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Moscou et Ankara préservent leur alliance au grand dam de l'Occident

par Kharroubi Habib

A l'issue de l'entretien à huis clos de plus de quatre heures qu'ils ont eu avant-hier dans la station balnéaire russe de Sotchi sur les bords de la mer Noire, les présidents Poutine et Erdogan ont annoncé s'être mis d'accord pour la création d'une zone tampon de 15-20 km de large le long de la « ligne de contact » entre les forces gouvernementales syriennes et celles des groupes armés rebelles qui occupent la province d'Idleb. Cette zone sera démilitarisée et placée sous le contrôle conjoint des forces turques et de la police militaire russe tandis que toutes les armes lourdes, a précisé le président russe, devront en être retirées d'ici au 10 octobre.

L'accord auquel sont parvenus les deux hommes d'Etat dont les pays sont des acteurs clefs du conflit syrien met fin à la perspective d'une offensive militaire menée par les forces loyalistes syriennes et leurs alliés russes et iraniens. Reste à savoir si la Turquie dont le président s'est montré apparemment satisfait par l'accord qui suspend l'offensive projetée par Damas et éloigne le spectre d'une catastrophe humanitaire qu'il déclarait craindre pour la population de la province d'Idleb si elle venait à être lancée, va en faire accepter les clauses aux groupes rebelles qu'elle soutient mais aussi à celui djihadiste «Hayat Tahrir Al Cham» composé notamment de la branche d'Al Qaïda en Syrie, le Front El Nosra, considéré par Ankara depuis peu comme étant une organisation armée terroriste.

Il ne fait aucun doute que si Ankara ne fait rien pour neutraliser ce groupe djihadiste qui contrôle 60% de la province d'Idleb, celui-ci ne manquera pas de tenter de torpiller l'accord de Sotchi en s'adonnant à des provocations à l'égard des forces gouvernementales qui seront présentes au-delà de la zone tampon qui va être créée et en essayant de rééditer des attaques avec drones armés d'explosifs à partir de la province contre la base aérienne russe de Hmeimim. Ni Damas qui a accepté de surseoir à son offensive ni Moscou n'admettront d'être les cibles de telles provocations et s'en prévaudront alors pour entreprendre la conquête de la province que la Turquie ne serait pas parvenue à débarrasser de la présence des djihado-terroristes opposés à tout compromis avec le régime syrien et ses alliés.

Les Occidentaux qui ont fait grand vacarme diplomatico-médiatique pour dissuader Damas d'entreprendre l'offensive militaire contre la province d'Idleb n'ont pas exprimé une satisfaction débordante pour l'accord auquel sont parvenus les présidents russe et turc. Ils ne le claironnent certes pas, mais ils ont espéré l'échec du sommet de Sotchi qui aurait probablement eu des conséquences négatives sur le partenariat et la coopération russo-turcs qui font barrage à leurs visées hégémoniques sur le Moyen-Orient et le bassin méditerranéen.