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Gloire et décadence des «cadres»

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Avant leur mort ou leur mise à l'écart, tous, ou presque tous, avaient moins de la soixantaine. Ils n'appartiennent pas, pour la plupart, à la «famille révolutionnaire», tout en ayant , parfois, et ce n'est pas une tare, des parents ou des amis de ladite famille, et avaient donc occupé, durant près de deux ou trois décennies ou plus , des postes très très sensibles économiquement et financièrement ou exercé comme cadres supérieurs dans des secteurs clés : Ni au sommet de la hiérarchie, ni trop bas. Juste là où il le fallait? pour les «décideurs» ! Afin que la «machine» tourne sans trop de difficultés.

Avant-hier, la Sns, la Dnc, la Sonacome, l'Ofla, la Sncg, la Soitex, la Sonipec..et bien d'autres Sociétés nationales, grandes «mangeuses» de projets industriels et touristiques, et d'argent, et presque tous, on le verra plus tard, trop tard, sur-dimensionnés, car adaptés seulement beaucoup plus à des rêves et à des ambitions parfois mal placées et à des rêves, parfois mal interprétés, et non à des réalités.

Hier, les choses avaient évolué, avec l'arrivée de l'illusion libérale et du couvert «réformateur» : ce fut l'ère de l'Onaco, des Galeries algériennes, des Souk El Fellah et des programmes anti-pénuries. On voulait s'adapter aux besoins stomacaux de la société, tout en oubliant le poids des «boulets» du passé.

Aujourd'hui, avec la mondialisation et l'ouverture du pays sur l'économie libérale et du marché sur les affaires, c'est le temps du pétro-dollar, des Ide et des «partenaires». Sonatrach et Baosem, Cnep et Cpa, Sns et Cosider, Sonelgaz, Apsi puis Andi, Lavalin, Saipem et Eni, mes amours... ! Des amours qui, au fil du temps, ont remplacé, sur le macadam des affaires et des «affairistes», les autres «belles», séduites (plutôt violées) puis abandonnées : Sns, Sonacome, Sonitex, Sneri,... Souvenirs, souvenirs !

Il serait bien mal-venu d'accuser un régime ou un autre, un «décideur» ou un autre de «proxénétisme», car la faute incombe à tous les «faiseurs» du système politique national qui, peu à peu, volontairement ou non, ont «glissé» sans répit, volontairement ou non, sans s'en apercevoir, dans la consommation rapide et quasi-totale de ce que les activités nationales généraient comme plus-value, comme s'il s'agissait de s'octroyer des compensations pour «services (révolutionnaires et/ou nationalitaires), rendus à la Nation». Auparavant, on le savait, mais on ne le voyait que rarement. On en parlait peu.La pudeur sociale (et les «services», à l'écoute permanente des citoyens, y aidaient grandement ) existait encore !

Depuis près de deux décennies, on le voit bien, car, au fil du temps et de la croissance des «réserves» de change, l'appétit a grandi, d'autant qu'il faut aussi en faire profiter les enfants, les petits-enfants, les neveux, la ou les femmes, et les loyaux serviteurs? personnes n'ayant même plus de respect pour la si louée «morale révolutionnaire» qui veut que l'on cache les «crimes» internes pour «raisons d'Etat».

Et, les bars, haut-lieux de confessions avinées, désormais fermés, les «services» n'ont plus rien à se mettre sous la dent.

Désormais, on le voit. On en parle. Car, à cause d'une consommation vorace, les subterfuges organisationnels de qualité se font rares, et les couleuvres ne sont plus «avalées» aussi facilement que par le passé. On se souvient de la dernière trouvaille («Khalifa») qui n'avait duré qu'à cause (grâce) de gens, citoyens y compris, qui s'étaient tus ?malgré l'arnaque évidente - non par lâcheté, mais surtout en raison de promesses, d'illusions et d'emplois offerts.

Aujourd'hui, les citoyens ont appris à compter les sous de la Nation car, grâce à la parabole et aux télévisions satellitaires et à l'internet, et à la presse écrite désormais libre, ils connaissent le cours quotidien du baril de pétrole, l'évolution des réserves de change et les cours de l'euro et du dollar américain... le prix des appart' sur la côte espagnole et les tarifs des grandes écoles européennes ou américaines? qui ne demandent même pas le bac. Ainsi, ils savaient tout sur les «subprimes» et sur la crise financière mondiale dont ils ont attendu, la peur au ventre, les effets de pied ferme ( ??? ), malgré les discours officiels, des tranquillisants, les répliques... sachant bien que toutes les augmentations de salaires du monde ne seront que des leurres passagers et dont les premiers effets objectivement positifs (3-4-5-6 mois au maximum ) vont très vite être absorbés par une inflation galopante.

Dans toute cette affaire, rares ont été et/ou sont les «cadres de la Nation» qui arrivent à tirer leur épingle du jeu. Certains sont, à un moment donné ou à un autre, jetés en pâture à la vindicte publique quand ce n'est pas en prison. Ils y perdront leur vie ou leur honneur, les réhabilitations toujours tardives ou, trois fois hélas, posthumes n'étant jamais à la hauteur des «mises à mort». D'autres, devenus ingérables, sont lâchés en cours de route par leurs parrains. Ils s'exileront et vivront des illusions offertes par l'argent mal acquis? tout en gardant le silence sur les tenants et les aboutissants de leur réussite.

Quant aux moins malhonnêtes ou aux moins malins, ils sont amenés à apprendre à gérer leur stress, leur cholestérol et leur glycémie et à attendre la «mort subite» qui les délivrera, bien avant la soixantaine ? c'est une constante ! - de leurs remords (ou, pour les moins consciencieux, de leurs regrets? de ne pas avoir su, au passage, en «profiter») et de leurs maîtres-(chanteurs). Le mauvais Viagra n'a pas amélioré les choses, les Avc ayant cru de manière affolante ces dernières années ! Une forme de suicide inconscient... mais «planant» !

Plus grave encore, après le tsunami terroriste des années 90 qui avait aveuglément décimé les rangs, voilà qu'une relève est apparue : celle des nouveaux petits monstres «créés» par le système, encore plus dangereux, sévissant dans les administrations, les entreprises et les universités et qui, pour un demi-point?ou pour une remarque pourtant bien-placée?ou pour votre façon de penser tout simplement, ou pour un mauvais re-classement ou pour une non-promotion, ne se contentent plus de faire grève ou de casser les meubles ou de vous empêcher de regagner votre lieu de travail, ou de vous brûler votre véhicule ou de vous harceler au téléphone, ou de vous «dénoncer» dans une lettre anonyme à la police ou dans un tract ou dans une «lettre ouverte» adressée au Président et à la presse, ou de vous «casser la gueule» comme «au bon vieux temps»... mais tout simplement de vous faire «passer l'arme à gauche». Cadres d'hier, le calvaire ! Cadres d'aujourd'hui, la mort ! Grandeur... puis décadence !

Il est temps, et il faut le dire, dans notre monde «populiste» où toutes les valeurs ont été rabaissées, petit à petit, au profit de la médiocrité et de la facilité, où les actes les plus violents ont été banalisées et pardonnées «en gros» en oubliant tous les «détails» horribles (les «détails de l'histoire» disent déjà certains !), où les vertus ont été remplacées,et validées quasi-officiellement, par les vices, où la science exacte a été éjectée - partout et à l'Université aussi - pour faire place à des sciences ni sociales ni humaines ni sacrées, mais «occultes», où les fils sont devenus plus «rapaces» que leurs pères (ou leurs oncles), où... , il est temps donc, de ne pas hésiter et de vite «renverser la vapeur». Pour laisser place à plus compétents (pour concevoir), à plus capables (pour gérer), pas (ou bien moins) malhonnêtes et désintéressés (pour avoir la confiance des citoyens), à plus jeunes (pour avoir du souffle et de l'énergie), à moins vieux (pour ne pas s'endormir en cours de route)...et, surtout, à moins dogmatiques, plus portés sur le dialogue et la transparence (pour savoir et non plus seulement croire), à plus universels (pour mieux affronter les autres et ne plus les subir), à moins «mercenaires» (pour s'engager à fond et non pour le fric), à...

Mais, n'est-il pas déjà trop tard ? Car, que reste-il d'un cadre lorsque la valeur réelle de son contenu a été bradée au marché de la brocante bazarie nationale...alors que les bourses mondiales de l'emploi se l'arrachent ! ou, dont les «connaissances» lui ont permis d'être «acheté» à prix d'or ?