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L'Algérie, improbable refuge pour Kadhafi: Des rumeurs blindées pour maintenir la pression

par Salem Ferdi

Le colonel Mouammar Kadhafi, ses enfants et ses proches seraient passés en Algérie par Ghadamès dans des Mercedes blindées. C'est la dernière «news» balancée, à partir de sources rebelles, par l'agence égyptienne Mena et démentie hier par le ministère des Affaires étrangères algérien.

Il y a plusieurs jours, Mena, toujours sur la base des mêmes sources, affirmait que le colonel Kadhafi se trouvait près des frontières avec l'Algérie. Au-delà de la propagande, Kadhafi sait qu'il n'est pas bienvenu en Algérie.

Même si la prudence reste de mise, la nouvelle paraît relever davantage du registre de la guerre médiatique livrée par des rebelles au gouvernement algérien qui persiste à ne pas les reconnaître. L'Algérie constitue clairement une exception dans la région mais elle peut se prévaloir du même refus de reconnaissance formulé par l'Union africaine.

Selon le récit de la Mena, qui cite une source rebelle, six voitures blindées sont entrées vendredi matin dans la ville de Ghadamès et ont été escortées jusqu'à leur entrée en Algérie par une brigade loyaliste. Lesdits rebelles affirment qu'ils n'ont pas pu les pourchasser en raison d'un manque de munitions et d'équipements.

Interrogé par l'APS au sujet de cette information, le porte-parole du MAE, M. Amar Belani, a déclaré que «depuis quelques mois, l'Algérie est ciblée par un flot de fausses informations, dont le caractère fallacieux a été à maintes fois prouvé», soulignant qu'»il en est de même pour l'information diffusée par l'agence Mena au sujet de véhicules Mercedes qui auraient prétendument franchi la frontière algéro-libyenne». «Cette information, a affirmé le porte-parole, est dénuée de tout fondement et nous la démentons de la manière la plus catégorique».

Bien entendu, l'hypothèse que Kadhafi et ses fils qui sont aux abois cherchent à s'exfiltrer hors de Libye n'est pas à exclure. Mais l'Algérie est-elle vraiment une bonne destination ? En réalité - et ce n'est pas forcément un excellent choix - le gouvernement qui sait qu'il est scruté et observé a choisi de se conformer de manière scrupuleuse aux décisions de l'Onu.

Les pays occidentaux ont d'ailleurs tendance à prendre acte et à se satisfaire d'une position algérienne qu'ils savent inconfortable. C'est ce qui a été exprimé par l'ambassadeur américain M. Henry S. Ensher. «Nous respectons beaucoup le rôle de l'Algérie dans cette crise et nous savons que l'Algérie est dans une position très difficile car la Libye est un pays voisin? Nous devons tenir compte de cette situation». L'ambassadeur américain reconnaît au gouvernement algérien son respect du «Droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies» et a assuré que «l'Algérie a approuvé et appliqué ces résolutions».

La Libye ou le Niger, c'est mieux pour Kadhafi

C'est autant une reconnaissance qu'une incitation à l'Algérie de rester dans le même cap. Et on peut présumer qu'Alger a aujourd'hui encore moins de raison de changer d'attitude. Les accusations des membres du CNT de soutien logistique voire d'envoi de mercenaires, jamais étayées à ce jour, exprimaient plutôt l'acrimonie à l'égard du refus de l'Algérie de les reconnaître. Ces accusations ont eu cependant pour effet de contraindre la diplomatie algérienne à la défensive. On peut ajouter aussi que même si le gouvernement algérien voulait soutenir activement Kadhafi, il ne l'aurait pas fait sachant qu'il est sous observation et sous surveillance. Ces mêmes raisons font qu'il ne peut accueillir le «guide» traqué par les rebelles et l'Otan. On peut ajouter que Kadhafi qui en connaît un rayon en matière de réalisme sait que l'Algérie n'est pas une bonne destination. La seule possibilité - qui ne semble pas de mise - serait un accord secret entre les différents acteurs pour permettre une sortie de Kadhafi dans le but d'abréger la partie. Il est hautement probable que Kadhafi choisisse de rester en Libye au milieu de sa tribu et de ses soutiens où il peut encore se défendre. C'est le choix le plus «sûr» pour lui. En tout cas, la destination d'un pays africain où le «guide» avait distribué des largesses et entretenu des alliances paraît plus raisonnable que la destination algérienne. C'est ce que suggère clairement l'ancien garde du corps du dirigeant libyen, le colonel Abdessalam Khalafallah Annadab. Celui-ci a estimé (au journal Echourouk) que le colonel Kadhafi était «encore à Tripoli» ou «en route pour le Niger où il a de la famille qui peut le protéger». Il est probable que cette «nouvelle» sera interprétée selon la même grille des pressions exercées sur l'Algérie qui a choisi, selon la formule officielle, une «stricte neutralité» dans le conflit. Pour l'heure et après l'attaque subie par l'ambassade algérienne à Tripoli, les autorités ont rapatrié les épouses et les enfants d'agents diplomatiques et consulaires algériens en poste en Libye. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani, a indiqué qu'il «a été procédé au rapatriement des épouses et enfants d'agents diplomatiques et consulaires algériens en poste en Libye et que ces derniers ont été accompagnés par deux fonctionnaires de la mission algérienne». Le porte-parole a ajouté que «le reste du personnel est toujours en place pour assurer le fonctionnement normal des différents services de la mission».