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APN: Plénière reportée, des députés se rebiffent

par M. Aziza

Décidément rien ne va plus au sein de l'Hémicycle Zighoud-Youcef. Protestation de formations politiques dites de l'opposition dans le hall contre la nouvelle loi électorale. Une plénière consacrée à l'adoption d'une série de projets de lois jugés «décisifs» a été annulée, faute de quorum. Et soutien d'une grande partie des députés à leur confrère surnommé «Le spécifique» ayant fait l'objet d'une sanction «non réglementaire» de la part du président de l'APN, Larbi Ould Khelifa.

La séance plénière consacrée à l'adoption de quatre projets de loi dont la loi portant obligation de réserve pour les militaires, a été suspendue et reportée pour lundi prochain, faute de quorum. Il a été constaté l'absence «intrigante» d'un bon nombre de députés de deux formations politiques majoritaires, FLN et le RND, lors de cette séance et durant toute une semaine de débats des projets en question. Pourtant, les députés de ces deux formations devaient être les premiers dans les rangs de l'assemblée pour défendre les projets de loi du gouvernement. Une centaine de députés étaient présents alors que le quorum exigé est de 250 députés pour l'adoption des projets. Des avis et des commentaires différents sur l'absentéisme des députés. Certains ont justifié cet absentéisme par la programmation d'une série de projets de loi durant le ramadan, d'autres le justifient par la programmation en parallèle de plénières et de travaux de commissions. D'autres voix disent que certains députés ont refusé de se rendre à l'APN en guise de soutien au député Tahar Missoum, surnommé «M. Spécifique», qui a été sanctionné est interdit d'assister aux travaux de l'APN durant six séances, suite à ses attaques verbales contre certains responsables du gouvernement. D'autres sont allés s'interroger «pourquoi cette précipitation dans la programmation de ces projets de loi et à quoi rime cet absentéisme, notamment des députés des partis majoritaires ?»

Les députés, notamment ceux des partis de l'opposition ont pour leur part dénoncé, à travers un mouvement de protestation, dans le hall de l'APN, «le climat de discussion» de six projets de loi, parmi eux des lois organiques, dans un laps de temps très court, «une semaine» et pendant le ramadan.

Pour eux cette programmation à caractère urgent n'est qu'une tactique du gouvernement, empressé de liquider des projets de lois d'une extrême importance, sous prétexte qu'il y a urgence.

Sinon comment expliquer, selon Naamane Belouar, député de l'Alliance pour l'Algérie verte, la programmation des plénières en même temps que les travaux des commissions compétentes, dans lesquelles certains élu sont membres ? Le député affirme que cette démarche n'est pas réglementaire, «la loi est claire, au moment de la tenue d'une plénière, tous les membres doivent être présents, et aucune commission ne doit travailler ou discuter des amendements en parallèle !»

Les députés s'interrogent pourquoi cette précipitation ? «Où est l'urgence ?» et «Qu'est ce qui se passe réellement ?»

Mais, pour certains députés, l'objectif est clair, l'exécutif exerce une forme de pression sur le Parlement pour faire passer ces projets de lois, sans qu'il y ait ni enrichissement, ni changement de ces textes, «un procédé anti-démocratique par excellence, diront les députés de l'opposition.

Du point de vue du contenu, les députés de l'opposition ont dénoncé la programmation des lois et l'article 73 du projet de la loi électorale qui impose un seuil de 4% dans les législatives précédentes pour prendre part aux prochaines élections. Ils ont également dénoncé «la punition» infligée à tous ceux qui décident de boycotter les élections. Ils expliquent qu'en cas de boycott, les partis politiques doivent collecter de nouveau des signatures, «ils veulent ainsi sanctionner toute formation politique qui décide d'une action politique, tel que le boycott», dira Belouar.

En ce qui concerne la loi organique relative à la haute instance indépendante de surveillance des élections, les députés de l'opposition ont estimé que cette instance n'est nullement indépendante du moment que le président chargé de la gestion de cette instance est nommé par le président de la République et non pas élu, selon la nouvelle loi. Idem, pour les membres de cette commission qui sont, eux, nommés et sélectionnés en partie par les magistrats et une autre partie par le CNES !».

Pour le député du parti de la Justice et du Développement, Lakhdar Benkhalef, ces deux projets sont en fait «un processus de démantèlement programmé du multipartisme dans notre pays» et «un recul regrettable pour le processus électoral en Algérie».

Les députés de l'opposition accusent l'exécutif de vouloir verrouiller le champ politique. «Des pressions exercées sur la presse et sur les militaires et aujourd'hui c'est le tour des députés et les partis politiques», dira Benkhalef.

Les députés de l'opposition veulent faire barrage à la loi électorale

Le député du PT, Ramdane Taazbit, a dénoncé «la dangerosité extrême des lois proposées, notamment la loi électorale et la loi relative à l'instance indépendante des élections. Il explique que le contenu est «anticonstitutionnel et dangereux pour la démocratie et menace le multipartisme» étant donné qu'il conditionne la participation aux élections par l'obtention de 4% des suffrages dans les élections passées. Le PT considère cette loi comme une remise en cause frontale du multipartisme et qu'il y a réelle volonté de changer l'APN en chambre d'enregistrement. Le PT dénonce «un pressing terrible sur l'assemblée populaire pour une adoption de lois expéditives sans qu'il y ait un échange et un enrichissement. Taazibt dénonce aussi une volonté au centre de décision de remettre en cause les acquis d'octobre 1988.

Pour le parti de Louiza Hanoun, l'Algérie est en danger, du moment que les droits fondamentaux des citoyens ne sont pas respectés, «il y a des projets de loi qui sont anticonstitutionnels». Elle cite le droit de se présenter aux élections qui est interdit aux fonctionnaires des APC !

Le chef du groupe parlementaire du FFS, Chafaâ Bouaïche a, pour sa part, dénoncé cet «empressement dans la programmation d'une série des projets de loi aussi importants et engageant l'avenir du pays».

Il a également dénoncé dans un communiqué remis à la presse les dépassements autoritaires du président de l'APN qui interdit la parole à un député pour six séances plénières. «Un président dont la seule occupation est de commenter les interventions des députés, comme s'il gérait une page facebook», ironise-t-il

Le député Lakhdar Benkhalef a affirmé que la sanction contre Tahar Missoum n'est pas réglementaire «c'est une première dans l'assemblée». Le président de l'APN a seulement le droit de suspendre l'intervention du député en cas de dépassement. Les partis ayant protesté dans le hall de l'assemblée populaire, ce jeudi, ont affirmé devant la presse qu'ils sont en train de coordonner avec les groupes parlementaires et les députés des partis politiques pour étudier les actions à entreprendre à l'avenir pour faire barrage au projet de loi électorale.