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Salaires, logement, bureaucratie, Brics: Les assurances de Tebboune

par Ghania Oukazi

Dans une rencontre avec la presse, diffusée dimanche soir, le président de la République a répondu à plusieurs questions nationales et internationales.

«On avait l'espoir que ces jeux réussissent, il y avait des indicateurs de réussite, mais un succès d'une telle ampleur, on ne s'y attendait pas », a déclaré Abdelmadjid Tebboune à propos des Jeux méditerranéens qui se sont déroulés en juin dernier à Oran. Désormais, « il y a avant les jeux et après les jeux, comme il y a avant le défilé militaire du 5 Juillet et après le défilé(...) », estime-t-il. Il a précisé sur ce dernier point que «l'Algérie a une grandeur africaine et elle a son poids dans la Méditerranée, on n'a pas le droit de couper le lien entre l'armée et le peuple, l'armée appartient à la Nation, on considère que notre armée est pacifique et n'est jamais sortie du cadre des normes internationales, notre armée est forte et le peuple est patriote et nationaliste». Par ailleurs, le président de la République a indiqué « il y aura un remaniement, c'est naturel, dans chaque pays, il y a des situations qui nécessitent un remaniement du gouvernement, mais il doit se faire en son temps ». Il a relevé toutefois que «parfois l'expérience manque, il y a (chez les ministres ndlr), une disparité en matière d'expérience, celui qui a de l'expérience et est resté propre, il n'a rien à craindre ». Il estime cependant que «le rythme avec lequel avancent les choses ne nous permet pas de garder le même gouvernement pour deux autres années ou plus ».

Tebboune évoquera ses dernières décisions « plus de 14.000 prisonniers graciés, ceux qui avaient tort (parmi eux ceux qui ont appelé à une période de transition, ceux qui ont pollué l'atmosphère...), doivent comprendre que leur avenir est avec leur peuple et non avec les ambassadeurs... ». A propos des problèmes économiques, « le plus fort pays au monde cherche à leur trouver des solutions, en Algérie, on a 250.000 universitaires chaque année, on a un million d'Algériens qui naissent chaque année, ce qui nous oblige à aller vite pour garantir un avenir à la Nation ».

«Celui qui insulte ou diffame doit être puni»

Il parlera du projet de loi pour rassembler la Nation et rappellera que «en 94, il y a eu la loi sur la rahma, en 99, el wiaam el madani, en 2006 la réconciliation nationale », mais, a-t-il noté, «toutes ces lois ont fixé des délais, (...), ceux qui se sont rendus, sont aujourd'hui dans une situation illégale, il faut régler leur situation ». Il a précisé que le projet de loi en question ne concerne pas les prisonniers d'aujourd'hui. « Ceux qui ont insulté et diffamé doivent être punis, quelle que soit leur nature ». Le président se penchera sur la situation de la presse nationale et lance «nous avons 8.000 journalistes, 3 ou 4 entre d'eux sont entrés en prison pour insulte, ils ne l'ont pas été en tant que journaliste mais en tant que citoyen ». Il interroge «quel est le pays dans le monde qui a 180 journaux(...), la liberté d'expression doit se pratiquer dans un cadre civilisé mais devenir des porte-voix pour des pays au-delà des mers, ils se trompent ». A propos, dit-il, « de ceux arrêtés pendant le hirak, trois mois après ma prise de fonction, il y a eu une grâce, ça a donné des résultats, mais d'autres l'ont perçu comme étant une faiblesse, ils ont tort ».

Interrogé sur les décisions qu'il prend mais ne sont pas mises en œuvre, Tebboune répond « ce problème a plusieurs raisons, l'agriculture par exemple est devenue un métier social, d'aides en aides le paysan n'est plus un producteur, on a pris du retard en matière de technicité, il n'y a pas de recherche, pas d'amélioration, c'est la routine ». Une situation qui exige aujourd'hui selon lui « de revoir les choses (...), la pauvreté est une arme destructrice, il faut restructurer notre agriculture, l'année prochaine, on doit réaliser 50 à 60% d'amélioration en matière de production, de travail technique, de logique ». Quid de l'autosuffisance alimentaire ? « Peut-être dans les céréales (blé tendre et orge) mais elle est impossible dans toutes les cultures », dit-il. La bureaucratie pour lui, « ce sont des pratiques autoritaires et douteuses, il y a certains qui se sont introduits dans l'administration et sont devenus un Etat dans un Etat, (...), il y a des pratiques qui doivent être punies par la prison ». Il cite des exemples «un avion en provenance d'Oran pour le Sud a décollé la semaine dernière avec 100 places vides, un bateau est venu avec à son bord 82 passagers seulement, ce sont des faits qui créent un climat électrique, ce sont des situations intentionnelles» pour avertir «je ne lâcherai personne !».

«Je m'engage à augmenter les salaires»

Il recommande que «le pouvoir administratif doit sortir de la sphère économique, de celle sociale, le rôle de l'Etat c'est le contrôle».

A l'attention des travailleurs, il dira que « beaucoup de facteurs se sont associés et ont touché au pouvoir d'achat, mais puisque qu'il y a eu des rentrées supplémentaires cette année, je m'engage à augmenter les salaires et aussi l'allocation chômage, pour préserver la dignité des Algériens ». Il précise cependant que « ces augmentations doivent être prévues dans la loi de finances de 2023, on augmentera les salaires d'une manière raisonnable pour ne pas créer d'inflation, on peut le faire en une seule fois ou progressivement tout au long de l'année 2023, la discussion est en cours ». Il pense aussi que « la valeur commerciale du dinar doit être élevée, il y a des mesures pour le faire, la baisse ne profite qu'à l'étranger qui achète ». Tebboune a rendu hommage aux personnels de Sonatrach «du simple travailleur aux dirigeants, ils ont redonné à l'Algérie sa force». Il rappellera « les découvertes d'hydrocarbures à Berkine qui peuvent donner 300 milliards (...) mais il y avait une volonté de mettre l'Algérie à genoux ». D'autre part, il souligne qu'«il est vrai que le français est un butin de guerre mais l'anglais est une langue internationale, il faut savoir si on a les moyens de l'enseigner dans toutes les écoles, mais la prochaine année scolaire, l'anglais sera enseigné au primaire ».

Il a affirmé à propos du logement «(...), on peut aider celui qui peut construire son logement tout seul, mais doit savoir qu'il est impossible de le faire dans les grandes villes ». Il note qu' «on a dépassé 3,5 millions de logements construits en 2013 ou 2014 ». Il fait savoir qu' «il y a un projet de loi en préparation qui va punir celui qui s'empare des terrains de l'Etat, il le paiera cher ! » Il assure que «l'Etat construira le logement social tant que des citoyens le demandent » et relève que « l'âge d'avoir un logement a été baissé à 23 ou 25 ans(...) ».

La situation des sportifs n'a pas été du reste. «Tout sportif doit bénéficier de l'accompagnement par l'Etat qui prend en charge ses entraînements à l'étranger et ce jusqu'à ce qu'on crée définitivement une élite sportive ».

«On doit prendre en compte l'équilibre régional»

Il estime que «l'Algérie peut accueillir des événements sportifs internationaux, les infrastructures existent, l'hébergement aussi, on doit en construire à l'Est, à Constantine et au Sud à Ouargla et à Béchar ». Pour ce qui est de la construction des stades aux normes internationales, il promet que « nous allons en construire à Ouargla et à Béchar, on doit prendre en compte l'équilibre régional ».

Le président dira à propos de la réconciliation palestinienne « on a plus que l'aptitude pour la faire, on a la crédibilité, l'Algérie est peut-être le seul pays au monde qui ne fait pas de calculs, sans la réconciliation et l'unité, la Palestine devient une proie facile ». Il rassure « toutes les factions palestiniennes y compris Hamas sont les bienvenues, on a commencé à le faire et on terminera par la tenue d'une rencontre après le sommet arabe qui regroupera l'ensemble des antagonistes palestiniens ».

Une éventuelle médiation algérienne entre les responsables tunisiens ? Tebboune répond « le président Kaïs Saïed n'est pas un antagoniste à l'UGTT (Union générale des travailleurs tunisiens ndlr), ce sont des voisins avec lesquels on a un héritage historique, il y avait une bonne occasion pour les recevoir (festivités du 60ème anniversaire de l'indépendance de l'Algérie ndlr), mais je ne pense pas qu'il y ait eu une médiation en Algérie, les gens spéculent (...), c'est un pays qui vit une crise économique, nous avons vécu toutes les situations que vit aujourd'hui l'Algérie, on n'a jamais vu quelque chose de mauvais de la part de la Tunisie, nous l'avons soutenu avant et après la pandémie sans qu'on s'ingère dans ses affaires internes, seuls les Tunisiens peuvent régler leurs problèmes, l'Algérie est avec la légitimité, le président tunisien a été élu, il incarne la légitimité ».

Le président se dit «sûr que le sommet arabe sera réussi parce qu'on n'a pas d'arrière-pensée et la seule que nous avons est d'unifier les rangs arabes, l'Algérie est la première à même de réconcilier ou de faire de la médiation ». Autre précision, «la présence de la Syrie au sommet arabe d'Alger est naturelle(...) ». Cependant ajoute-t-il, « les Syriens eux-mêmes disent que nous refusons de diviser les rangs arabes plus qu'ils ne le sont ».

Au sujet de ses visites d'Etat en Italie et en Turquie il fait savoir que « la Turquie a fait de gros investissements en Algérie(...), on est lié par l'histoire ancienne, on travaille avec elle, comme on œuvre à le faire avec l'Arabie Saoudite, pour avoir les investissements ».

«L'adhésion aux Brics est possible»

L'Italie est pour lui «un véritable partenaire, une relation stratégique, (...), on rentre aujourd'hui dans la production collective, pas de place pour l'importation, on participera ensemble dans la construction navale, électrique, d'automobiles ». L'adhésion de l'Algérie aux Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ? «C'est possible, ça nous intéresse, en tant que leader du non-alignement», a dit le président. Mais, précise-t-il, «on ne doit pas précéder les événements, il faut des conditions économiques, je pense qu'elles existent en Algérie, il y aura de bonnes nouvelles ».

La crise en Libye lui fait avouer qu'«à chaque fois qu'on approche d'une solution, la crise se complique, c'est fait exprès... ». Il dit, « certains comportements nous laissent nous interroger s'il y a une volonté pour déstabiliser la Libye». Il note «on est avec les parties légitimes (le gouvernement Dbiba et le Conseil présidentiel) et le changement que l'ONU apporte, les élections sont la seule solution légale ». Pour lui, «(...) on ne s'est jamais ingéré dans les affaires internes libyennes, ni envoyé des mercenaires, on a même gelé l'exploration dans les hydrocarbures, ce sont eux qui demandent le retour de Sonatrach ».

La situation au Sahel lui fait rappeler « le principe immuable de l'unité du territoire et du peuple maliens, tant qu'il n'y a pas de mise en œuvre de l'accord d'Alger, le Mali ne réglera pas ses problèmes, nous sommes prêts à des aides financières, à aider à des réunions entre les antagonistes maliens au Mali ou à Alger». Il regrette cependant qu' «à chaque fois qu'on essaye de réconcilier, il y a interférence mais personne ne peut priver l'Algérie de son rôle». Il souligne ainsi que «l'Afrique a un grand espoir en l'Algérie, en sa bonne intention de régler les problèmes des pays africains, au Mali, les autorités actuelles doivent aller à la légitimité, aux élections ou autres, l'important est qu'il n'y ait pas de situation exceptionnelle qui donne envie à des interventions». Il lâche aussi que « le dossier des Algériens attaqués à Gao et celui des diplomates algériens enlevés ne sont pas clos, un jour il y a aura des comptes avec ceux qui veulent du mal aux Algériens(...), on sait qui le fait, les enquêtes sont en cours, je crois que nos doutes sont vrais ».