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Anachronisme

par Mahdi Boukhalfa

Le blocage actuel de la situation politique dans le pays n'est pas pour arranger les affaires des Algériens, ceux qui sortent chaque vendredi depuis 28 semaines pour que leurs conditions de vie s'améliorent. Pour que le changement politique et de mode de gouvernance qu'ils réclament soit effectif et réalisé au moins dans les six prochains mois, après une solution consensuelle sur les voies à l'accès au pouvoir. Ces centaines de milliers de manifestants qui battent le pavé depuis le 22 février dernier n'attendent rien de moins qu'une transformation radicale de leur vécu, quotidien et futur, et que leur désarroi devant des horizons bouchés devienne des espérances possibles et, surtout, qu'ils assistent et participent aux changements politiques qu'ils sont en train de provoquer depuis six mois.

Ces appels et ces souffrances du peuple pour une autre Algérie, celle de tous, où chacun aura sa place et son rôle dans la construction d'un pays nouveau, sont pourtant en train de faire l'objet de marchandages inacceptables. Qu'un panel de dialogue national soit imposé aux Algériens, alors que les Algériens, qui n'ont pas encore de représentants, et les partis d'opposition, qui n'ont pas été sollicités encore moins consultés pour la désignation d'une telle organisation, n'ont pas encore enregistré de signaux réellement positifs du pouvoir qui multiplie le harcèlement politique et policier de toutes les forces démocratiques que compte ce pays. Les appels à la libération des «détenus politiques», ceux du Hirak notamment, se multiplient, alors que le déploiement policier lors des manifestations populaires du vendredi et des étudiants chaque mardi explique clairement que les conditions d'un dialogue apaisé sont loin d'être satisfaites. Bien au contraire, les interpellations de militants et de manifestants sont un autre signe que le pouvoir ne veut pas s'ouvrir aux principes que les Algériens réclament depuis maintenant six mois, restant aveuglément accroché, sans la moindre concession à sa feuille de route, à l'organisation d'élections présidentielles que rejette chaque semaine la rue.

Une situation malsaine, dangereuse, dénoncée par des acteurs de la société civile qui pensent que le moment est beaucoup plus propice à un dialogue sérieux de sortie de crise que la focalisation sur des élections présidentielles qui ne feraient que perpétuer un système de gouvernance décrié par les Algériens et maintenir en place les artisans de la faillite politique et économique du pays. Et, fatalement, la crise politique devrait perdurer tant que le pouvoir reste fermé à toute démarche de sortie de crise proposée par l'opposition et la rue algérienne, qui ne veulent pas que leur révolution soit confisquée. Sous divers artifices.