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Les sites maghrébins d'information en ligne combinent entre innovation et débrouille

par Nejma Rondeleux

La presse numérique maghrébine est en plein essor et les «pure-players», sites d'information existant uniquement sur Internet, se développent sous l'impulsion de jeunes Maghrébins à la pointe des nouvelles pratiques journalistiques provoquées par le Web. Mais, une fois l'idée lancée, reste à la pérenniser grâce à un modèle économique rentable. Si le financement par la publicité s'avère le modèle le plus répandu, la diversification des activités devient une voie de plus en plus empruntée.

Quand Kamel Haddar rachète le site

d'information en ligne algérien Algérie-Focus en mai 2011, il sait que la recherche d'annonceurs ne sera pas facile. «Le Web algérien étant peu développé, les annonceurs ne sont pas encore convaincus de l'intérêt d'investir dans ce secteur», souligne-t-il au téléphone. «Il faut beaucoup d'énergie, de la persévérance et surtout être innovant», poursuit le diplômé d'une grande école de commerce française, l'ESCP Europe. Et ça marche, en moins de six mois, le jeune entrepreneur a réussi à convaincre plusieurs multinationales dont Axa assurances, Samsung, etc., d'acheter de la publicité sur le site internet.

Pour percer dans l'univers de la presse numérique algérienne, encore «largement sous-exploité», selon l'intéressé, Kamel Haddad mise sur l'innovation et la qualité. «On s'apprête à lancer deux sous-plateformes d'Algérie-Focus : une dédiée aux femmes qui s'appellera Focus-Lalla et une autre consacrée aux conseils de consommation baptisé Focus-consommateur», annonce Kamel Haddar, ajoutant qu'une nouvelle application téléphone sur Androïd, Iphone et Windows sera bientôt lancée. Avec ces nouveaux outils, l'entrepreneur compte bien augmenter les recettes issues de la publicité dont il refuse de révéler les prix de vente. En attendant l'arrivée de nouveaux annonceurs, Algérie-Focus s'appuie sur ses activités annexes à l'information. «On propose aux entreprises un service de veille stratégique, de revue de presse et d'organisation d'événements auprès des décideurs. On vend aussi du contenu à la presse étrangère», détaille Kamel Haddar.

DIVERSIFIER SES ACTIVITES POUR ETRE RENTABLE

La diversification des activités semble être une voie économique de plus en plus empruntée par les pure-players. Tunisialive, le premier site d'information en ligne tunisien en anglais, se finance ainsi exclusivement par l'argent gagné avec ses services d'accompagnement et de production proposés aux grands groupes de presse étrangers. «On assiste les médias étrangers tels que CNN, Al Jazeera English, le Financial time, etc., dans leur production qu'elle soit vidéo, sonore ou écrite», explique Youssef Gaigi, directeur des opérations. C'est lui, qui en avril 2011, a eu l'idée de créer avec deux de ses amis, tous trentenaires, Tunisialive.

«Nous nous sommes lancés avec un capital de 8.000 dinars tunisiens (soit environ 5.000 dollars)», confie-t-il. Aujourd'hui, le site emploie une vingtaine de journalistes - payés entre 500 et 1.000 dinars tunsiens (environ 300 à 625 dollars) ? pour un coût de fonctionnement estimé entre 10.000 et 15.000 dinars tunisiens. Tout cela sans publicité, ni subvention. «Après avoir traversé des mois difficiles, on arrive dorénavant à couvrir ces dépenses grâce à nos activités auprès des médias étrangers», témoigne Youssef Gaigi. «Mais on cherche à présent d'autres moyens pour générer des revenus et se développer», souligne-t-il.

QUAND LA DEBROUILLE FINIT PAR PAYER

Les professionnels ou entrepreneurs ne sont pas les seuls à s'être emparés des médias en ligne. D'autres se sont lancés dans l'aventure de l'information sur Internet sans un sou, ni grande expérience dans le journalisme. Ces «passionnés», comme ils se définissent, ont su profiter des perspectives offertes par les réseaux sociaux pour se déployer. Abderrahmane Semmar, journaliste algérien de 28 ans est l'un d'entre eux. Suite au succès rencontré par la page Facebook des «Envoyés spéciaux algériens» avec plus de 115.000 fans actuellement, il décide en août 2011, de fonder avec Younes Sabeur Chérif, le site d'information participatif «NessNews, l'info qui manque». «Les 15 à 20.000 visites par jour, avec parfois des pics à 30.000 visites sur l'actu chaude, représentent un bon argument de vente auprès des annonceurs», explique le jeune Algérois. «Un contrat avec Google nous permet de remporter 10 dollars toutes les 17.000 visites et on vient d'obtenir notre première publicité cette semaine avec LG», détaille-t-il.

 La page Facebook Morrocan news network ne possède pas encore de site internet mais ça ne saurait tarder, selon son co-fondateur, Mohammed Jibilou. Créée en janvier 2011, cette page d'actualité marocaine rassemblant les contributions des internautes de tout le pays rapporte aujourd'hui de l'argent à ses deux jeunes fondateurs marocains. «Grâce au système CPL (coût par lead ou par inscription) on a réussi à monétiser notre page», explique Mohammed Jibilou. «Les annonceurs nous paient pour chaque inscription et en échange, on publie un post sur leur activité sur notre page Facebook», poursuit-il. Reste à ces adeptes des réseaux sociaux à trouver un modèle économique rentable pour que leur passion devienne un métier auquel ils puissent se consacrer à plein temps. Mohammed Jibilou a déjà son idée. «Je veux créer un concept de réseau social d'actualité», s'enthousiasme le jeune homme.