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En parallèle de l'ouverture d'une enquête: Aouf, l'ex-codétenu de Fekhar, libéré

par Moncef Wafi

  La mort du militant des droits de l'Homme, Kamel Eddine Fekhar, semble avoir ébranlé les certitudes de l'appareil judiciaire puisque son ex-codétenu en cellule dans la prison de Ghardaïa, Hadj Aouf Brahim, a été libéré dans l'après-midi de jeudi dernier, a rapporté son avocat Me Salah Dabouz.

Aouf est un militant et syndicaliste de la wilaya de Ghardaïa qui a observé une grève de la faim avec Kamel Eddine Fekhar. «Un avocat, le juge d'instruction et le procureur général de Ghardaïa ont rendu visite ce matin à Hadj Brahim Aouf en prison. Après un échange avec le procureur général, ils ont décidé de le relâcher», a indiqué Me Dabouz. Aouf est un militant et syndicaliste de la wilaya de Ghardaïa qui a observé une grève de la faim avec Fekhar. Les deux hommes avaient partagé une pièce de 2 m². « Au fond de la toute petite pièce se trouvait une cuvette de toilette turque. Quand les deux prisonniers tendaient leurs jambes, c'est sur la cuvette qu'ils les posaient », avait révélé l'avocat. Avant son arrestation, Aouf, coordinateur du Conseil des Lycées d'Algérie pour la wilaya de Ghardaïa, était poursuivi dans cinq affaires et mis sous contrôle judiciaire avec l'obligation de «signer» chaque semaine. En sortant de chez le juge d'instruction, le 31 mars dernier, «Aouf s'est fait tabasser et arrêter par deux policiers à l'intérieur même du tribunal», raconte Me Dabouz. «Il s'est ainsi retrouvé emprisonné aux côtés de Fekhar arrêté le même jour dans la même affaire», a-t-il ajouté. Me Dabouz avait rendu visite ce matin à Aouf qui était encore emprisonné. Il lui avait dit que si la justice ne le libérerait pas pour assister à l'enterrement de Fekhar, il reprendrait sa grève de la faim. Il avait entamé une grève de la faim avant de la suspendre pour assister son ex-codétenu. «On gagne ensemble ou on meurt ensemble. Si je quitte la vie enterrez-moi aux côtés de Khamel Eddine Fekhar», avait-il dit à l'avocat. L'avocat a fait savoir qu'il entend introduire deux plaintes. Une première pour non-assistance à personne en danger et l'autre pour agression contre Aouf Hadj Brahim lors de son arrestation.

Par ailleurs, le ministère de la Justice a instruit, mercredi dernier, ses services concernés de diligenter «une enquête approfondie» sur les tenants et aboutissants du décès de Fekhar survenu le 28 mai au CHU de Blida, où il avait été transféré la veille en urgence de l'hôpital de Ghardaïa. Le défunt avait été admis au pavillon carcéral de l'hôpital de Ghardaïa deux jours plus tôt. Rappelons que les réactions suscitées avaient exigé l'ouverture d'une enquête « sérieuse, indépendante et urgente » sur les circonstances de sa mort. Parallèlement, des appels ont été lancés pour l'observation d'une minute de silence la mémoire de Fekhar, à l'occasion de la marche hebdomadaire du vendredi alors que si le lieu de son enterrement est connu, le cimetière mozabite d'El Alia, la date, quant à elle, reste tributaire de l'autopsie demandée par sa famille. Kamel Eddine Fekhar (54 ans) est décédé, mardi dernier, au centre hospitalo-universitaire Frantz Fanon de Blida, après détérioration de son état de santé suite à une grève de la faim qui a duré une cinquantaine de jours.