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Des primaires : est-ce possible en Algérie ?

par Mohammed Beghdad

Par la pénurie, de vrais débats politiques, synonymes d'un désert démocratique, je sais que grâce aux réseaux sociaux, de nombreux compatriotes algériens avaient suivi assidûment les primaires de la droite et du centre français comme celles des primaires de la gauche de ce pays en 2011.

Depuis quelques années, on assiste donc à ces luttes impitoyables par programmes interposés et des débats d'idées, pour l'arbitrage des ambitions présidentielles des candidats d'un même bord politique. Les états-majors de ces partis ne craignent nullement les divisions en leur sein durant les campagnes électorales de leurs primaires. Au contraire, ils voient cela comme un renouveau de leurs partis et un nouveau souffle à inculquer par l'association direct de leurs adhérents et sympathisants appelés à départager les poulains pour au final ne laisser place qu'au cheval gagnant. Ils la voient également comme des exercices pour la préparation grandeur nature de la campagne présidentielle qui attendent leurs candidats favoris. Les candidats perdants ne doivent nullement rester à la marge, ils doivent s'engager non seulement à soutenir publiquement le candidat sortant mais à s'impliquer activement à sa campagne.

Peut-on imaginer que de nombreuses candidatures puissent se déclarer au sein de nos partis sans que l'on redoute leurs éclatements une fois les primaires consommées ? Que des partis s'émiettent en plusieurs morceaux, en quelque sorte comme des micro-partis avec de multitudes de partisans qui se livrent des batailles sur le terrain et seraient regroupées une fois la partie sifflée ? Ceci n'est possible que si les urnes décideront du destin politique de chaque prétendant. Que si la voix d'un électeur ne soit pas détournée à d'autres fins et pèserait de tout son poids.

Au fait, la participation au vote des dernières primaires de la droite française était ouverte à tous. Il fallait au préalable être inscrit sur la liste électorale au 31 décembre 2015, de verser 2 euros par tour de scrutin et de signer sur place la charte d'adhésion aux valeurs de la droite et du centre. On paie donc pour voter ! Sans compter le déplacement aux bureaux de vote et sans qu'aucune procuration ne soit acceptée. Quoiqu'ayant coûté 8 millions d'euros pour environ 8,5 millions de votants aux deux tours, ces primaires ont rapporté comme bénéfice net plus de 9 millions d'euros. Une belle cagnotte qui sera mise à la disposition de l'heureux élu pour faire campagne de la dernière ligne droite. Il n'y a ni aide de l'état ni ceux de ses institutions. C'est ce qu'on appelle une réelle indépendance financière.

Serait-il possible de tout cela chez nous ?

Sans l'aide financière de l'état, presque tous les partis vivent sur le dos du contribuable algérien. J'en doute fort bien que les cotisations des adhérents soient à jour. Est-ce possible de demander 50 ou 100 dinars à chaque électeur à d'éventuelles primaires ? Pour le moment, on leur paie le casse-croute, l'argent de poche de la journée, le déplacement gratuit dans des bus affrétés et ils feignent de voter à cause de la crédibilité perdue. Quant aux autres, les réels scores masqués de la participation en font foi.

Et puis, la chose quasi-impossible qui ne puisse aujourd'hui se réaliser est la mise, du fichier de la liste électorale nationale, à la disposition des partis pour vérifier si les électeurs votant à leurs primaires sont effectivement inscrits sur cette liste. Il faut souligner que ce fichier est le véritable nœud gordien pour toute élection et c'est là que tout se joue chez nous. Si les partis organisaient de telles primaires, elles acquéraient énormément d'expériences dans l'organisation d'élections et pourraient minimiser à l'avenir la fraude qu'ils dénoncent à chaque élection. Ce qui fait certainement craindre certaines parties occultes pour leur avenir.

Pour le moment, on n'assiste au sein de nos partis qu'à des redressements pilotés de l'extérieur et exécutés souterrainement de leur intérieur si jamais un clan en a un besoin crucial pour se débarrasser par des méthodes loin d'être académiques, des éléments les plus gênants ou les plus risqués pour son ascension. C'est vrai que des « primaires », on en a tous les jours de l'année, il faut savoir les palper. Parfois, on lance des ballons sondes à tâter l'opinion pour tel ou tel candidat. Ensuite, on guette le sens du vent pour suivre le candidat tout désigné par les vrais décideurs qui veillent au grain sur les intérêts du groupe. Tout le reste fait partie d'un même scénario de vieux films de série c.

Lors du premier tour de ces primaires de la droite et du centre français, tout le monde attendait la sortie dégradante de nicholas sarkozy. Jamais, je n'ai vu autant de jubilations et réjouissances de facebookiens algériens pour la défaite de celui-ci, certainement le politique le plus détestable, non seulement en Algérie mais à travers les peuples des autres pays du Maghreb et du monde arabo-musulman, pour avoir été celui qui a détruit la Libye, volé et tué son leader Mouammar Kadhafi. Le bonheur des Algériens ne serait complet que lorsqu'il le verrait un jour jugé par le TPI et emprisonné jusqu'à la fin de ces jours.

En tous les cas, les caricatures que l'on a vues sur Facebook sur cet homme désormais retraité politique lui prédisent le sort d'être jeté dans l'oubli pour de bon dans les poubelles de l'histoire. Le monde ne se comporterait que mieux sans lui à l'instar des Bush, Netanyaho, Blair et tant d'autres. En tous les cas, grâce à ces primaires, les électeurs français l'ont éjecté comme il se doit, de la manière la plus démocratique qui soit, et de la plus civilisée qui existe. Lui, qui se croyait être le nombril de la politique française et qui reniflait d'un effet boumerang.

Après le premier tour de ces primaires, et dès que les résultats étaient connus, les perdants reconnaissaient leurs défaites sans évoquer ni fraude, ni encore de bourrage des urnes, ni de la non-crédibilité de la haute autorité de l'organisation interne de ces primaires qui gère les élections, qui notons au passage qu'outre des politiques, elle se compose également de membres externes tels que des juges dont l'intégrité et les compétences sont avérées. Au soir du second tour et après la proclamation des résultats, les deux candidats finalistes se sont adressés à leurs sympathisants et qui se sont retrouvés une demi-heure plus tard au siège du comité d'organisation pour une réunion de leur famille politique comme si de rien n'était après que les électeurs aient nettement tranché. Le parti est ainsi réuni et consolidé et se sent plus que jamais fort derrière un seul candidat qui aurait la confiance de tout son camp politique et avec un programme à peaufiner pour son pays.

Tandis que chez nous, on continue à manger notre pain noir. Il n'en est point de tout cela et de ce genre de choses dont on s'est rassasiées chez nous et qui nous font de plus en plus souffrir et le pays avec. C'est pour cela que nombreux de mes semblables se sont tournés vers ces élections dont on rêvera un jour se dérouler pourquoi pas dans notre maison. Ne nous mériterons pas un tel saut dans la qualité ? On nous a toujours dit chez nous que ces trucs ne sont pas faits pour nous mais avec l'ouverture à la mondialisation, les choses ne sont plus ce qu'elles étaient du temps où ramener un magazine de l'étranger était considéré comme un sacrilège.

On revendique une place parmi les grandes nations mais en même temps on nous relègue parmi les plus pires. On aspire à une équipe nationale de foot qui participe à la coupe du monde mais en politique, on veut nous faire jouer à la relégation. De telles primaires ne peuvent qu'aider à la purification des partis. Sans ces tours préliminaires, la politique locale continue à produire de la médiocrité, de mauvais élus et d'exécrables assemblées. Les poids lourds seraient mis à l'écart et les poids plumes seraient plébiscités virtuellement. Sans l'élimination ou la qualification par des urnes au sein des partis, celles des urnes finales à grande échelle ne seront que mirage.