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Message du peuple à Gaïd Salah

par Kharroubi Habib

Les Algériens ont applaudi à la démission de Bouteflika qui clôt le chapitre de son règne dont ils n'en voulaient plus. Mais lucides ils savent qu'elle n'induit pas automatiquement la fin du système corrompu dont le président démissionnaire a été l'incarnation. Et celle-ci ils sont déterminés à l'obtenir en faisant échec aux échafaudages que les affidés de ce système ont montés pour le maintenir en place. C'est pourquoi ils sont à nouveau descendus dans la rue ce vendredi malgré la démission de Bouteflika et ont fait savoir qu'ils ne cesseront pas de le faire tant qu'ils n'obtiendront pas satisfaction sur le départ de tous les symboles du système et en premier lieu de ceux à qui une application scrupuleuse mais traitresse s'apprête à confier le pilotage de la période de transition et l'organisation de la prochaine élection présidentielle.

Ce vendredi, le message délivré par les Algériens a été destiné au chef de l'état-major de l'armée qui ayant déclaré que celle-ci est du côté du peuple n'en défend pas moins la solution constitutionnelle qui va permettre au système vacillant de se régénérer. Ce n'est pas parce que les Algériens ont scandé « Djeich, echaab, khaoua khaoua » que Gaïd Salah doit interpréter qu'ils sont consentants au choix qu'il a fait d'une normalisation en douce de la situation mais n'exauçant nullement leur revendication d'une transition excluant les symboles et affidés du système de son pilotage. Leur slogan a eu pour but de lui faire comprendre que le peuple fait le distinguo entre l'institution militaire pour laquelle il a respect, considération et confiance, et ceux dont lui qui en son sein ont fait le rempart protecteur du règne et du système prévaricateurs et corrompus et s'essayent de leur en sauver la mise.

Bouteflika et son clan mis hors d'état de continuer à avoir leur mot à dire sur la façon de régler la crise politique qu'ils ont suscitée en tentant de s'accrocher au pouvoir, c'est le chef de l'état-major de l'armée que les Algériens ont interpellé ce vendredi en tant que détenteur d'un pouvoir de fait qu'il semble vouloir exercer au détriment d'un mouvement populaire dont il prétend partager les revendications et l'aspiration. A moins de se parjurer, Gaïd Salah ne peut que prendre acte que l'application « stricto sensu » de la Constitution pour la période de transition étant rejetée par le peuple dont il a salué la maturité et reconnut son pouvoir souverain est à reconsidérer dans le sens voulu par ce dernier. A savoir que la transition en question doit être confiée à des personnalités jouissant de la confiance et du respect de ce peuple. Aucune de celles qui ont servi à un moment ou à un autre le système et le régime honnis ne peut y prétendre, ce qui rend provocateur le fait que certaines d'entre elles ont été mises en avant avec le calcul que la mémoire « oublieuse » du peuple les lui ferait accepter.

La balle est désormais dans le camp de Gaïd Salah qui doit savoir qu'ayant brisé le mur de la peur, le peuple algérien ne se laissera pas flouer.