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Vaccination contre la Covid-19: Entre hésitation des uns et engouement des autres

par J. Boukraa

Cinq mois après son lancement début février, la campagne de vaccination contre la Covid-19 a atteint le taux de 4% seulement de la population ciblée à Oran. Ce qui est peu si l'on considère qu'il faut atteindre 70% de la population vaccinée pour une immunité collective et briser la chaîne de propagation du virus. Pour faire face au pire scenario, d'importantes quantités de vaccins ont été importées et des espaces dédiés à la vaccination ont été aménagés. La place Tahtaha, lieu emblématique de la ville d'Oran et théâtre de toutes les grandes manifestations ayant un grand impact sur les Oranais, abrite depuis quelques semaines l'opération de vaccination anti-Covid-19. Des chapiteaux ont été installés au début du mois de juin pour faire bénéficier un maximum de personnes, notamment celles qui ne sont inscrites ni sur la plateforme numérique ni sur les registres des policliniques. Mais certains citoyens sont toujours hésitants et la situation épidémiologique est en train de s'aggraver. Toutefois, depuis quelques jours et particulièrement le jeudi dernier, une ambiance spéciale y règne. Un afflux sans précédent a été constaté de citoyens. Partagés entre de simples curieux ou prétendants à la vaccination, leur nombre dépasse plusieurs centaines quotidiennement.

Chacun y va de sa façon. Il y a les sceptiques qui n'arrêtent pas de poser des questions parfois insensées ou ceux cherchant la marque du vaccin qui peut être autorisé à franchir les frontières Schengen ou les Lieux saints de l'islam. Selon un médecin en charge d'un des chapiteaux dressés sur la place et relevant d'une structure sanitaire sise au centre-ville : « Les citoyens viennent parfois tôt la matinée pour être sûrs d'avoir une chance de se faire vacciner.

En général, ce sont soit des personnes âgées qui ont peur d'être contaminées par le coronavirus, soit des personnes qui ont compris l'importance de se faire vacciner et parfois de simples personnes de passage à M'dina J'dida et voyant la vague y surfent eux aussi ». Pour ce qui est de la foule, elle est hétéroclite. On trouve des jeunes, des moins jeunes ou des personnes âgées, des deux sexes, et de niveaux d'instruction vraiment variés allant d'analphabètes aux cadres supérieurs le l'Etat. Un vieux couple rencontré sur place a déclaré vouloir se vacciner et ainsi espérer vivre ensemble encore un moment pour eux et pour leurs enfants et petits-enfants. Nassima, une femme au foyer venue avec quelques voisines, dira être venue faire des emplettes à M'dina J'dida et va profiter en groupe d'une première dose de vaccin. Mahmoud, un cadre récemment à la retraite, dira : « Au début, j'avais des doutes et aussi peur, mais en voyant cet engouement dans les chapiteaux et cette campagne de sensibilisation, je n'ai pas hésité, je me suis inscrit auprès des médecins et reçu ma première dose de vaccin, avec le couffin des courses à la main. Et j'aurai ma deuxième dose vers la mi-aout ». Un autre médecin nous dira : « On essaie d'être les plus attentifs aux questions des gens pour les rassurer et leur éviter des complications en posant des questions sur leur état de santé et leurs antécédents sanitaires (prise de température et tension artérielle ou de test de glycémie). Il nous arrive parfois de reporter des vaccinations si le patient est malade ou sous traitement. Certains comprennent, d'autres pas ».        

Cette dernière ajoutera « qu'au début, les gens étaient un peu hésitants mais depuis quelques jours et l'augmentation des cas de Covid, on a constaté que le nombre de personnes venant pour le vaccin a augmenté de façon exponentielle ». De toute façon, la place est constamment animée par des associations et des organismes étatiques pour exhorter les gents à se faire vacciner, avec soit des dépliants-flyers, distribution de bavettes et de doses de gel hydroalcoolique, car c'est le seul et unique moyen de se prémunir de cette pandémie de Covid-19 et surtout de ses variants qui font des ravages dans le monde et donnent des cheveux blancs au personnel médical qui lutte depuis presque deux ans contre ce virus.

Mais pour beaucoup d'acteurs de cette guerre contre un ennemi invisible et sournois, l'afflux devrait connaître une croissance fulgurante vu le nombre de nouveaux cas de contamination par jour qui avoisine les quatre chiffres en Algérie.

La vaccination reste le seul moyen efficace contre le virus

Appelant les citoyens à l'impératif de se faire vacciner, d'autant que les vaccins sont disponibles actuellement, les services de santé estiment que «la vaccination reste le seul moyen efficace contre le virus et les variants, notamment Delta devenu une menace pour la population en raison de sa vitesse de propagation, où une seule personne atteinte du variant peut contaminer 8 personnes, contrairement aux autres variants. Notons que près de 4% de la population ciblée au niveau de la wilaya d'Oran a été vaccinée depuis le lancement de la campagne de vaccination en février 2021. Sur une population ciblée estimée dans la wilaya d'Oran à plus de 1.180.000 personnes sur une population globale de 2.188.400 habitants, quelque 43.800 ont été vaccinées. La wilaya d'Oran a reçu depuis le début de la campagne de vaccination près de 86.000 doses de vaccin, soit 3.975 doses du Sputnik, 1.860 doses du Sinopharm, 21.550 doses du vaccin britannique AstraZeneca, et enfin quelque 58.000 doses du vaccin chinois Sinovac dont 39.000 doses reçues mardi dernier. La DSP d'Oran a mobilisé une cinquantaine de 50 centres de vaccination au niveau des policliniques et centres hospitaliers. La campagne de vaccination sans rendez-vous au niveau du chapiteau de Tahtaha à M'dina J'dida a drainé plus de 2.000 personnes. Rappelons que la situation épidémiologique à Oran est depuis quelques jours très inquiétante. Alors que le nombre de cas tournait autour d'une moyenne de 35 par jour au cours du mois de juin, la moyenne a grimpé pour atteindre les 60 nouveaux cas quotidiennement. Quant au nombre de décès, il a triplé, passant de 1 tous les trois jours, à un par jour. Les consultations atteignent le chiffre de 200 à 300 par jour dans les polycliniques et à Chteïbo. Malgré cet état de fait, la plupart des habitants ne respectent aucune mesure de prévention, ni dans les espaces publics ni dans les transports et les marchés. A cela s'ajoute la période estivale et les rassemblements familiaux. Après deux vagues de la pandémie, tous les indices indiquent qu'il s'agit belle est bien d'une troisième vague. Une évolution épidémiologique qui était redoutée par les médecins qui déplorent le relâchement général constaté chez la population et le non-respect des gestes barrières. Pour ce qui est des derniers chiffres, la wilaya d'Oran a comptabilisé depuis l'apparition de la maladie en mars 2020 à ce jour, près de 16.000 cas de Covid et quelque 510 décès sont à déplorer au niveau de la wilaya. Les autorités sanitaires sont en course contre le temps pour la mobilisation d'un grand nombre de lits d'hospitalisation et de réanimation. En effet, l'hôpital de Haï Nedjma d'Oran, dédié depuis plus d'un an à la prise en charge exclusive des cas Covid, affiche complet depuis quelques jours à cause de la recrudescence de l'épidémie. Les services de la santé n'excluraient pas l'ouverture par les autorités locales de l'hôpital d'El-Kerma, achevé et équipé récemment, disposant de 60 lits, ainsi que celui de Gdyel, soit 240 lits supplémentaires si la situation venait à s'aggraver. Les spécialistes réitèrent leurs appels et insistent sur la nécessité d'une prise de précaution de rigueur afin d'éviter d'autres vagues de la pandémie en respectant simplement les mesures barrières.