Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Notre supplément économie avec la collaboration de «MAGHREB EMERGENT» : Echecs et émeutes

par Salim Rabia

Le malaise des jeunes des périphéries de la pauvreté est-il vraiment soluble dans la mixture d'huile, de sucre et de farine qui sert d'ingrédients de la réponse «technique» du pouvoir à Alger ? A Tunis, où les choses sont beaucoup plus dramatiques, la question politique, celle de la démocratie, de l'ouverture et de la liberté d'opinion, est désormais ouvertement posée. Plus clairement qu'en Algérie en tout cas. Dans les deux pays, les pouvoirs publics n'admettent toujours pas que la gestion autoritaire conduit à l'échec. Et que le bannissement de la politique, de la libre organisation de la société et de la concurrence entre les idées et les programmes a l'émeute pour conséquence. Que reste-t-il aujourd'hui des beaux classements accordés par les institutions financières internationales à la Tunisie quand le pays se retrouve bloqué par un système peu habitué à être contesté et qui se braque ? Le pays d'Aboulkassem Echabi était, sous des dehors de carte postale pour touristes européens peu dépensiers, gros d'un besoin de changement. Il l'exprime aujourd'hui avec une vigueur qui surprend. A Alger, des paris sont pris : la Tunisie, après avoir été un glacis, pourrait se retrouver à la pointe des progrès démocratiques au Maghreb. Pour l'heure, on compte surtout les morts dans une Tunisie qui serait insupportable, après ces sacrifices, si elle reste comme elle est. A Alger, on a eu une explication intrigante : les émeutiers sont animés d'un «instinct revanchard». On a certes vu la pulsion de destruction de ces jeunes à laquelle des citoyens, plus âgés, se sont opposés. Mais on aurait aimé en savoir plus. Comment cet «instinct revanchard» peut-il naître et devenir si destructeur ? Cet instinct n'étant pas inné, il faudra bien interroger les politiques qui y mènent. Mais apparemment, ce n'est pas encore le moment pour le système de se poser des questions. Pour l'heure, il faut se contenter de faire, sans lui, un constat d'échec. Marqué par le repli en rase campagne du gouvernement sur quelques dogmes du néo-patriotisme économique. Ici, à travers des chefs d'entreprises et des économistes, on peut trouver quelques clés pour comprendre le pourquoi de l'échec. Et aucune des explications ne se limite à l'huile et au sucre. Rassurant. Il nous reste encore des esprits qui n'acceptent pas d'être roulés dans la farine.