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Affaires religieuses: Les salafistes dans le viseur de Mohamed Aïssa

par Yazid Alilat

Face au danger de l'émergence de courants religieux sectaires, le ministère des Affaires religieuses a appelé le gouvernement à faciliter le recrutement d'imams à travers l'organisation de concours exceptionnels. C'est le ministre en charge du secteur, Mohamed Aïssa, qui a annoncé jeudi que son département manque d'imams et qu'il veille en particulier à améliorer l'encadrement des mosquées face aux courants sectaires qui tentent, selon lui, de s'imposer dans les mosquées du pays et imposer leurs idées sectaires, parmi eux le courant de la salafia.

Devant le Parlement, le ministre des Affaires religieuses est revenu sur le retard dans l'opération d'encadrement des mosquées, induite par les difficultés financières, depuis 2014, ce qui a provoqué, selon lui, une baisse du nombre d'imams bénéficiant de formation au niveau national de 1.000 à 500 annuellement. «Face à ce manque et compte tenu du danger permanent que représentent les courants de l'idéologie religieuse sectaire, les services du ministère des Affaires religieuses ont soulevé leur préoccupation au gouvernement afin d'assurer l'encadrement des mosquées à travers l'organisation de concours exceptionnels», explique le ministre. Il a ajouté que «les promoteurs et adeptes de ces idéologies et courants fréquentent les mosquées et cherchent à les dominer», avant de préconiser l'organisation, par les services de sécurité, d'une enquête.

En fait, le ministre des Affaires religieuses mène une véritable campagne contre les courants et idées sectaires qui ont essaimé ces dernières années dans les mosquées du pays, en particulier la salafia. M. Aïssa a entamé une lutte féroce contre ce courant, notamment contre l'un de ses adeptes, l'imam Ferkous qu'il accuse de déviance et d'imposer aux Algériens un islam ?'importé'' et loin des réalités du culte et d'un islam typiquement algérien. Les salafistes, version Ferkous, accusent par contre le ministre des Affaires religieuses de favoriser le soufisme en Algérie. Au mois de mars dernier, l'imam Ferkous, un des représentants du courant salafiste en Algérie, avait fait des déclarations gravissimes, qui avaient outré le ministre des Affaires religieuses, qui s'en est pris violemment aux ?'ambassadeurs'' du wahhabisme en Algérie, dont Ali Mohamed Ferkous, coupable dans une de ses récentes fatwas d'avoir «excommunié» les ibadhites, les soufis et les Frères musulmans. M. Aïssa, rappelle-t-on, avait lors de l'ouverture des travaux du sixième colloque international sur le soufisme organisé au mois de mars dernier à Relizane, vivement dénoncé les ?'déclarations'' d'Ali Ferkous, et souligné que «l'Etat combattra les idées sectaires visant à semer la discorde et à diviser la société» en l'éloignant de la Sunna et de la Djamaâ (Communauté). Il a expliqué qu' «une école supposée suivre la voie des ancêtres de la nation, véhicule depuis quelques jours une pensée d'exclusion réduisant l'appartenance à la Sunna et à la Djamaâ à ses adeptes seulement». «L'Etat fera face à ces idées et la loi sera appliquée contre de telles pratiques et leurs auteurs, afin de ne pas les laisser s'introduire dans les écoles, les mosquées et les universités et, par conséquent, empêcher l'effusion du sang des Algériens», a-t-il prévenu.

Dans la foulée des arrestations dans les rangs de la secte religieuse Al Ahmadia en 2017, il avait également rappelé le danger que représente l'apparition de sectes, l'extrémisme religieux et la propagation de courants religieux étrangers aux référents culturels algériens au cours de ces dernières années dans le pays. Après les arrestations dans les rangs des adeptes de la secte Al Ahmadya et ceux de la Karkarya, le ministre avait annoncé la préparation d'une loi et la mise en place d'un observatoire pour protéger les Algériens de la déviance et de ces courants religieux. Il a expliqué que l'Algérie, qui «garantit la liberté de croyance et des cultes, doit avoir des lois pour protéger ses enfants des déviances religieuses, et lutter contre ceux qui veulent diviser l'Islam».

Par ailleurs, pour améliorer l'encadrement des mosquées et lutter contre le salafisme, le ministre a souligné qu'un travail est en cours dans le cadre des commissions de wilayas pour la répartition des encadreurs à travers toutes les mosquées du pays, suivant la demande afin de «mettre fin à la concentration des imams dans les grandes villes par rapport aux régions enclavées». En outre, M. Aissa a annoncé la réception avant la fin de l'année en cours «d'un nombre important de mosquées dans les wilayas de Tébessa, Laghouat, Relizane, Mascara, Tindouf et Tipasa».

La réalisation de ces mosquées intervient dans le cadre de «la stratégie de l'encadrement par l'Etat de la vie religieuse et la mise en place d'un réseau intégré supervisé par la mosquée d'Alger», a-t-il dit. Sur les mosquées ayant bénéficié de travaux de restauration grâce aux dons des associations et des particuliers et accusant un retard faute de financement, le ministre a indiqué que tous les projets dont le taux de réalisation dépasse 75% ont été recensés, et que les conseils de construction et d'équipement relevant des mosquées «se réuniront avant la fin du semestre en cours pour apporter le soutien nécessaire à l'achèvement des travaux, outre l'octroi d'autorisations de collecte de dons dans toutes les mosquées, selon l'ordre de priorité». M. Mohamed Aïssa a estimé que beaucoup d'associations religieuses «œuvrent au lancement de projets de réalisation de mosquées dont la capacité dépasse largement le nombre de la population, ce qui empêche de finaliser sa construction et son équipement, vu le manque en ressources financières».