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Punir le Liban pour son refus de mise sous tutelle

par Kharroubi Habib

En forçant le Premier ministre libanais à annoncer sa démission en des termes incriminant le Hezbollah, le prince héritier saoudien Mohamed Ben Salmane et les autres serviteurs de la monarchie wahhabite qui ont conçu pour lui ce scénario s'attendaient à ce que les Libanais se dressent contre le parti du cheikh Nasrallah et réclament son éviction de la composante gouvernementale libanaise. Les réactions provoquées au pays des cèdres à l'annonce faite par Hariri n'ont pas répondu à leur attente car dans leur quasi-majorité la classe politique et l'opinion publique libanaises se sont rangées derrière le président de leur pays Michel Aoun qui a refusé de cautionner la sournoise ingérence saoudienne dans les affaires libanaises et de céder aux exigences dont elle s'accompagne.

Leur complot mis en échec, les Saoudiens qui ont convoqué une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe ont tenté avec leurs alliés liges émiratis et Bahreïn d'obtenir des Etats membres de l'organisation qu'ils prononcent la suspension de la participation du Liban au sein de celle-ci. Le prétexte invoqué par les pétromonarchies a été que le gouvernement et les institutions de la République libanaise seraient sous la «coupe» du Hezbollah inféodé à l'Iran et participant à ses côtés aux agressions déstabilisatrices qu'il entreprend contre le monde arabe.

A la manœuvre au côté de son homologue saoudien pour convaincre les autres participants à la réunion extraordinaire de souscrire à la demande des pétromonarchies, le ministre des Affaires étrangères de Bahreïn a qualifié le Liban d'Etat ayant perdu sa souveraineté nationale confisquée par le Hezbollah et de ce fait en est devenu le complice de sa stratégie de «déstabilisation» du monde arabe. Ce personnage est le moins bien placé pour invoquer contre l'Etat libanais sa supposée perte de souveraineté nationale ayant résulté de l'hégémonisme politique et militaire qu'exercerait le Hezbollah au Liban. Son pays Bahreïn est lui totalement sous dépendance saoudienne. La dynastie qui y règne ne doit sa survie qu'à l'intervention militaro-policière opérée dans le pays par la monarchie wahhabite la protégeant ainsi de sa propre population. Dans ces conditions, Manama est malvenue de s'en prendre à l'Etat libanais en prétextant de la perte de sa souveraineté nationale alors que Bahreïn a abdiqué la sienne en se mettant sous tutelle saoudienne.

Suspendre le Liban de la Ligue sous le prétexte avancé par Ryadh et Manama serait faire droit au principe qu'il existerait des ingérences dans les affaires des Etats qui sont admissibles et d'autres qui ne le seraient pas. Sans nier que l'Iran qui est ciblée par les monarchies du Golfe pratique l'ingérence dans les pays de la région, l'on ne peut que constater que ces dernières ne sont pas en reste dans la même condamnable pratique.

L'Algérie n'est dupe ni des intentions de l'Iran ni de celles des pétromonarchies et a parfaitement raison de s'en tenir à la condamnation des ingérences d'où qu'elles émanent. Elle se refuse par conséquent à donner son aval à la suspension du Liban et peu lui importe que les pétromonarchies lui en fassent grief. L'ingérence de ces pétromonarchies n'est pas moins déstabilisatrice que celle de la République islamique d'Iran et le peuple algérien est bien placé pour le savoir ayant eu à être confronté à l'une et l'autre.