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L'ARAIRE ET LE MULET

par Abdou BENABBOU

Le principe de précaution en matière d'approvisionnement en produits courants de consommation essentiels doit impérativement s'imposer. Le flou total infligé à travers le monde par la pandémie dans ce domaine augure des situations inextricables et les Etats avisés se préparent déjà à affronter une magistrale crise commerciale en aiguisant leurs armes. Chacun essaie de planifier des solutions qui ne viendront pas sans provoquer une véritable guerre commerciale.

A supposer que l'Algérie disposerait d'une ressource financière suffisante pour s'approvisionner une fois une accalmie sanitaire venue, il n'est pas dit qu'une telle ressource aussi importante soit-elle suffirait à se frayer des pistes assurées pour faire face aux ruées prévisibles que connaîtront les sources de provisions.

La mise en veilleuse de l'économie mondiale et l'atrophie des productions tous secteurs confondus vont provoquer de sérieux bras de fer entre les Etats et seules les chancelleries les plus performantes, déjà mises en branle avec leurs arguments diplomatiques disposeront d'une attention intéressée. Il est un leurre que de croire que le coronavirus une fois parti laissera un monde plus humanisé. Bien au contraire, il ne fera que renforcer les rapines et les individualismes. On n'efface pas d'une simple hachure les particularités profondes de la nature humaine.

L'escalade des Algériens vers le mont des jours meilleurs sera rude et difficile. L'ensemble des décisions budgétaires restrictives prises par le gouvernement malgré son évidente coupe sèche ne suffiront pas à contrecarrer une crise qui n'a pas attendu la pandémie pour s'installer avec pertes et fracas. La déboulée du chômage avec la vague des fermetures des unités de production et les faillites des petits commerces ne peuvent être justifiées par la survenue du coronavirus. Il n'a été que le coup de grâce donné à une économie déjà mise à terre.

On entend dire encore et toujours qu'il faille jeter aux orties la culture rentière et se débarrasser de l'attachement aux hydrocarbures comme s'il s'agissait de mettre un terme à une amourette. Des esprits avisés sans limites réitèrent sans cesse l'obligation de se donner totalement à l'agriculture comme si celle-ci était un jeu de marelle alors qu'elle est devenue une science à part entière qui ne peut se mouvoir sans un environnement adéquat. Faute de mieux, bien qu'elle soit essentielle, on en parle presque avec une connotation méprisante avec l'air de ne garder d'elle que l'araire et le mulet.

Très loin des expertises plates qui se multiplient, le problème est à l'évidence d'ordre créatif. Pour s'en tirer à bon compte dans un monde désarticulé, les Algériens doivent s'imposer le devoir de création.