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Mille défaites pour zéro victoire

par Moncef Wafi

Un prêt ANSEJ, un lot de terrain, un logement AADL, vingt barils de pétrole/jour et la reconnaissance éternelle de l'Etat algérien pour les joueurs si les Verts revenaient avec les trois points de la victoire de Marrakech. Plus qu'une partie de football mettant en vedette vingt-deux gars en culotte courte, courant derrière un ballon, le rendez-vous du 4 juin prochain est à mettre dans la case des dates importantes dans le calendrier du sauvetage du pouvoir. Depuis l'épopée d'Oum Dourman, les Algériens se sont tellement investis dans cette équipe nationale, la portant à dos d'homme, priant Dieu d'épargner leurs guibolles, et la confondant presque avec leur propre destin de citoyens de seconde zone, qu'ils en ont oublié leurs déboires quotidiens. Tant que les «Guerriers du désert» remplissaient leurs contrats notariés, l'Algérie d'en bas taisait le chômage, la hogra, la corruption et les passe-droits. Les harraga mettaient leurs barques de côté, oubliaient la mer et les poissons, pour suivre un match de leur équipe. Les grévistes de tout bord désertaient la rue pour se planter devant l'écran plasma du café du coin. Les étudiants révisaient le jour pour veiller le soir sur le résultat des maillots verts. Bref, tant que l'équipe gagnait, la paix sociale était maintenue, les flics restaient dans leurs casernes et la violence avait déserté les stades, en même temps que les supporters. On ne marchait pas dans les rues sauf pour fêter une victoire au bout de 90 mn d'ennui. Jamais un sport n'avait eu un tel effet de bromure sur le peuple. L'Algérie d'en haut se congratulait, se donnant des tapes sur les épaules, en dépensant sans y regarder l'argent qui ne lui appartient pas. Les jours du match, les affaires allaient bon train et on faisait passer les décisions les plus impopulaires sans que cela attriste personne, car personne n'était en colère quand l'équipe gagnait. Personne ne suivait l'actualité du pays sauf celle de ses joueurs. Mais, voilà ! A force d'être médiocre, de manquer d'envergure et de déplorer l'absence de culture tactique, parce que le foot c'est aussi de la science et de la rigueur dans la préparation et la gestion des matchs, deux notions étrangères à notre dictionnaire national, les choses ont commencé à aller de travers. L'Algérie du carré vert ne gagnait plus, perdait ses rencontres, même face à des présumés tocards et rétrogradait dans le classement FIFA et dans le cœur de ses fans. Les millions d'Algériens, amoureux de cette équipe, ont commencé à se poser des points d'interrogation à la pelle sans trouver une seule réponse cohérente. Tantôt c'était la tactique de Saâdane, l'indigence de Ghazzal, mazal, devant les buts adverses, ou encore la faute à la chaleur, à l'humidité et à l'Afrique qui joue mieux que nous. La zappant, l'Algérie d'en bas, ne trouvant rien à faire de la journée, est revenue à ses vieilles habitudes. La contestation. Tout est redevenu comme avant, sinon pire. La rue a retrouvé ses semelles et les flics leurs matraques. Les harraga se sont souvenus qu'un cercueil au fond de la Méditerranée vaut mieux qu'un mur de soutènement en Algérie et les étudiants, les médecins, les infirmiers, les enseignants, les travailleurs de Sonatrach, de Sonelgaz, les patriotes, les gardes communaux, les femmes de ménage, les militaires et les flics radiés, les éléments de la Protection civile et tous les Algériens veulent marcher sur El Mouradia pour siffler la fin de partie de l'équipe dirigeante coupable de mille défaites pour zéro victoire.