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VAGISSEMENT DOULOUREUX

par Abdou BENABBOU

Après une courte accalmie, la tempête sociale reprend en Tunisie. La rue avec ses pneus brûlés revient en réclamant emplois et meilleure vie. Les manifestants désespérés de la ville déshéritée de Tataouine se sont engagés ces dernières heures dans une turbulence coléreuse sans se soucier d'un environnement économique catastrophique pour exiger tout et tout de suite. La légitimité et la compréhension des exigences étalées en vrac ont évidemment un droit de cité, mais il est douteux, voire inconcevable dans la conjoncture actuelle que les réclamations soient conformes à un état des lieux dévasté par la conjugaison des effets induits de la pandémie et l'instabilité politique manifeste d'un pays où la vie semble s'être arrêtée.

Sortir dans la rue pour réclamer avec casse n'est qu'un vagissement douloureux et il n'est pas certain que les autorités tunisiennes aient les moyens de répondre avec bonheur aux tiraillements insolubles qui ont embrasé le pays.

Les chômeurs tunisiens de plus en plus nombreux dans ces moments désespérants ne sont pas seuls dépositaires d'une colère sociale qui embrase le monde entier. Il est maintenant prouvé que partout rien ne va plus et que mettre en péril les gouvernances actuelles ne garantit en rien une existence meilleure par des raccommodages précipités. L'histoire a toujours démontré que les fortes et véhémentes turbulences sociales ont souvent été un appel d'air au populisme sinon à l'intégrisme.

Ce n'est pas une raison pour applaudir à l'injustice et à la dictature. Loin s'en faut. Le peuple tunisien a eu le mérite de redresser la trajectoire de son destin, mais un redressement aussi noble soit-il devient aléatoire s'il ne repose pas sur des assises concrètes.

Tout indique qu'il ne reste pas grand-chose de la révolution de jasmin dans la douce Tunisie parce que l'on n'a retenu d'elle que la symbolique. Les manifestants en colère de Tataouine devront malheureusement prendre leur mal en patience en attendant l'émergence d'hommes capables de vaincre leur désespoir et que le monde féroce d'aujourd'hui change de carrure et de visage.