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LE TAPIS ET LA TOILE

par T. H.

Je m'appelle Islem Meghiref, j'ai 21 ans, et je vais vous raconter mon festival de Cannes vu d'Alger.

Ah, Cannes ! Ses palmiers qui frisent le ciel. Sa plage recourbée comme une lame. Ses grands Hôtels, ses boutiques de luxe, son palais des festivals et ses marches rouges qui montent vers un ciel étoilé. Ah, Cannes ! Ses stars, entre ciel et mer, qui viennent des quatre coins du monde se faire flasher dans leurs resplendissantes allures. Je glisse encore la souris et une autre photo m'apparaît. Ah, Cannes?Je tire sur ma cigarette, m'essuie le front en sueur et jette un regard depuis ma fenêtre. Tombés de la cime du ciel, des flots de soleil retentissent dans la baie d'Alger. Quelques «bateaux ivres» s'amarrent en désordre dans le port chaotique. Je fais glisser ma souris et m'arrête sur une photo. Celle d'un homme que je ne connais pas. Cheveux soigneusement coiffés, il jette par-dessus ses lunettes noires un regard séducteur à l'objectif. Quelques clics plus tard, j'apprends qu'il s'appelle Marcello Mastroianni, qu'il fut un immense acteur Italien et qu'il est à l'honneur de cette 67ème édition du festival de Cannes. De google en Wiképédia, j'apprends des choses sur ce latin-lover... La Dolce vita, va falloir que je vois ça... Je reviens vers la baie d'Alger, et j'imagine cet homme sillonnant mon quartier il y a 50 ans pour le tournage de «L'Etranger», oui le roman d'Albert Camus, adapté au cinéma par un certain Luchino Visconti. Non, cher chef, envoyé spécial à Cannes, ces deux noms italiens ne me disent rien, et t'as beau être scandalisé via FB c'est ainsi. Mais Camus je connais par coeur, j'ai tout lu. Je clique et une autre photo m'apparaît. Front dégarni, cheveux aussi blond qu'une palme d'or, sourire mélancolique, et regard perçant, Nicole Kidman me plaît toujours autant. D'elle, je garde le souvenir d'une scène. Nue devant un miroir, les bras levés, elle ajuste ses boucles d'oreilles tout en conversant d'un air désinvolte avec son mari incarné par Tom Cruise. Le dernier Kubrick «Eyes Wide Shut»... C'était la période des DVD pirates qu'on se filait entre deux cours de «Terbia Madaniya»... Je chasse une mouche, me défait de cette image et me concentre sur l'écran. NK est à l'affiche de «Grace de Monaco» d'Olivier Dahan, toujours aussi belle, élégante, mystérieuse.

Je n'ai pas eu de visa pour aller à Cannes alors que le festival m'avait accrédité. Peut-être est-ce mieux ainsi, car qu'aurais puis-je dire à Nicole Kidman si j'avais eu la chance de la croiser pour de vrai? Des banalités bafouillées, des lieux communs murmurés... Ou plus probablement, rien, un silence gêné.

L'appel de la prière vient de retentir, il est temps de déconnecter.