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La Catalogne et le cas sahraoui

par Mahdi Boukhalfa

Demain 1er octobre, si les 7,5 millions de Catalans parviennent à voter pour l'indépendance de cette région dont l'autonomie avait été reconnue déjà en 1932 en pleine Espagne franquiste, ce sera un séisme qui aura de profondes ondes de choc dans toute l'Europe. Si la Catalogne arrive à se séparer de l'Espagne, elle sera la 7ème puissance économique d'Europe et rivalisera avec des pays plus puissants comme l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne. Car ce qui se jouera dimanche en Catalogne aura des effets boule de neige en Europe avec le désir de nations de se séparer de leur cordon ombilical, à l'image de l'Ecosse vis-à-vis de la Grande-Bretagne ou des indépendantistes basques français et espagnols, outre les idées sécessionnistes en Corse.

C'est dire que l'Espagne et toute l'Europe ne cautionneront jamais ce référendum qui sera organisé dans un climat de crise politique jamais connu depuis 1978 dans le pays. D'abord, comme l'a affirmé l'ex-Premier ministre français Manuel Valls, originaire de Barcelone, «l'avenir de la Catalogne n'est pas dans la sécession», ensuite que l'indépendance au forceps de la région autonome va rouvrir les profondes blessures politiques du peuple catalan qui n'aura jamais oublié la dictature franquiste et les exactions du pouvoir central à Madrid, qui n'aura que du bout des lèvres admis que le catalan soit seconde langue du pays et enseigné dans les écoles de Catalogne en lieu et place du castillan, langue officielle de l'Espagne. Jusqu'à présent, Madrid a tout fait pour empêcher la tenue de ce référendum avec la réquisition des urnes, l'interdiction de sa tenue. En fait, le gouvernement (de droite) de Mariano Rajoy a déclaré ce référendum illégal et tous les tribunaux constitutionnels du pays en ont jugé ainsi, car contraire à la Constitution, et les trois quarts des élus au Parlement national, les Cortes, de droite ou de gauche y sont opposés. Alors ?

Si ce scrutin se tient, comme le veut une toute petite majorité au gouvernement régional, la Generalitat, et que le «oui» l'emporte, le Parlement régional sera tenu de proclamer l'indépendance de la Catalogne. Ce référendum déstabilise l'Espagne, bloque sa reprise économique et inquiète l'Europe. L'issue sera politique, mais également économique. Car les indépendantistes catalans peuvent revenir en arrière, ils ont 24 heures pour le faire, en exigeant plus de Madrid, comme une totale gestion de la fiscalité, ce qu'avaient obtenu les Basques qui n'envoient plus à Madrid leurs revenus fiscaux et les utilisent pour développer leur région. La Catalogne c'est au moins 20% du PIB de l'Espagne, une langue, une histoire, une culture riche et une région meurtrie, jusqu'à présent, par la dictature de Franco.

Il reste également au gouvernement de Madrid à penser à restituer aux Catalans ce statut d'autonomie extrêmement avancé reconnu à la Catalogne en 2006 et que le Tribunal constitutionnel avait annulé en 2010, car la nouvelle Constitution avait reconnu «la Nation catalane». Pour les constitutionnalistes, toute consultation sur l'autodétermination d'une minorité nationale au sein d'un Etat démocratique doit être organisée « en accord avec le gouvernement central» de celui-ci. Ce n'est pas le cas, pour autant, quand il s'agit du droit à l'autodétermination d'un peuple colonisé et la Catalogne n'est pas «colonisée». Par contre, c'est le cas d'un territoire non autonome comme le Sahara occidental qu'occupe le Maroc depuis 1975 et qui refuse l'organisation d'un référendum d'autodétermination sous l'égide de l'ONU au profit d'une solution colonialiste, «l'autonomie».

Rabat refuse donc de donner le choix au peuple sahraoui d'exercer son droit à l'autodétermination depuis 1991. Et c'est ce que défend le droit international en matière de droit à l'autodétermination d'une minorité nationale face au colonialisme. La Catalogne, une des régions les plus riches et la plus avancée socialement d'Europe, même si elle a toujours été bridée par le pouvoir central à Madrid, est loin du drame du peuple sahraoui, dépouillé d'un droit dont les «droits de l'hommistes» européens se sont détournés.