Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Candidat à la candidature, «marque déposée» algérienne !

par El-Houari Dilmi

Par quel moyen «possible et imaginable» faire avancer le schmilblick dans un pays où faire de la politique est un métier qui mène à tout sauf, comme dirait l'autre, à la science de la liberté ?

En vertu de quelle logique « dialectique », un Algérien est capable de porter sur son dos quatre-vingts mille autres de ses prochains lorsque sous nos latitudes particulières, porter un mandat (sur son bon dos !) est plus un métier « qui rapporte gros » qu'une vocation à servir son semblable ? Sinon, l'augmentation du nombre de « chaises » à la plus grande Assemblée du pays ne met-elle pas plus en scène le scénario (mauvais) d'un film navet où le héros n'est pas toujours celui que l'on pense ? Mais au-delà des discours logorrhéiques et tout le déluge de postillons qui va avec, le raboteur d'urnes est comme un commis sédentaire, venu à sa carrière nomadisante, comme d'autres par pur hasard chutent à la renverse sur un sou neuf, tombé de la poche rafistolée d'un pochard fauché. Glissant ses vertus en fin de mission par le fente béante d'une urne « piégée », le raboteur d'urnes mène un combat, perdu d'avance, contre les « francs tricheurs », les trompeurs en col usé, les abuseurs de confiance, les racleurs de fonds de poche, les kleptomanes à la main d'or, les accros des pourboires en dessous de table et de toute l'engeance, qui, au travers des interstices de l'arrière-pays, consultent les marabouts bénévoles pour se soigner des méchantes adductions aux sous happés dans la main des autres.

 Né avec une louche à la main et sept pieds plats, le raboteur d'urnes, avant la sortie dans la rue du peuple des votants, a une priorité absolue : s'abriter des coups de burin des vilaines tentations. Des ruades imparables des gens cachés derrière des bureaux invisibles. Des planches à savonner, glissées sous son pied hésitant, par des « candidateurs » aigris et envieux. De son salaire maigrelet qui ne va jamais plus loin que le premier caprice de son dernier-né. Des apartés top secrets autour de son métier à raboter. Alors pour fuir loin, très loin de tout ce monde qui pourrit par la tête, le raboteur d'urnes garde à l'esprit cette vérité « tuante » que de l'oseille mal acquise, à défaut de l'expédier au paradis, ne dispense pas les autres de finir cramés, suspendus aux esses de la géhenne. Et le raboteur d'urnes continua à faire son boulot jusqu'au jour où il décida, seul contre tous, de mener la croisade contre tous les carnassiers aux crocs ensanglantés. Mais à 50 berges et onze jours exactement, le raboteur d'urnes se rendit compte qu'il valait mieux pour lui se remplir la poche gauche pour ne pas se sentir obligé de rafler la mise de la main baladeuse droite. Il troqua alors sa cécité provoquée contre un baluchon de sous fripés. Pris la patte dans le piège à loups élevés dans les arrière-boutiques, le raboteur d'urnes, dans un geste de prestidigitateur à la main en plastique, tenta de faire disparaître l'objet du délit sous l'œil languissant du « candidateur-gorille », venu lui entonner l'hallali de sa liberté. Dans le logographe du jugement, l'avant-dernier, l'on fera réciter au raboteur d'urnes la pochetée, ses droits garantis par la loi : ceux de ne jamais se faire flasher les babines mouillées, même s'il n'est pas illicite de boire à coups de rasades dans les grosses bassines de la « chkara ». Dans les manchettes des journaux aux plumes cyanurées, l'on écrira que le raboteur d'urnes passa sa vie à purger sa peine en méditant sur la forme bizarre de ces boîtes à fente trop carrées pour contenir des idées trop rondes !