Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le gouvernement «réécrira» l'art. 87 bis, il ne l'abrogera pas : Vague promesse aux travailleurs, les patrons rassurés

par Salem Ferdi

La dernière tripartite «économique» a évacué la question récurrente de l'article 87 bis du code du travail qui bride le salaire national minimum garanti en incluant le salaire de base, les primes et les indemnités. Mais elle reviendra nécessairement sur le tapis, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, ayant promis un «sommet social» avant la fin de l'année. Et dans une soudaine «ouverture», le ministre du Travail, Mohamed Benmeradi, estime que le tissu économique est en mesure aujourd'hui de supporter le «choc» de la révision de l'article 87 bis. «Les conditions sont relativement meilleures. Le tissu économique est plus ou moins en mesure aujourd'hui de supporter un choc d'une révision de l'article 87 bis. Les conditions (de la révision) sont au fur et à mesure en train d'être assemblées pour être traitées», a-t-il déclaré à la Radio nationale. Benmeradi, ce n'est pas une surprise, a indiqué que la question sera débattue à la prochaine tripartite ? ce qui est le cas depuis 2005 ? et pourra être tranchée. Mais il «nuance» déjà: «Il n'y a pas eu une demande d'abrogation de cet article, mais une demande de sa réécriture de manière à exclure de la composition du SNMG (salaire national minimum garanti) un certain nombre d'indemnités qui, effectivement, à la demande du partenaire social, ne devraient pas y figurer, comme l'indemnité de l'expérience professionnelle qu'il est tout à fait aberrant d'inclure dans le salaire de base».

UNE DISPOSITION SCELERATE

En réalité, il a toujours été question d'abrogation de l'article 87 bis qualifié dans les milieux syndicaux de disposition «scélérate» introduite dans la foulée de la mise en œuvre, sous supervision du FMI, du programme d'ajustement structurel dans le milieu des années 90. En parlant de «réécriture» et non d'abrogation, le ministre du Travail donne l'impression de faire une concession mais garde en réalité la main pour ne pas déplaire aux patrons privés mais également publics qui estiment que la facture de l'abrogation ne serait pas «soutenable». En cultivant l'ambiguïté, Benmeradi prête le flanc à l'accusation de manœuvre politique à l'approche de la présidentielle, comme le fait son collègue Ghoul avec des annonces d'achat d'avions, de bateaux et de raccordements, pour le moins étrange, de certaines localités par le métro. Il faut dire que quatre mois plus tôt, le prédécesseur de Benmeradi, Tayeb Louh (actuellement ministre de la Justice), avait un discours totalement différent. Prenant argument de craintes exprimées par les dirigeants d'entreprises publiques, Tayeb Louh avait catégoriquement fermé la porte à l'abrogation de l'article 87 bis. Selon lui, les patrons publics affirment qu'une telle mesure aurait un impact financier insoutenable et que les entreprises devront, dans ces conditions, engager des compressions d'effectifs.

CE QUE DISAIT LOUH, IL Y A QUATRE MOIS : NIET

«Quand on parle de compression, le gouvernement sort le carton rouge» avait déclaré Tayeb Louh (voir notre journal du 11 mai, l'article Tir ministériel groupé contre les hausses de salaires). Et il n'y avait pas la moindre équivoque dans le message: le carton rouge est sorti contre l'abrogation du 87 bis. Objectivement, la situation de l'économie algérienne en général et des entreprises en particulier n'a pas fondamentalement changé en 4 mois par la simple grâce d'une permutation ministérielle. Quant à l'impact d'une abrogation de l'article «scélérat», il était estimé en 2005 à 500 milliards de dinars pour l'Etat et 40 milliards pour les entreprises. Aujourd'hui, l'impact serait encore plus important. La question de l'article 87 bis revient comme une «routine» au menu de la tripartite depuis 2005 et le gouvernement, entre création de groupe de travail ad-hoc et louvoiement, a évité de prendre de décision. Et il est probable qu'en parlant de «réécriture» et non d'abrogation, il lance une vague promesse au monde du travail tout en rassurant les patrons. Et, l'Etat patron aussi ! L'article 87 bis ne sera que réécrit? les travailleurs ont une vague promesse, les employeurs ont une vraie assurance.