégie industrielle adaptée à la réalité algérienne ne voit toujours pas le jour.

Une réglementation souvent source d'abus. Dans le domaine de la propriété intellectuelle, aucune prise de conscience, ni sensibilisation des consommateurs par les pouvoirs publics ne fait l'objet. Le problème du non respect de la propriété intellectuelle entraîne une baisse conséquente des exportations vers l'Algérie de produits innovants et l'ouverture d'usines, même d'assemblage par crainte que ceux-ci soient contrefaits.

Dans le domaine fiscal, une réforme profonde n'est toujours pas adoptée. Des améliorations sont attendues, mais l'adoption d'une vraie réforme fiscale qui assurerait plus de transparence et d'équité est toujours attendue. La faiblesse de secteur bancaire reste aussi une contrainte insurmontable au décollage économique de l'Algérie. Le secteur bancaire public ne sait donc participer au financement de l'économie. Ce secteur n'est qu'un Distributeur non Automatique de Billets de banque. Cette distribution est faite, d'ailleurs, dans une opacité totale. Depuis 2003, le pays vit au rythme des affaires de corruption. L'affaire Khalifa, l'affaire BRC, les détournements qui ont touché la GCA, l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, les affaires Sonatrach 1 et 2, etc. La corruption qui éclabousse donc aujourd'hui Sonatrach est loin d'être un acte isolé. Cela s'apparente à un véritable système savamment mis en place pour se remplir les poches et les comptes à l'étranger(1).

Le glissement sémantique qui tend à individualiser le crime de percevoir des " pots-de-vin " et surtout tend à vouloir faire oublier que la corruption implique des corrompus certes, mais aussi des corrupteurs, des complices et des commanditaires(2). La corruption est la pratique la mieux ancrée, prioritairement dans les institutions(3).

Quand on analyse les grands projets en réalisation dans le pays, on se demande pourquoi les responsables des secteurs concernés n'associent pas les compétences nationales ? La pratique des " pots-de-vin " et de la corruption y est pour beaucoup, et c'est elle en grande partie qui maintient le pays dans le sous-développement(4).

Et les exemples ne manquent pas : la construction du nouveau siège d'Air Algérie, le programme AADL, l'acquisition de Djezzy, le lancement de la 3G, le centre de maintenance de Tassili Airlines (filiale à 100% de SH). Le " Projet " Dounia Parc, " offert " au fond d'investissement émirati EIIC, s'apparente plus à une réserve foncière pour les nantis du système.

Pour l'illustration et concernant l'affaire Sonatrach, dont son neveu, Farid Bedjaoui, est soupçonné, Mohamed Bedjaoui(5), dans une interview au Soir d'Algérie, se posait la question de savoir : " Au nom de quelle raison un être humain pourrait admettre que sa parenté engage par elle-même et nécessairement sa responsabilité pénale ?".

Ancien commis de l'Etat et ex ministre des AE, et qui coule des jours tranquilles dans sa retraite parisienne, il esquive soigneusement l'autre scandale de corruption : celui de l'autoroute Est-Ouest(6). Il est bien placé pour savoir, mieux que quiconque, que le système algérien, auquel il a participé personnellement depuis plus de 50 ans à sa construction, est basé sur les passes droits, les liens de parenté et de filiation, est un système de cooptation.

La parenté " utile " par elle-même, seule, surtout le nom de famille, en Algérie, est une condition nécessaire et suffisante pour s'octroyer illicitement des deniers publics, des avantages fonciers, des crédits auprès des banques et des institutions financières publiques avec " facilités " de remboursement, des postes de responsabilités indus, etc.

Comment expliquer que la presque totalité de la progéniture de hauts responsables et leur filiation, citée par ailleurs par la presse nationale et internationale, ai accès illicitement avec une facilité déconcertante à la richesse du pays ? Et les exemples ne manquent pas.

Dans le cas contraire, l'auteur de ses lignes, sans parenté ni alliance " utiles ", mais spécialiste reconnu en management du transport aérien, sorti majeur de promotion des plus grandes universités étrangères, avec plus de 24 années d'expérience professionnelle internationale, ne serait aujourd'hui, marginalisé !

Qui pourri la vie et brise les carrières de beaucoup d'honnêtes et compétents cadres algériens ? A qui profite ce crime ? En Algérie le délit de parenté " utile " fait plus de ravage que le délit de faciès en Occident. Il ne laisse aucune chance pour des personnes qui ont le " malheur " de porter un nom de famille " inutile ". Cela dit, je porte fièrement et dignement ma filiation en tant que personne algérienne, intègre et honnête.

* - Senior Instructor OACI en sécurité et sûreté du transport aérien;

- Expert en global risk management ;

- Ex Cadre, Direction de l'Aviation Civile et de la Météorologie, Ministère des Transports;

- Ancien Coordinateur Projets, Groupe français Sofréavia & National Aviation University;

- Phd es-aéronautiques.