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Bousfer-Plage: Enquête de la gendarmerie sur les garages à bateaux

par Houari Saaïdia

Longtemps considéré comme          une sorte de sujet tabou, l'urbanisation sauvage du rivage de Bousfer-Plage, précisément le trafic illicite du foncier littoral, est aujourd'hui dans le viseur des services de sécurité. Les services de la brigade de gendarmerie nationale de Bousfer viennent d'ouvrir une investigation sur l'un des « thèmes » d'infraction les plus répandus dans ce registre : la transformation de garages à bateaux en immobilier. Selon une source officielle, l'enquête concerne principalement 48 décisions d'attribution de garages à bateaux. Les gendarmes veulent faire la lumière sur la légalité et la conformité de ces décisions communales, au moyen desquelles les bénéficiaires -censés être des pêcheurs-, ou d'autres acquéreurs de deuxième main par vente ou sous-location, ces locaux à usage professionnel ont été transformés en habitations ou commerces. L'on confie de même source que le détournement de certains de ces locaux de leur vocation a été opéré au moyen d'un permis de construire et que dans la majorité des cas il y a eu, en sus, squat de parcelles de terrain limitrophes ainsi que des extensions interdites en vertical. Dans le cadre de cette enquête, plusieurs responsables de l'exécutif local ainsi que d'élus et maires qui se sont succédé aux commandes de cette APC ont été auditionnés par les gendarmes, indique-t-on de même source.

 Au-delà de cette affaire et de l'évolution qu'elle prendra, notre source souligne, sur le plan administratif, toute la complexité qui caractérise la gestion de l'urbanisation du rivage, notamment en ce qui concerne les principales plages de la corniche oranaise qui s'étend sur les territoires des communes d'Aïn el Turck, Bousfer, El-Ançor et Aïn El-Kerma. Il est très fréquent que ne soit pas respectée la distance de retrait des constructions par rapport au trait de côte et nombre de maisons empiètent totalement ou partiellement sur la bande du domaine public maritime (DPM). Cette occupation est, au regard des textes juridiques en vigueur, illégale et contribue à la fragilité de l'écosystème côtier. En Algérie, les espaces en contact avec la mer sont réglementées, à la fois, par la loi littorale (02-02) du 5 février 2002, la loi d'urbanisme et d'aménagement du territoire (90-29) du 1er décembre 1990 et la loi domaniale (91-454) du 23 novembre 1991. Cette législation interdit l'urbanisation sur une bande de territoire de cent mètres de largeur, à partir du rivage et de trois cents mètres, en cas de fragilité de l'écosystème littoral. La largeur est calculée horizontalement à partir du point des plus hautes eaux, normalement matérialisé par des bornes. Ces bornes représentent en même temps la limite terrestre du DPM. Des constructions ou des activités nécessitant la proximité immédiate de l'eau peuvent toutefois être autorisées.

 D'autres stratégies plutôt de nature familiale sont décelées. Ainsi les marins pêcheurs obtiennent des autorisations de construction de garages pour bateaux. Ces abris se transforment ensuite parfois en logement pour les familles de pêcheurs. Des groupes sociaux défavorisés creusent des cavités dans les falaises calcaires les entourent d'enclos avec des matériaux de fortune. Ces grottes de fortune sont ensuite transformées en habitations. Les pratiques de contournement, spéculatives ou nécessitées par la marginalisation à l'égard du marché immobilier, se généralisent à de nombreux rivages, en particulier à proximité des grandes villes. Dans ce contexte d'urbanisation non maîtrisée et de concurrence pour l'appropriation du foncier littoral, la gestion des parties proches de la mer est plus complexe que jamais. Elle l'est d'autant plus que les conflits de mitoyenneté entre occupants se multiplient et que les Plans d'occupation des sols (POS) des plages font l'objet de désaccords entre les différents gestionnaires.