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Rencontre gouvernement-walis: Des instructions et des mises en garde

par R. N.

Comme pour recentrer l'actualité tourmentée que connaît la région mais surtout pour fustiger «ceux qui dénigrent le pays», le président de la République a clamé hier «le monde entier reconnaît que l'Algérie est une puissance régionale, que c'est une force de frappe».

Abdelamdjid Tebboune a tenu ses propos en ouverture de la rencontre gouvernement-walis qui se tient pour deux jours au Palais des Nations de Club des pins. «L'Algérie est une force de paix, le monde entier reconnaît que l'Algérie est une force de frappe, une puissance qui préserve les équilibres dans la région», a-t-il martelé. Si par l'allusion le président pouvait adresser ce propos au Maroc depuis que les relations avec l'Algérie se sont fortement détériorées, il a par contre tenu clairement à écorcher avec «ceux qui n'arrêtent pas de rabaisser l'Algérie (...), elle forme chaque année 250.000 universitaires..., le monde entier reconnaît que c'est une puissance régionale(...), c'est un problème de dignité nationale !». Il interroge «celui qui n'a pas de reconnaissance envers son pays que lui reste-t-il ?» Il pense que «(...), ce n'est pas une fatalité pour nous de rester à la traîne du reste du monde !». Le président affirme qu'«on a réussi à faire face au soft power qui a essayé de faire imploser le pays même la pandémie n'y a pas échappé». Il souligne ainsi que «l'argent sale tente de déstabiliser les fondements de l'Etat, les derniers qui l'ont fait ceux qui ont incendié Tizi Ouzou, Béjaïa (...), on a les moyens de sécurité pour agir, 97 sites viennent de chez nos voisins, pas la Tunisie hacha !» Pour «faire face à la pénurie de la semoule, on a été obligé de sortir la moitié des stocks de l'Etat, il y a eu la pénurie de la farine, des liquidités, à chaque fois on découvre quelque chose». Il fait savoir qu'«en 2017, 10 milliards DA ont été sortis par une seule personne, 450 millions deux fois par semaine, 750 millions une fois par mois, c'est grave ce qui se passe, le CCP c'est pour les petits salaires». Pour lui, «les tentatives de déstabilisation existent, ça n'arrête pas ! Malheureusement, elles ont leurs échos dans certains médias, l'autorité de l'Etat doit s'imposer, pas par l'autoritarisme, seul un Etat fort, un Etat de droit juste et équitable peut asseoir la démocratie, la faiblesse pousse à l'anarchie».

Les promesses du président

Tebboune promet que «les élections locales du 27 novembre se feront loin de l'argent sale, les walis doivent être très vigilants pour ce qui est des candidatures des hommes d'affaires». Il avoue qu' «on a découvert 750 candidatures issues de l'argent sale pour les dernières élections législatives, deux partis avaient près de 500 à eux seuls, peut-être que dans les grandes communes, on peut faire de la politique mais les PAPC des petites communes doivent se consacrer au développement». Pour lui, «l'année 2021 sera celle des nouvelles institutions, la Cour constitutionnelle, l'observateur de la société civile, le Haut Conseil de la jeunesse, la lutte contre la corruption et les dérives morales».

L'Algérie, dit-il, «a commencé à recouvrer sa place en Afrique, dans le monde arabe et dans la Méditerranée, dans la crise libyenne, le Sahel, le Sahara Occidental et la cause palestinienne qui en est la cause centrale».

Avant ces points, le président a consacré le début de son intervention «aux gestionnaires intègres», pour affirmer «nous allons les préserver en consolidant les textes réglementaires existants par une loi qu'on prévoit d'adopter d'ici à la fin de l'année en cours». Au titre de «la protection des cadres», il affirme aussi, «j'informe tous les services de sécurité, la justice qu'il y a interdiction absolue de déclencher des enquêtes sur la base de lettres anonymes et ce, quelles qu'en soient les situations». Il recommande «à ceux qui les envoient, les médias sont là, celui qui veut dénoncer, dénonce ! Les lettres anonymes sont pour décourager les cadres et freiner le développement du pays.» Son instruction «les enquêtes doivent être centralisées après obtention d'une autorisation des responsables habilitées, pour qu'on ne lèse personne, il est interdit de déclencher des enquêtes localement». Il interroge toutefois «pourquoi les cadres ont-ils peur de signer ?, on leur reproche d'avoir signé, pourquoi cette peur pour celui qui est connu pour son intégrité ?, c'est une faiblesse sans plus ! Il ne faut pas laisser les intermédiaires agir et il y en a !». Aux walis et aux gestionnaires, il déclare «à partir de cette réunion, vous serez la locomotive de l'investissement et du développement».

Nombreuses instructions aux walis

Tebboune instruit les walis de «recevoir tous les investisseurs, on a besoin de développement et de création d'emplois par l'entreprise, je n'évoquerais plus ce point, la confiance existe». Il relève que «tous les économistes s'accordent à définir notre économie de sous-développée, on l'affirme aujourd'hui, c'est une économie désintégrée, sans articulations sectorielles, il est indispensable de mobiliser sans attendre toutes les énergies pour traduire les engagements de transformer l'économie de rente en une économie d'investissements productrice de richesses». Il fait savoir que «le ministère du Commerce a élaboré une sorte de bottin, on sait qui produit quoi. Avant, on a sacrifié l'économie nationale pour l'importation(...), on a vécu des situations difficiles, on commence à s'en sortir(...)». Il annonce que «pour la première fois depuis 20 ans, on est passé de 1,9 milliard de dollars d'exportation hors hydrocarbures à 3,100 milliards de dollars, on espère terminer l'année avec 4 ou 4,5 milliards de dollars».

Le président fait savoir à propos du problème du foncier «en attendant prochainement de nouveaux mécanismes, on a décidé de créer une agence nationale du foncier industrielle, une agence du foncier agricole et une 3ème agence du foncier urbanisable, un foncier inexploité fait partie du sous-développement, on doit fermer cette porte d'ici à la fin de l'année, le foncier est fait pour les industriels pour créer de l'emploi et de la richesse, il faut l'organiser au Sud et dans les Hauts Plateaux, on doit faciliter son acquisition avec un cahier des charges, une année après, on contrôle s'il est exploité ou pas, on facilite et on contrôle, dans une année, on espère sortir de ce tunnel». Son exigence aux communes «toutes doivent créer des zones d'activités industrielles sans bureaucratie, les jeunes qui sortent des centres de la formation professionnelle pourront les exploiter(...). Il faut créer des emplois, le nombre d'habitants ne pardonne pas, 850.000 Algériens naissent chaque année, dans 20 ans, ils auront besoin d'un emploi, il faut qu'on prenne nos précautions». Il dénonce «à chaque niveau on trouve quelqu'un qui commande, qui légifère(...), on ne doit pas décourager les gens ! Tout ce qui n'est pas interdit est permis, les walis doivent donner des autorisations aux investisseurs(...)».

Le président promet en outre que «d'ici à fin 2021, pour la première fois, on arrivera à l'équilibre de la balance des paiements, même en temps de rente on ne l'avait pas».

«Il y a un système de contrôle continu»

Le président annonce qu' «on a décidé à partir de l'année prochaine l'octroi d'une allocation chômage(...), c'est inscrit dans le budget 2022». Il fait aussi l'annonce de «nouveaux financements, un nouveau mode de gestion» en affirmant «on ouvre le capital des entreprises publiques, certaines s'érigent en autorité, tout sera révisé». De la révision des politiques publiques, il en sortira, dit-il, «une feuille de route fixant les priorités à travers des actions concrètes». Selon lui, «330 47 opérations ont été recensées soient parce qu'elles n'ont pas été lancées, non importantes, mal étudiées ou mal financées, à la fin de l'année en cours, la nomenclature doit être assainie, au cas par cas, on termine les projets lancés et on passe à d'autres, la clôture de toutes les opérations sera faite d'ici à la fin de l'année». Il demande de «continuer de prendre en charge les zones désenclavées(...), je ne demande pas l'impossible aux walis, il ne faut plus qu'un enfant aille chercher de l'eau, il faut donner des panneaux solaires aux zones reculées, leur production est locale ! Toutes ces opérations doivent être achevées d'ici à la fin de l'année, je ne veux plus entendre parler de zones d'ombre !»

La rentrée scolaire lui fait dire, «de trois sources différentes, on a appris que 537 écoles n'ont pas de transport scolaire, 817 écoles n'ont pas de cantines, une centaine d'écoles n'a ni transport ni cantine, cette semaine il faut que ça change ! Attention, il y a un système de contrôle continu, en principe je ne parle pas de ces choses-là parce que les walis sont censés être proches des citoyens». Il affirme «nous sommes un Etat social, on ne changera pas, le soutien aux couches défavorisées sera maintenu, il est inscrit dans la déclaration du 1er Novembre 54, les inégalités sociales sont dangereuses et créent des problèmes sociaux». Il faut, toutefois, dit-il, qu' «on révise ce mécanisme des aides qui profitent à tout le monde». Il fait savoir qu' «il y aura des commissions composées de tous les élus, de la société civile, le CNES, on doit définir les moyens techniques pour une vision nationale pour contrôler et redistribuer les aides de l'Etat, on ne lésera personne». Il appelle à «préserver et à développer les traditions de solidarité nationale, il faut bannir l'individualisme».

«On doit être la locomotive pas le wagon»

Tebboune reconnaît que «les bas salaires souffrent de la cherté de la vie et des spéculateurs». Il charge le 1er ministre et le ministère de la Justice d' «élaborer des lois répressives qui punissent les spéculateurs». Il affirme «la spéculation est un crime impardonnable, il faut criminaliser la spéculation par une loi, le ministère du Commerce doit lui trouver une solution définitive, il faut arrêter de parasiter la vie des citoyens !». Il estime que «certaines wilayas souffrent plus que d'autres, on n'attendra pas l'année prochaine, il faut leur prévoir des programmes de rattrapage, comme pour la wilaya de Khenchela (...), à la fin de la réalisation de ce programme, il faut que le gouvernement se déplace sur les lieux pour tenir sa réunion, ce sera la première en dehors de la capitale». Il recommande «des programmes de rattrapage à 15 wilayas, selon nos moyens, il faut commencer par les très faibles». Autre décision «la révision -après évaluation- du découpage territorial, il faut créer de nouvelles wilayas dans les Hauts Plateaux et même le Nord comme à Alger(...)»

En abordant le point sur la Covid-19, le président avoue qu'«on en souffre depuis deux ans, l'économie a été très touchée, l'année dernière on a fait arrêter le travail à 50% des effectifs, fermé les frontières, arrêté les transports publics, on a beaucoup perdu, je demande aux walis d'être la roue du développement». Il assure qu' «on continuera à accorder l'aide nécessaire aux personnels médicaux».

S'il indique qu' «on est sorti indemne de la 3ème vague», Tebboune recommande «il ne faut pas dormir sur ses lauriers, dans le cas où il y a un autre variant, il ne faut pas qu'on vive les mêmes conditions de perturbations (manque d'oxygène)...». Il fait savoir qu'«on produit aujourd'hui 500.000 litres par jour d'oxygène, je demande aux walis d'aider les hôpitaux à s'équiper pour produire l'oxygène selon leurs capacités(...)». Tous les producteurs d'oxygène doivent, dit-il, avoir des citernes pour le transport, au cas où on n'en aura pas besoin, on pourra aider avec nos amis de l'extérieur». En soutenant que «la vaccination est la solution», il estime que «si on arrive à faire vacciner les deux tiers des citoyens, on sera à l'abri». Le premier vaccin sera, selon lui, «produit le 29 septembre prochain par Saïdal à Constantine avec nos amis chinois(...), on doit être la locomotive pas le wagon de n'importe qui».