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Sonatrach : Aucune décision d'exploitation du gaz de schiste

par Yazid Alilat

« Aucune décision d'exploitation de gaz de schiste n'a été prise par Sonatrach!». «La faisabilité technique et commerciale du projet n'a pas encore été confirmée». Le premier responsable du groupe pétrolier algérien Sonatrach est descendu dans l'arène hier, à travers un entretien à l'agence APS, pour tenter de dépassionner le débat actuel sur le gaz de schiste. Saïd Sahnoun, P-DG par intérim de Sonatrach, explique en fait, pour rassurer l'opinion publique matraquée ces derniers temps sur les dangers de la fracturation hydraulique, en plein milieu de la « protesta » dans le sud du pays, que sa compagnie a déjà utilisé cette technique de forage et en maîtrise les secrets. La fracturation hydraulique ou l'hydro-fracturation, « une technique maîtrisée par Sonatrach ; nous l'avons importée des Etats-Unis et utilisée de manière systématique » dans de nombreux forages, a-t-il souligné. Techniquement, la fracturation hydraulique est la dislocation ciblée de formations géologiques peu perméables par le moyen de l'injection sous très haute pression d'un fluide destiné à fissurer et micro-fissurer la roche dans laquelle est emprisonné soit du gaz, soit du pétrole. Cette fracturation est pratiquée à grande profondeur, plus de 1 km voire à plus de 4 km, pour extraire du gaz de schiste à partir de puits verticaux, inclinés ou horizontaux. Le P-DG par intérim de Sonatrach explique en fait que « nous avons appliqué cette technique en 1992 à Hassi R'mel sur des formations géologiques qui ne sont pas épaisses et dont nous avons extrait du pétrole grâce à des forages horizontaux ». Dans le plus grand bassin de pétrole et de gaz algérien, à Hassi Messaoud, Sonatrach a également utilisé la fracturation hydraulique pour améliorer l'extraction des gisements très compacts (tight) de ce champ, découvert par le français Total et entré en production en 1956. « De 2006 à 2010, le groupe a fracturé une moyenne de 50 puits/an à Hassi Messaoud », explique le patron de Sonatrach qui rassure sur le fait que ces forages, tout comme le reste des puits conventionnels, « ont traversé des nappes aquifères sans impact sur l'environnement. Pour autant, le groupe pétrolier, qui assure 99% des recettes d'exportations du pays, qui « comprend les craintes exprimées par la population d'In Salah quant aux deux puits-pilotes forés dans cette région (Ahnet), se défend d'être une compagnie pétrolière sans scrupules qui ne cherche que son intérêt, aux dépens des populations du Sud ». M. Sahnoun, sans doute pour rassurer les anti-gaz de schiste et rectifier ?'le tir'' sur le plan de la communication de son groupe, estime que « l'appréhension des gens par rapport à cette activité est souvent légitime. Ils manifestent de la résistance à tout ce qui est nouveau (?). Je refuse que l'on nous prête l'intention que ce que nous faisons ou ce que nous ferons plus tard puisse être préjudiciable aux citoyens et à l'environnement ». Dès lors, « les aspects commerciaux et économiques n'écarteront jamais Sonatrach du principe de la protection de la santé de la population et de la préservation de l'environnement.

 Quant aux deux puits forés sur le bassin d'Ahnet, à une trentaine de km de la ville d'In salah, il est rassurant: il ne s'agit que de deux forages à titre de tests d'évaluation de leur potentiel, et Sonatrach « ne va pas lésiner sur les mesures de protection de l'environnement, notamment pour les nappes d'eau ». Et le N.1 de Sonatrach affirme dans cet entretien que le gaz extrait des puits d'Ahnet va servir pour alimenter la centrale électrique d'In Salah. Au moment même où il assure que les forages du champ d'Ahnet ne sont que des tests d'évaluation de leurs réserves. Il ajoute ainsi: « l'implantation des deux puits-pilotes à Ahnet, à une trentaine de km d'In Salah, obéit à une démarche citoyenne qui consiste à alimenter en gaz la centrale électrique de cette daïra ». Pour lui, l'alimentation de cette centrale aurait été rendue impossible si les puits avaient été implantés à une distance importante d'In Salah, et dans un tel cas, Sonatrach n'aura d'autre choix que de torcher ce gaz, « ce qui n'est pas raisonnable », selon lui. Or, le torchage ou ?'brûlage des gaz'', est une technique pour brûler, par des torchères, des rejets de gaz naturels à différentes étapes de l'exploitation du gaz et du pétrole. « Cette démarche citoyenne de Sonatrach a été pervertie et il lui a été imputée une image négative », estime M. Sahnoun qui impute cette situation de malentendu sur le gaz de schiste en Algérie à une COM inefficace du groupe sur ce dossier, et qui n'était pas accessible au commun des Algériens.

A In Salah, la contestation anti-gaz de schiste ne faiblit point en dépit des assurances du Premier ministre et, surtout, celles du président Bouteflika qui a affirmé mardi lors d'un conseil restreint que l'exploitation des gaz de schiste « n'est pas encore à l'ordre du jour » et que les forages-tests de In Salah seront « achevés à très brèves échéances ».