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Neutralité écornée

par Mahdi Boukhalfa

Le grave précédent de Khenchela, où un élu du peuple a fermé la mairie devant ses ouailles, pour montrer son soutien à son candidat, a donné un sérieux coup à la crédibilité et la neutralité de l'administration, censée être au-dessus de tout soupçon dans l'organisation du prochain scrutin. Plus qu'un scandale, la fermeture d'une Assemblée populaire communale est un geste politiquement dangereux, et juridiquement répréhensible. Et, plus que toute condamnation, d'un geste absolument inimaginable dans une société vivant en bonne intelligence entre tous ses membres, et au-delà des différences d'opinion, ce qu'a fait cet édile a mis dans la gène et l'embarras un gouvernement déjà accusé de partialité depuis l'annonce de la tenue de cette élection présidentielle. Des candidats avaient fustigé l'administration dans certaines régions du pays quant à sa partialité dans le traitement de leur candidature, et ce qu'il s'est passé à Khenchela vient ranimer les accusations de l'opposition selon laquelle l'administration est depuis le début du côté du candidat du pouvoir. ?'Une casserole» dont se serait bien volontiers passé le pouvoir, qui a devant lui une longue campagne électorale à surveiller et canaliser, pour au moins éviter les dépassements et tous les comportements qui nuiraient non seulement à la crédibilité de ce scrutin, mais donneraient en sus une image encore plus risible du pays. Ecorné par les commentaires souvent acerbes de la presse étrangère et en particulier française sur cette élection, le gouvernement doit dorénavant remédier à cette situation et redonner confiance aux citoyens comme aux partis politiques et candidats engagés dans ce scrutin que tout se passera bien, qu'il n'y aura aucun harcèlement des candidats à la candidature. Le Conseil constitutionnel n'a pas de prérogatives pour intimer aux maires de recevoir et légaliser les formulaires de parrainage des candidats, mais la haute instance de supervision des élections a, quant à elle, cette prérogative de mettre en garde l'administration contre toute velléité de prendre position pour tel ou tel candidat. Il y va d'une part de sa crédibilité, et d'autre part de celle de cette élection, qui est en train de prendre une tournure compliquée. D'abord avec ces appels mystérieux à des marches contre le 5ème mandat, ensuite par les appels de l'opposition pour qu'il y ait un candidat unique devant la représenter face au candidat du pouvoir. Il est, pour autant, certain que l'élection présidentielle d'avril prochain ne laisse personne indifférent, à commencer par les partis de l'opposition qui ont annoncé qu'ils vont boycotter ce rendez-vous électoral. Car au sein de cette mouvance politique, on est persuadé que tout est mis en œuvre pour que le président Bouteflika accède à un 5ème mandat, et que la participation de candidats de l'opposition ne sera en définitive qu'anecdotique et un faire-valoir aux yeux de l'opinion internationale. Un état d'esprit qui trouve ses racines dans le geste inconsidéré et ridiculement absurde de l'épiphénomène de Khenchela. L'administration va dès lors ?'marcher sur des œufs» pour éviter d'autres scandales, d'autres égarements, et, plus que tout, des motifs de boycott à l'opposition, qui devait hier décider soit d'aller unie avec un seul candidat à ce scrutin, ou, au contraire, perpétuer ses contradictions.