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Fellaghas d'hier et d'aujourd'hui

par Farouk Zahi

Djamila Bouhired : elle a tué les nôtres ! Tel est le titre racoleur d'un article publié par le site web intitulé « nationspresse » (1). En guise de mise en condition, on ne fait pas mieux. L'article, qui n'a rien de journalistique, est un véritable appel au meurtre.

Il fournit l'adresse et la photo de la victime expiatoire pour les supposés crimes commis sur des enfants et c'est en ces termes qu'il ouvre le bal : « Djamila Bouhired, l'ancienne fellagha, poseuse de bombes pour tuer les Français pendant la guerre d'Algérie, se soigne à Paris dans un palace. ». Et comme s'il fallait opposer une quelconque résistance à la venue à Paris, d'une dame pour des soins pris en charge par son propre pays, l'auteur de l'écrit continue dans sa démente divagation pour ajouter:

« Aujourd'hui, malade, c'est vers la France dont elle a assassiné des enfants qu'elle se tourne. Presque naturellement. Aucune honte. Aucune vergogne. Et cette ancienne felouze a malgré tout des goûts de luxe puisqu'elle ne loge pas n'importe où. Et pendant que son peuple crève de faim, elle a choisi un palace parisien et non des moindres : le George-V ! » Le style cornélien de la tirade n'est pas sans rappeler la sinistre pancarte, plantée sur la plage de Gerald au temps où l'Algérie de papa exécutait ses belles œuvres, en la décrétant interdite aux chiens et aux Arabes. Pendant que vous y êtes, interdisez nous le Georges V et tous les lieux publics. Il est heureux que nous venons renflouer vos caisses et que l'on continue à vous confier nos corps, souvent meurtris par vos sévices. Vous qui êtes venus dans notre pays, sans y être invités, nous imposer par le sabre et le feu, et pendant plus d'un siècle, notre condition humaine. Nous consentons à crever de faim, mais nous soignerons nos héros, n'en déplaise aux nostalgiques de l'Algérie française. A point nommé, cette diatribe haineuse et c'est le moins que l'on puisse en dire, vient conforter les thèses bessionnienne sur l'identité nationale mises au goût du jour. Si le débat a tourné de manière indigente sur l'interdiction ou non de la burqa, au nombre de quelques 350 porteuses pour tout l'Hexagone, selon les services des Renseignements généraux, cette fixation cache mal les visées du parti au pouvoir qui rejoint dans son opus magnum de l'identité nationale, l'extrême droite française lepéniste. Monsieur Jean Marie Le Pen, ancien tortionnaire notoire se trouve être parmi, ceux qui ont fait de Djamila et les autres, des icônes, du moins pour celles qui ont survécu à la gégène, d'une guerre de libération flamboyante. Il est clair que l'islamophobie ambiante, n'est pas étrangère à ce bouillonnement qui cache mal ses desseins.

En dépit des dénégations, des mentors de l'UMP s'empêtrent les pattes en jetant de véritables pavés dans la mare, tel Jean Claude Gaudin, sénateur de ce même parti et maire de la deuxième ville de France, Marseille la phocéenne. Qu'on en juge par cette maladroite déclaration qui voile mal l'intention délibérée et néanmoins impulsive, d'un subconscient collectif qui oppose le français, naturellement chrétien, même s'il est incroyant, au musulman d'origine. Il ne prend même la peine de parler, comme les anciens gaullistes de Français musulmans: «» Nous nous réjouissons que les musulmans soient heureux du match, sauf que quand après ils déferlent à 15 000 ou à 20 000 sur la Canebière, il n'y a que le drapeau algérien et il n'y a pas le drapeau français, cela ne nous plaît pas», a-t-il déclaré lors d'une réunion que son parti organisait sur l'identité nationale. Ce triste sire faisait allusion, à la sortie des Beurs lors de l'empoignade footballistique de Khartoum entre l'Algérie et l'Egypte qui s'était pourtant déroulée, le 18 novembre de l'année dernière.

Et c'est d'un revers de main, qu'il balaie la politique d'intégration chantée par les politiciens de France et de Navarre et ne fait plus cas de cette multitude dont la majorité est née, pourtant française ou du moins binationale.

L'hospitalisation de madame Bouhired n'est pas sans rappeler celle du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, en novembre 2005 à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce. La presse française qui dit on, n'est pas aux ordres, en faisait ses choux gras. Et ce n'était pas innocent, il fallait chercher les motivations dans le discours de Constantine que le président avait prononcé quelques jours à peine avant son hospitalisation qui ne pouvait être qu'urgente. Sous le titre « Bouteflika a quitté le Val-de-Grâce » le site de TF1news annonce dans un article daté du 22 avril 2006, soit six mois après la dite hospitalisation et au lendemain d'un examen médical de contrôle, la violente réaction de députés de la droite et de l'extrême droite française dont voici l'extrait :

« Cette nouvelle hospitalisation avait été violemment dénoncée par plusieurs députés de droite et par l'extrême droite française, alors que Bernard Debré, député apparenté UMP et professeur de médecine, exprimait des «doutes» sur l'état de santé de Bouteflika.

La visite en France du président algérien est intervenue quelques jours seulement après qu'il eut dénoncé, à Constantine un «génocide de l'identité» algérienne par la France durant la colonisation de l'Algérie de 1830 à 1962. » Pourtant, le président algérien n'a fait qu'évoquer un fait qu'au historien digne de ce nom, ne pourra dénier au peuple algérien.

Un médecin au grade de général, chirurgien de son état dans le même hôpital militaire français, bousculant toutes les règles de bienséance dues à chef d'Etat de pays tiers, tance le patient en termes inconvenants.

 Il lui rappelle de manière désobligeante qu'il n'avait pas à solliciter les services d'officiers français qu'il avait sciemment combattus hier. Il est pour le moins surprenant qu'un officier général, tenu par l'obligation de réserve, s'en aille dans des considérations d'ordre purement politique. En fait, la grande muette ne l'est point quand il s'agit de l'Algérie.

La réplique tonitruante à ce pamphlet a été de Si Abdelkader Dehbi qui a atterri, tel un boomerang, à la face de son lanceur.

La question qui se pose d'elle-même aujourd'hui : faut il toujours que nos anciens « fellaghas » et dont l'âge avancé nécessite de plus en plus de soins médicaux, aillent se faire soigner dans les services hospitaliers de l'ancienne puissance d'occupation coloniale ? Jusqu'à l'heure actuelle, seul le défunt Boumediene a dérogé à la règle, le président Chadli dans une moindre mesure, s'est fait hospitaliser dans les années 80, à l'hôpital « Erasme » en Belgique. Et pourquoi la France, toujours ? Il y a pourtant, un pays francophone au moins, la Belgique qui offre d'égales prestations sanitaires à des coûts plus avantageux comparés à ceux en usage dans les hôpitaux de l'Assistance publique française. Il nous a été donné personnellement à deux reprises, de choisir entre des établissements belges et français; nous avons opté en 1990, pour l'hôpital Fabiola pour enfants malades et en 2007, pour l'hôpital Brugmann de Bruxelles.

 Les deux cures chirurgicales pratiquées sur une fillette de 10 ans et sur une adulte de 60 ans, étaient toutes deux de pronostic vital. Les hôpitaux qui se jouxtent disposent chacun, d'un centre d'accueil pour parents accompagnateurs à des prix très accessibles. Bruxelles, est cette capitale de l'Europe encore aérée et relativement moins discriminatoire. Les conventions multilatérales de la CNAS inclus même des pays anglo-saxons, tels que l'Angleterre et l'Ecosse. Beaucoup de compatriotes se sont faits opérer dans ce dernier pays pour des affections cardiaques lourdes et avec succès. A la fin des années 90, l'Ecosse était redevable à notre pays de 8 mois de formation en direction du corps médical algérien, malheureusement, la lourdeur de la machine bureaucratique a fait trébucher le programme. A l'heure actuelle, le Centre national de chirurgie cardiaque infantile de Bou Ismail, bénéficie de la technicité d'équipes anglaises et belges. Sans déracinement et sans tracas pour les parents, les enfants opérés ne s'en portent que mieux. A ce titre, nous ne manquerons pas de féliciter la Cnas pour le magnifique hôtel d'accueil de parents d'enfants malades, nouvellement réalisé sur le Front de mer de la même ville. Pour conclure, si les fellaghas d'hier sont principalement représentés par Djamila et consorts, ceux d'aujourd'hui sont tous les Algériens qui devront passer par la scanographie, afin de fouiller leur âme pour leur permettre enfin, de fouler le sol français.     Sommes-nous contraints, de subir de nouveaux affronts à près de deux siècles du coup de l'Eventail ?

Note de renvoi

(1)   http://www.nationspresse.info/?p=74519