Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les architectes accusent

par A. Mallem

Les projets structurants retenus par les autorités locales et centrales pour préparer l'évènement «Constantine, capitale de la culture arabe 2015» ont été, hier, la cible des critiques des architectes locaux affiliés au Conseil de l'ordre des architectes de la wilaya de Constantine (CLOA), et cela à travers la conférence de presse qu'ils ont tenue au complexe El-Mizania de la cité Boussouf.

Ainsi, d'après le secrétaire général du CLOA, M. Driss Ramdane, ces projets «ont été conçus dans la précipitation et lancés sans aucun plan ni aucune logique urbanistique, seulement dans l'urgence d'être au rendez-vous de l'événement. Normalement, chaque projet aurait dû passer par un jury pluridisciplinaire où les avis et les indications données par les architectes et les urbanistes doivent être pris en compte et dominer». Et de citer l'exemple du pôle culturel qui devrait se faire à proximité de l'aéroport international Mohamed Boudiaf, «mais qui n'a de pôle que le nom parce qu'il se résume à une salle d'exposition», dira-t-il.

Ensuite, il a axé ses critiques sur le projet du musée des arts qui a été choisi «dans un endroit, Bab-El-Kantara, qui est une zone surchargée où l'on a été obligé de démolir pour installer le projet alors qu'on connaît tous les problèmes de l'accessibilité et de la circulation».

Et il a conclu en relevant que «ce sont-là des choix qui ont été imposés par le fait du prince, en l'occurrence c'est Mme la Ministre de la Culture qui a décidé du lieu d'implantation de ce projet dans un site qui défie toute logique urbanistique. En Algérie, on sait pertinemment que le domaine est réglementé par le PDAU qui organise l'implantation des équipements». Prenant la parole, l'architecte Wissem Meziane a évoqué le cas de ce qu'elle a désigné par «la grande catastrophe» de l'hôtel Mariotte, actuellement en construction au quartier de Djenane Ezzitoune. «On a choisi un terrain qui donne sur un bidonville, comme perspective panoramique, et son accès empiète sur la ligne du tramway. Et on imagine quand il y aura des visites présidentielles, on sera obligé d'arrêter la marche du tramway, de fermer l'accès à l'université et de paralyser tout l'axe structurant, uniquement pour ouvrir l'accès à l'hôtel. Et cela parce qu'on n'a pas réfléchi !». Selon le conférencier, le site est mal choisi pour édifier un hôtel. «D'un point de vue strictement artistique et architecturale, considère Meziane, il a été placé à proximité de l'œuvre monumentale réalisée par Oscar Niemer pour l'université et Kenzo Tanguy, deux sommités de l'architecture mondiale. Et aussi, face à un monument historique, vestige de l'art romain. Et dans cette zone, on met une inconnue architecturale représentée par un mastodonte de béton difforme qui n'est qu'une pâle copie d'un hôtel à Tlemcen». «C'est cette culture dont on veut faire de la ville de Benbadis la capitale ?», a-t-elle demandé. Par la suite, les conférenciers ont été unanimes à dénoncer «les irrégularités graves commises par les maîtres d'ouvrage des projets, soit l'administration, en empiétant sur la réglementation en vigueur. Parlant du non-respect des honoraires des architectes, ils diront que lorsqu'il s'agit d'un architecte local, les honoraires sont fixés à un taux très bas, 2 à 3% (les honoraires sont définis par un arrêté interministériel).

Par contre, nous avons constaté dans les projets qui sont actuellement en cours et donnés à des étrangers, comme le cas de l'aménagement du site du quartier du Bardo, les honoraires appliqués aux architectes étrangers sont supérieurs à 10%. C'est également le cas pour le palais et le centre des expositions de Zouaghi qui vont être réalisés par le ministère de la Culture. Là, les honoraires accordés à l'architecte algérien, censé être en partenariat avec des étrangers (espagnols), sont supérieurs à 15%. Alors, on ne comprend pas pourquoi il y a ces irrégularités flagrantes». Un autre architecte, M. Amireche, a critiqué le plan de circulation irréfléchi mis en place par les autorités locales et sa collègue Lamia Djerradi a posé la question de la marginalisation de l'architecte algérien qui sert uniquement d'alibi dans les discours politiques et les slogans. «Le ministre du Logement nous a promis un programme pour nous uniquement. Mais il n'y a rien de concret, et on attend». Et de conclure par un proverbe: «La fête est chez nous, dans notre maison, mais nous nous contentons de humer l'odeur du festin».