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LA FANFARONNADE ET LA MODE DU GARGARISME DE LA VOIX

par M. Abdou BENABBOU

Dans leurs courses, les autocars et les camions fous qui éteignent et         raclent des vies ne se comptent plus. Arrêter la réflexion sur le non-respect du code de la route ou sur la variété des impondérables causes mécaniques équivaudrait à effleurer un sujet dont l'essence a moult et profondes dimensions. Les gènes de ce fléau qui prend de l'ampleur sont à aller chercher dans la structure mentale de ceux, de plus en plus nombreux, qui au volant d'engins n'ont aucune mesure de l'importance de la vie des autres.

Une vie personnelle ne pèse plus lourd et encore moins celle des autres à la faveur d'un phénomène qui a désagrégé le bien-fondé d'une existence partagée où tous les semblables sont devenus une pacotille sujette à une très lourde inconscience. Il y a de tout dans ce magma d'insouciances. La stérilité de l'école, le manque de savoir-faire, l'absence de culture, un mal-être forcé par un environnement général déglingué qui prédispose à l'étalage d'une présence et une affirmation du soi écervelées livrées au gré des vents contraires.

L'absence d'une consistance humaine avec tout ce qu'elle porte comme doigté et art fait des dégâts, et la perte de la faculté d'aisance nécessaire pour vivre en communauté fait des ravages bousculant tous les comportements. Le chauffard qui se tue et qui tue les autres ne serait finalement qu'un aspect d'un prisme déroutant d'une société à la recherche d'elle-même où nombreux cherchent avec du vent à conquérir un bout de territoire. Il en résulte des vides incommensurables.

N'est pas en effet mécanicien qui veut et n'est pas plombier qui le souhaiterait. Comme n'est pas commerçant qui le désirerait avec un claquement de doigts et en adhérant à la mode insupportable du gargarisme de la voix. Mais la tendance générale est à l'investissement du grand esprit informel qui accorde une primauté à la fanfaronnade quitte à ce qu'elle soit mortelle.

La magnanimité pourrait cependant s'imposer. Car ce fantastique dérèglement qui a un coût économique et humain trop important ne serait paradoxalement qu'un instinct de survie.